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  • A défaut d’avoir été distinctement notifié à chacun de ses cotitulaires, un recours à l’encontre d’un permis de construire conjoint est irrecevable dans sa globalité

     

    Un recours gracieux n’ayant été notifié qu’à l’un des deux cotitulaires d’un permis de construire conjointement obtenu ne satisfait pas à l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme et n’interrompt donc pas le délai de recours des tiers au bénéficie de son auteur ; la circonstance que l’autorisation attaquée constitue un permis de construire valant division n’ayant aucune incidence à cet égard.

    CAA. Lyon, 9 avril 2013, Association des « Habitants de Vésegnin », req. n°13LY00066


    Voici un arrêt qui appelle peu de commentaires mais qui mérite néanmoins d’être signalé dès lors qu’à notre connaissance, il s’agit de la première jurisprudence sur la question ainsi posée.

    Dans cette affaire, un même permis de construire avait été conjointement obtenu par deux sociétés qui s’en trouvaient ainsi « cotitulaires ». Mais cette autorisation devait faire l’objet d’un recours gracieux exercé par une association qui ne devait toutefois notifier ce recours qu’à l’une de ces deux sociétés, contrairement au recours contentieux ultérieurement introduit

    Ainsi, chacune des deux sociétés défenderesses devaient conclure à la tardiveté et, donc, à l’irrecevabilité de ce recours contentieux en soutenant que, faute d’avoir été distinctement notifié à chacune d’elle ce recours gracieux n’avait pas interrompu le délai de recours des tiers fixés par l’article R.600-2 ; étant rappelé qu’en tout état de cause, un tel recours gracieux est néanmoins susceptible de déclencher ce délai (s’il ne l’a pas été par le régulier affichage du permis sur le terrain à construire) en application de la théorie dite de la « connaissance acquise » (pour exemple : CAA. Paris 31 décembre 2003, M. Phillipeau, req. n°00PA01948).

    C’est précisément pour ce motif que le Tribunal administratif de Lyon devait rejeter la requête avant que la Cour administrative de Lyon, tout en annulant l’ordonnance de première instance en raison de son insuffisante motivation, ne confirme le principe de cette solution :

    « Considérant que le premier juge n’a pas répondu au moyen, soulevé dans le mémoire en réplique de l’association requérante, selon lequel les dispositions de l’article R.600-1 du code de l’urbanisme n’imposent pas de notifier un recours gracieux aux co-titulaires d’un permis de construire délivré sur le fondement de l’article R.431-24 du code de l’urbanisme ; que l’ordonnance attaquée est ainsi entachée d’une insuffisance de motivation et doit être annulée ; qu’il y a lieu pour la cour de statuer sur la demande présentée devant le tribunal par la voie de l’évocation ;
    Considérant d’une part qu’aux termes de l’article R.600-1 du code de l’urbanisme : « (...) » ; qu’il résulte de ces dispositions, eu égard notamment à la volonté qui a justifié leur institution d’assurer une meilleure sécurité juridique des bénéficiaires d’autorisations d’occupation du sol, que lorsqu’un permis de construire est délivré à plusieurs personnes morales distinctes, la notification qu’elles prescrivent doit être effectuées à l’égard de chacune desdites personnes ; que la circonstance que le permis visé par la demande d’annulation soit délivré sur le fondement de l’article R.431-24 du code de l’urbanisme concernant les projets devant faire l’objet d’une division en propriété ou en jouissance est sans incidence sur l’étendue de l’obligation de notification en cas de pluralité des bénéficiaires
    ».


    En première analyse, cette solution n’était pas si évidente dans la mesure où, à titre d’exemple, le Conseil d’Etat a pu juger que la notification prescrite par l’article précité pouvait être valablement effectuée :

    • à l’épouse du titulaire de l’autorisation d’urbanisme contestée dès lors qu’ils n’étaient pas séparés de corps (CE. 7 août 2008, Cne de Libourne, req. n°288.966) ;
    • au Préfet en sa qualité de supérieur hiérarchique du Maire lorsque ce dernier a délivré le permis de construire contesté au nom de l’Etat (CE. 13 juillet 2011, SARL Love Beach, req. n°320.448) ;
    • au maitre d’ouvrage de la construction projetée alors que le permis de construire avait été délivré à son maitre d’ouvrage délégué au titre de la loi « MOP » du 12 juillet 1985 (CE. 18 octobre 2006, Synd. des copropriétaires de l’immeuble « Les Jardins d’Arago », req. n°294.096) ;

    et ce, compte tenu en substance des liens de droit existants entre le titulaire du permis de construire et la personne à laquelle le recours dirigé à son encontre avait été notifié.

