Une servitude de cours communes ne permet de déroger qu’aux règles d’implantation par rapport aux limites séparatives telles que fixées par l’article 7 du règlement de PLU
Une servitude de cours communes ne permet pas de déroger aux règles de hauteur fixées par l’article 10 du PLU applicable, y compris lorsque ces dernières sont liées aux règles d’implantation par rapport aux limites séparatives prescrites à l’article 7.
TA. Orléans, 4 novembre 2014, req. n°14-00353
Dans cette affaire, le titulaire du permis de construire attaqué avait contracté avec le propriétaire une servitude cours communes par laquelle ils avaient organisé l’implantation des constructions en dérogeant tant à l’article 7 du PLU applicable qu’en conséquence, à l’article 10 du PLU applicable ou, plus précisément, à celles des dispositions de ces derniers régissant la hauteur des constructions en considération de leur implantation par rapport aux limites séparatives puisqu’en revanche, la construction projetée respectait la hauteur plafond imposée en toute hypothèse par ce même article.
Mais saisi d’un recours à l’encontre du permis de construire ainsi obtenu, le Tribunal administratif d’Orléans a donc annulé cette autorisation en raison de la violation de l’article 10 applicable et ce, au motif principal suivant :
« Considérant qu’il résulte de l’article UC 7 du règlement du plan local d’urbanisme qu’en cas de passation d’une convention de cour commune, les règles relatives à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives ne peuvent être appliquées au projet en cause ; que l’article L.471-1 du code de l’urbanisme, qui porte seulement sur les règles de prospect relatives à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives, ne prévoit pas qu’il puisse être dérogé, en raison de l’institution d’une servitude de cour commune, aux règles relatives à la hauteur des constructions ; que, même s’il fait référence à l’article UC 7, l’article UC 10 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune Tours ne prévoit pas davantage que les règles de hauteur qu’il définit ne s’appliquent pas en cas de passation d’une convention de cour commune ».
1.- Sur ce point, il faut préciser que le Tribunal a ainsi suivi à la lettre les conclusions de son Rapporteur public qui lors de l’audience avait considéré qu’il ne serait pas possible de déroger aux règles de hauteur par une servitude de cours communes dans la mesure où une telle règle vise à « modeler l’aspect général d’un quartier ou d’un secteur » contrairement aux règles d’implantation qui pour leur part revêtiraient une dimension plus « privative ».
En tout état de cause, force est d’admettre qu’une telle analyse n’est pas satisfaisante dès lors qu’elle procède d’une distinction qui n’a pas lieu d’être dès lors qu’il est difficile de reconnaitre aux règles d’implantation par rapport aux limites séparatives un caractère privatif.
Comme on le sait en effet il s’agit d’une des deux seules règles qu’un règlement de PLU doit obligatoirement comporter (art. R.123-9 ; C.urb & CE. 18 juin 2010, Ville de Paris, req. n°326.708), laquelle :
- est donc obligatoire nonobstant les règles de prospect fixées pour des considérations de voisinage par les articles 675 et suivants du Code civil ;
- est indépendante de toute considération liée à sa « compatibilité » avec les articles 675 et suivants du Code civil dès lors qu’elle s’impose à des autorisations d’urbanisme délivrées sous réserve du droit des tiers ;
- se substitue à l’article R.111-18 du Code de l’urbanisme, lequel n’est pas callé sur les règles de prospect civil et poursuit lui-même une finalité différente (CE. 3 février 1978, Meppiel, Rec. P. 54 ; Cass. civ., 6 novembre 1991, Chamuneau, D.1991, IR.282).
Au demeurant, cette règle s’ajoute à l’autre règle obligatoire, à laquelle elle est étroitement liée, à savoir non pas l’implantation des constructions sur un même terrain (CE. 18 juin 2010, Ville de Paris, req. n°326.708) mais l’implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques. Or, l’article 6 et 7 d’un règlement de PLU non seulement répondent l’un comme l’autre à un objectif d’intérêt général mais en outre poursuive exactement la même finalité (sur l’article 6 : CE. 27 octobre 2008, Société Régionale de l’Habitat, req. n°290.188 & sur l’article 7 : CE. 11 février 2002, Urset, req. n°221.350), laquelle est identique à l’article R.111-18 précité (CE. 3 février 1978, Meppiel, Rec. P. 54).
Pour autant, et alors qu’à l’instar de l’article 6 et de l’article R.111-18 auquel il se substitue, l’article 7 répond à des préoccupations d’urbanisme (la morphologie du secteur), de sécurité (les possibilités de passage) et d’hygiène (distincte de celles des articles 675 et suivant du Code civil), il est donc possible d’y « déroger » par une servitude de cours communes ; ce qui n’est en revanche pas possible pour des règles clairement privatives tel un cahier des charges de lotissement dont même l’accord des colotis ne permet pas en lui-même et à lui seul de s’affranchir (CE. 31 janvier 1990, M. et Mme Letort, Rec., p.1032).
2.- Cela étant, le jugement a pour sa part plus spécifiquement relever que « l’article UC 10 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune Tours ne prévoit pas davantage que les règles de hauteur qu’il définit ne s’appliquent pas en cas de passation d’une convention de cour commune ».
Il reste qu’avant même l’ordonnance du 22 décembre 2011, ayant modifié sur ce point l’article L.471-1 du Code de l’urbanisme pour préciser que « les mêmes servitudes peuvent être instituées en l’absence de document d’urbanisme ou de mention explicite dans le document d’urbanisme applicable », il était possible de recourir à ces servitudes alors même que le PLU applicable ne le prévoyait pas (CE. 29 janvier 2014, SCI Circée, req. n°357293).
Il est vrai qu’aussi opportune que puisse être cette précision (sur ce point, voir ici) celle-ci génère quelques interrogations.
Notamment, il est permis de se demander :
- d’une façon générale, si le PLU peut exclure cette possibilité mais l’on peut penser que oui puisqu’il peut en organiser sa mise en œuvre et ses conséquences (CE. 13 mars 2013, req. n°346.916) ;
- plus spécifiquement, et surtout, si lorsqu’un PLU se borne à titre d’exemple à prévoir expressément cette possibilité dans un règlement de zone, cette précision a implicitement mais nécessairement pour effet de l’exclure pour les zones dont le règlement ne le prévoit pas expressément.
Il n’en demeure pas moins que si le simple fait que l’article 7 applicable dans cette affaire visait l’hypothèse où une servitude de cours communes était mise en place ne permettait pas nécessairement de conclure que celle-ci permettait de « déroger » à l’article 10, le seul fait que ce dernier n’envisage pas cette même hypothèse ne permettait pas en lui-même d’exclure cette possibilité.
3.- Mais précisément, le Tribunal administratif d’Orléans a plus généralement jugé « que l’article L.471-1 du code de l’urbanisme, qui porte seulement sur les règles de prospect relatives à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives, ne prévoit pas qu’il puisse être dérogé, en raison de l’institution d’une servitude de cour commune, aux règles relatives à la hauteur des constructions ».
Il reste que l’article précité dispose uniquement que « lorsqu'en application des dispositions d'urbanisme la délivrance du permis de construire est subordonnée, en ce qui concerne les distances qui doivent séparer les constructions, à la création, sur un terrain voisin, de servitudes de ne pas bâtir ou de ne pas dépasser une certaine hauteur en construisant, ces servitudes, dites "de cours communes", peuvent, à défaut d'accord amiable entre les propriétaires intéressés, être imposées par la voie judiciaire dans des conditions définies par décret ».
Certes, cet article vise donc « les distances qui doivent séparer les constructions » mais ce, plus généralement, « en application des dispositions d'urbanisme la délivrance du permis de construire est subordonnée ».
D’ailleurs, il résulte de la lettre même de l’article précité qu’une servitude de cours communes peut avoir pour unique objet d’imposer « de ne pas dépasser une certaine hauteur » et ce, pour l’application des règles relatives aux distances. Et pour cause puisqu’il est on ne peut plus fréquent que les règles de distance par rapport aux limites séparatives soient fixées en considération de la hauteur de la construction et/ou que cette hauteur soit déterminée par la distance séparant cette construction des limites séparatives.
4.- Mais précisément en l’espèce l’article UC.10 applicable ne se bornait pas à faire « référence à l’article UC 7 » comme l’a estimé le Tribunal administratif d’Orléans mais en était totalement indissociable dès lors qu’il se bornait en substance à réitérer, sous l’angle de la hauteur des constructions, les règles fixées par l’article UC.7.
a) Ainsi, et pour ce qui concerne les dispositions relatives à l’implantation ici en cause, l’article UC.7.2.1b) (al.1) disposait que « les nouvelles constructions ou extensions d’une hauteur supérieure à 6 mètres doivent être implantées éloignées des limites séparatives à une distance égale aux 2/3 de la hauteur de la construction envisagée, sans être inférieure à 4 mètres dans les conditions définies à l’article UN 10.3.2.1 ».
Dès lors qu’une construction présente une hauteur supérieure à 6 mètres, elle doit donc nécessairement être en recul. Partant, il résulte de ce seul article UC.7 que pour pouvoir s’implanter en limite séparative une construction doit donc nécessairement présenter une hauteur maximale de 6 mètres.
Et c’est cette seule et même règle que l’article UC.10.3.2.1 se borne à retranscrire en disposant que « la hauteur des constructions autorisées en limites séparatives à l’article UC 7.2.1.a ne peut excéder 6 mètres ».
Au regard de l’article UC.7.2.1, ces dispositions précitées de l’article UC.10 n’apportent donc rien et, partant, quand bien même celui-ci n’aurait-il pas été réglementé il n’en n’aurait pas moins demeuré qu’en application de l’article UC.7.2.1 non seulement une construction présentant une hauteur supérieure à 6 mètres ne peut pas être implantée en limite séparative mais également qu’une construction implantée en limite séparative doit nécessairement présenter une hauteur maximale de 6 mètres.
Mais en toute hypothèse et en l’état du PLU, de deux choses l’une :
- soit l’immeuble implanté en limite séparative présente une hauteur maximale de 6 mètres est celui-ci est conforme à l’article UC.7.2.1 mais également, et nécessairement, à l’article UC.10.3.2.1 ;
- soit l’immeuble présente une hauteur supérieure de 6 mètres mais est néanmoins implanté en limite séparative et partant celui-ci méconnait non seulement l’article UC.10.3.2.1 mais également, et nécessairement, l’article UC.7.2.1.
En résumé, le respect de l’un de ces articles assure en lui-même le respect de l’autre, et la méconnaissance de l’un emporte nécessairement la méconnaissance de l’autre.
Pour autant, le Tribunal administratif d’Orléans a donc jugé sur ce point que : « considérant qu’en l’espèce, la construction litigieuse est implantée au-delà de la bande des quinze mètres par rapport à l’alignement du terrain avec la rue Charles Gounod ; que si le terrain d’implantation du projet fait l’objet d’une convention de cour commune, il résulte de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus que cette circonstance ne saurait faire échec à l’application des règles de hauteur prévues par les dispositions précitées de l’article UC 10 du règlement du plan local d’urbanisme ; qu’il ressort des pièces du dossier que la construction litigieuse, qui est implantée sur la limite séparative ouest du terrain d’assiette du projet et n’est pas adossée à un volume bâti existant, a une hauteur supérieure à six mètres ».
Selon le Tribunal, dès lors que la construction était en limite séparative, celle-ci devait donc présenter une hauteur maximale de 6 mètres au titre de l’article UC.10.3.2.1, lequel est pourtant la simple retranscription d’un article UC.7.2.1 qui, s’agissant des constructions en limite, n’édicte en outre aucune autre condition à une telle implantation qu’une considération liée à la hauteur.
Or, l’article UC.7.2.1 ne fait pas exception aux dispositions préalables de l’article UC.7 qui a proprement parler n’autorisait pas à recourir à l’institution de cours communes mais plus généralement disposait que : « en cas de passation de contrat de cour commune, les règles d’implantation vis-à-vis des limites de propriétés objet de la cour commune définies ci-après ne s’appliqueront pas ».
S’agissant des constructions implantées en limites, qui ne sont donc pas exclues du bénéfice de ces dispositions générales, on voit donc mal en quoi une servitude de cours communes peut permettre de déroger, si ce n’est à la règle de hauteur s’imposant dans ce cas.
b) Mais semble-t-il pas totalement sûr de son fait, le Tribunal a d’ailleurs préféré ajouter « qu’à supposer même qu’en raison de l’existence d’une convention de cour commune, la construction ne doive pas être regardée comme implantée sur la limite séparative, la hauteur de cette construction est, en tout état de cause, supérieure à neuf mètres ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que cette construction méconnaît les règles de hauteur définies à l’article UC 10 ».
Sur ce point, il faut préciser que cette hauteur de 9 mètres n’était pas la hauteur plafond s’imposant en toute hypothèse – laquelle était fixée à 12 mètres et respectée par le projet – mais la hauteur relative maximale visée par l’article UC.10.3.2.1 disposant sur ce point que « la hauteur des constructions autorisées en retrait des limites séparatives à l’article UC 7.2.1.b (1er alinéa) ne peut excéder une hauteur de 9 mètres (…) ».
En substance, le Tribunal a donc jugé « qu’à supposer même qu’en raison de l’existence d’une convention de cour commune, la construction ne doive pas être regardée comme implantée sur la limite séparative » – ce qui ne pouvait être le cas qu’en faisant abstraction de cette limite – il convenait donc néanmoins de la traiter comme une construction en recul d’une limite séparative… dont il convient donc pourtant de faire abstraction pour considérer qu’elle n’est pas implantée sur celle-ci.
D’ailleurs, aux termes des dispositions précitées, cette hauteur de 9 mètres ne s’impose pas à proprement parler aux constructions n’étant pas implantées en limite ou ne pouvant pas légalement s’implanter en limite au regard de leur hauteur mais aux « constructions autorisées en retrait des limites séparatives à l’article UC 7.2.1.b (1er alinéa) », ce qui n’est donc pas le cas d’une construction implantée à la faveur d’une servitude de cours communes puisqu’aux termes de l’article UC.7 « en cas de passation de contrat de cour commune, les règles d’implantation vis-à-vis des limites de propriétés objet de la cour commune définies ci-après ne s’appliqueront pas ».
Une construction implantée à la faveur d’une servitude de cours communes – écartant l’ensemble des règles d’implantation fixées par l’article UC.7 – n’est donc pas une construction autorisée en retrait au titre de l’article UC.7.2.1.
Néanmoins, et pour le Tribunal administratif d’Orléans, une telle construction :
- si elle présente une hauteur supérieure à 6 mètres pourrait être considérée comme n’étant pas en limite au sens de cet article UC.7.2.1 puisqu’il ne s’applique pas en cas de cours communes ;
- mais serait donc en retrait de cette même limite au sens de ce même article et, partant, ne devrait pas dépasser 9 mètres en application d’un article UC.10 visant les constructions en recul au titre d’un article UC.7.2.1 ne s’appliquant donc pourtant pas.
En bref : une limite séparative qui juridiquement n’existe pas est une limite qui existe néanmoins et, partant, une construction implantée sur une limite séparative qui n’existe pas est une construction en recul de celle-ci pour l’application de règles de hauteur fixées en considération des règles de distances prescrites par un article inapplicable dans le cas d’une cours communes.
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés
Commentaires
Bonjour,
merci pour votre article très intéressant.
J'ai obtenu une division foncière en 7 lots en 2013 via une DP à la suite de la mise en place du PLU avec la mention de surface de plancher sur chaque lot. J'ai gardé un lot plus important en réserve foncière. A la suite de la parution de la loi ALUR j'ai déposé une nouvelle division sur ce lot via une DP mais la mairie refuse la division suite à des motifs fallacieux et notamment un problème d'assainissement (station d'épuration ayant une capacité insuffisante) et des accès alors que tous ces points ont été validés lors de la première division et la mise en place du PLU.
De plus, en vue de limiter la construction, la mairie souhaite modifier le Plu pour mettre en place des CES et des surfaces minimales d'espace vert ce qui diminuerait la constructibilité des terrain par rapport à leur constructibilité via le COS.
Puis-je agir en justice contre cette décision de refus et la modification du PLU ?