    Ainsi, dès lors que le permis de construire présente un caractère réel, ce dont il résulte que les co-titulaires d’un permis de construire conjoint sont solidairement responsables de son exécution, on ne pouvait exclure qu’il soit jugé qu’un recours à l’encontre d’un permis de construire conjoint pouvait être valablement notifié à l’un et/ou à l’autre de ses co-titulaires.

    Mais précisément, si chacun des cotitulaires d’un tel permis de construire est solidairement responsable de son exécution c’est dans la mesure où, compte tenu de son caractère réel, chacun est autorisé au regard du droit de l’urbanisme à exécuter l’ensemble des travaux ainsi prévus ; telle étant la raison pour laquelle chacun devaient justifier d’un titre l’habilitant à réaliser l’opération sur l’ensemble du terrain à construire (CE. 14 octobre 2009, Cne de Messange, req. n°297.727).

    Or, il résulte des travaux préparatoires de la loi n°94-112 du 9 février 1994 que les dispositions aujourd’hui codifiées à l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme procèdent d’un objectif de responsabilisation des requérants mais également de sécurisation des constructeurs aux fins que ces derniers soient immédiatement informés des risques liés à l’exécution de l’autorisation ainsi contestée (Rapport du Conseil d’Etat, Doc. Fr. 1992).

    Précisément, c’est donc cet objectif que la Cour administrative d’appel de Lyon a fait primer, indépendamment de toute autre considération, en soulignant que l’autorisation contestée avait été délivrée à des « personnes morales distinctes » ; les deux sociétés pétitionnaires n’appartenant pas au même « groupe » et ayant leur siège à des adresses distinctes.

    Il faut en effet relever que, « pour sa défense », l’association appelante avait fait valoir que l’autorisation contestée constituait un permis de construire valant division portant sur une opération divisible et ce, tout en soulignant qu’au regard des composantes du projet autorisé et de l’objet social de chacune des deux sociétés pétitionnaires , il était parfaitement possible d’identifier la sphère d’intervention spécifique de chacune.

    Pour partie, cet argument était toutefois contradictoire dans la mesure où l’on voit mal à quoi il aurait pu aboutir, si ce n’est à l’irrecevabilité partielle des conclusions d’annulation pour ce qu’elles concernaient la partie du projet correspondant à l’intervention de société maître d’ouvrage à laquelle le recours gracieux préalable n’avait pas été notifié.

    Il reste que cet argument devait donc être rejeté, la Cour jugeant donc que le défaut de notification d’un recours à l’un des cotitulaires d’une autorisation d’urbanisme affectait d’irrecevabilité la requête dans sa globalité ; la circonstance qu’il s’agisse d’un permis de construire valant division n’ayant donc aucune incidence à cet égard.

    Il faut dire que ce qu’il est convenu d’appeler un permis de construire valant division n’est pas une autorisation d’urbanisme à part entière puisque fondamentalement il ne constitue rien d’autres qu’un permis de construire délivré au vu d’un dossier comprenant les pièces complémentaires visées par l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme, lequel ne comporte strictement aucune disposition d’ordre personnel.

    Il ne fait donc pas exception au principe selon lequel une autorisation d’urbanisme présente un caractère réel, et non pas personnel, ce dont il résulte qu’un tel permis se borne à autoriser l’ensemble un projet et non pas telle ou telle personne désignée à l’exécuter (Cass. crim. 29 juin 1999, pourvoi n°98-83.839 ; CAA. Marseille, 23 novembre 2006, M. X., req. n°04MA00264), a fortiori en tout ou partie.

    C’est ce que tend à confirmer cet arrêt, tout en précisant qu’en toute hypothèse la solidarité susceptible de résulter d’un permis de construire conjoint ne créé pas entre ses cotitulaires un lien de droit tel que la notification prescrite au titre de l’article R.600-1 puisse être valablement effectuée à l’adresse d’un seul d’entre eux.

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés