Il n'est pas nécessaire d’avoir sollicité une adaptation mineure au stade de la présentation de la demande d’autorisation pour en revendiquer le bénéfice en cas de contentieux
La possibilité de bénéficier d’une adaptation mineure ne peut être écartée par le juge administratif au seul motif qu’elle n’a pas été demandée par le pétitionnaire.
CE. 13 février 2013, SCI Saint-Joseph, req. n°350.729
Dans l’affaire visée en référence, la SCI requérante avait obtenu un permis de construire dont l’exécution conforme devait toutefois être contestée et donner lieu à un procès-verbal d’infraction au motif que la hauteur de l’ouvrage réalisé dépassait celle prévue par cette autorisation.
Aux fins de régulariser ces travaux sur le plan administratif, la SCI présenta donc une demande de « modificatif », laquelle devait toutefois être rejetée au motif que les travaux objets de cette demande – ceux à régulariser – portait sur une construction excédant de 26 centimètres le plafond de hauteur fixé par l’article 10 du règlement de PLU applicable.
La SCI exerça un recours en annulation à l’encontre de cette décision de refus et à cette occasion, bien qu’elle ne l’ai pas demandé au stade de sa demande de « modificatif », invoqua le bénéfice de l’alinéa de l’article 123-1 alors applicable et, plus concrètement, fit ainsi valoir que ce dépassement de 26 centimètres constituait une adaptation mineure. Il reste que ce recours devait être rejeté par le Tribunal administratif de Nice dont le jugement fut ensuite confirmé par la Cour administrative d’appel de Marseille et ce, au motif suivant :
« Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme : (...) Les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes (...) ; que si la société requérante soutient dans le cas où un dépassement de la hauteur autorisée serait retenu, que ce dépassement serait constitutif d'une adaptation mineure, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'a pas demandé lors de l'instruction de son dossier à bénéficier de l'application de ces dispositions ; qu'en l'absence d'un traitement d'une telle demande par le service instructeur, elle n'est pas recevable à la présenter directement devant le juge ; que, dès lors, le moyen ne peut être qu'écarté » (CAA. Marseille 5 mai 2011, req. n°09MA01799. Voir également : CAA. Marseille, 20 décembre 2011, Cne de Rougiers, req. n°10 MA02646).
Mais pour sa part, le Conseil d’Etat devait donc juger que :
« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCI Saint Joseph a soutenu devant la cour administrative d'appel de Marseille que le non-respect des règles de hauteur fixées par le plan local d'urbanisme, dont elle contestait, par ailleurs, la réalité, pouvait être regardé comme procédant d'adaptations mineures au sens de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme ; qu'il appartenait dès lors à cette cour, saisie de ce moyen, de se prononcer, par une appréciation souveraine des faits, sur le caractère éventuellement mineur de l'adaptation alléguée ; qu'en jugeant que la SCI Saint Joseph n'était pas recevable à soutenir directement devant le juge administratif que la surélévation projetée procédait d'une adaptation mineure prévue par l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme dès lors que le service instructeur n'avait pas été saisi d'une telle demande, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit ; que, dès lors, son arrêt doit être annulé ».
Bien qu’il s’agisse de la première décision rendue avec autant de clarté par le Conseil d’Etat, dont certains des précédents arrêts sur ce point étaient d’une certaine ambiguïté (CE. 27 juin 2008, Yannick A req. n°288.942), cette solution n’est guère surprenante, du moins au regard du régime applicable à la date de la décision contestée.
Il faut en effet relever et préciser que le refus de « modificatif » avait été opposé le 7 novembre 2005, soit à une époque où l’article R.421-15 disposait alors que « le service chargé de l'instruction de la demande (…) instruit, au besoin d'office, les adaptations mineures au plan local d'urbanisme ou au document d'urbanisme en tenant lieu, aux prescriptions des règlements des lotissements ainsi qu'aux cahiers des charges des lotissements autorisés sous le régime en vigueur avant l'intervention du décret n° 77-860 du 26 juillet 1977, ou les dérogations aux dispositions réglementaires relatives à l'urbanisme ou aux servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol ».
Il était donc clair qu’une autorisation d’adaptation mineure pouvait être accordée sans que le pétitionnaire l’ait demandé puisque cette possibilité pouvait à défaut être instruite d’office.
Il reste que, précisément, les dispositions précitées de l’article R.421-15 n’ont plus d’équivalent dans le dispositif en vigueur depuis le 1er octobre 2007. Néanmoins, la solution rendue dans l’arrêt commenté ce jour nous parait demeurer.
Tout d’abord, il faut relever que le Conseil d’Etat n’a donc aucunement visé l’article R.421-15 mais s’en est tenue à l’article L.123-1 alors applicable.
Ensuite, l’actuel article L.123-1-9 du Code de l’urbanisme dispose que « les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes » et n’induit en aucune mesure que l’octroi d’une telle adaptation serait nécessairement subordonné à la présentation d’une demande par le pétitionnaire.
Enfin, une adaptation mineure n’est pas une dérogation et, surtout, son octroi ne relève pas d’une compétence discrétionnaire de l’autorité compétente dans la mesure où celle-ci à l’obligation d’instruire cette possibilité et de l’accorder lorsque les conditions sont réunies puisqu’à titre d’exemple, et indépendamment de toute référence à l’ancien article R.421-15 du Code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a jugé que :
« Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que la parcelle sur laquelle M. X... souhaite construire a une largeur comprise entre 27 et 29,50 mètres et ne dispose pas d'un réseau d'assainissement collectif ; qu'elle ne peut être considérée comme constructible au regard des dispositions applicables du plan d'occupation des sols ; que, toutefois compte-tenu du faible écart entre la largeur de la parcelle et la règle posée par le plan d'occupation des sols, la possibilité prévue par l'article L.123-1 précité du code de l'urbanisme d'accorder une dérogation mineure ne pouvait être écartée par principe ; qu'à la suite du recours gracieux présenté par l'intéressé et qui demandait que le permis lui fut accordé au titre d'une adaptation mineure, le maire a refusé d'examiner cette possibilité ; que, ce faisant, il a, comme l'ont relevé les premiers juges, entaché sa décision refusant le permis de construire d'une erreur de droit » (CE. 15 mai 1995, M. X…, req. n°118.919)
La possibilité d’accorder le permis de construire à la faveur d’une adaptation mineure apparait ainsi relever des modalités de droit commun d’instruction de la demande et d’appréciation de la conformité du projet aux règles du PLU, et s’impose donc à l’autorité compétente, laquelle ne saurait ainsi faire varier les modalités d’application de la règle selon que le pétitionnaire l’ai ou non demandé.
Le dispositif en vigueur depuis le 1er octobre 2007, et l’absence de disposition équivalente à l’ancien article R.421-15 du Code de l’urbanisme, ne s’oppose donc pas à ce que les services administratifs octroi une adaptation mineure sans qu’elle n’ait été demandée par le pétitionnaire et ce, d’autant moins qu’a contrario ce dispositif n’intègre plus non plus de disposition équivalent à l’ancien article R.421-18 en ce qu’il disposait que « le délai d'instruction est également majoré d'un mois lorsqu'il y a lieu d'instruire une dérogation ou une adaptation mineure ».
Il reste que dans la mesure où la décision contestée dans cette affaire constituait un refus de permis de construire, l’arrêt commenté ce jour ne permet pas de résoudre une autre question : lorsque le permis de construire est accordé mais apparait méconnaitre une règle du PLU sans qu’une adaptation mineure n’ait été expressément accordée, la commune défenderesse peut elle en cas de contentieux opérer une substitution de motif en faisant valoir la possibilité d’octroyer une telle adaptation mineure ?
Il est vrai que l’article L.424-3 du Code de l’urbanisme indique que la décision « doit être motivée (…) lorsqu'elle (...) porte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d'urbanisme applicables » ; rédaction qui :
- si elle n’implique d’ailleurs pas elle-même qu’une adaptation mineure est nécessairement accordée ou autorisée suivant une demande présentée en ce sens par le pétitionnaire ;
- pourrait en revanche être comprise comme signifiant qu’une adaptation mineure doit nécessairement être instruite au stade de la demande puisque devant être expressément octroyée par une décision motivée et, donc, par un permis faisant état de cette adaptation.
Cela étant, l’article L.424-3 précité n’est pas propre aux adaptations mineurs mais constitue un dispositif général relatif à la forme et à la motivation des décisions statuant sur les demandes d’autorisation et, notamment, des décisions de refus alors que l’exigence de motivation de ces dernières ne s’est jamais opposée à la formation de refus tacites dans les cas visées à l’article R.424-2 du Code de l’urbanisme, ni à la possibilité pour l’autorité compétente de conforter la légalité d’un refus de permis de construire en substituant devant le juge un motif autre que celui ou ceux exposés en tant que motivation de la décision de refus expresse.
Au demeurant, si à l’examen de la rare jurisprudence rendue en la matière il apparait qu’une telle demande de substitution de motifs n’a jamais été accueillie positivement, ceci semble résulter non pas d’une impossibilité de principe mais de la simple circonstance que dans chacune de ces affaires l’adaptation invoquée n’était pas mineure et/ou pas justifiée par l’un des motifs visés par l’article L.123-1 alors applicables (voire toutefois au sujet des dérogations prévue par l’article R.111-20 du Code de l’urbanisme : CE. 19 novembre 1986, Louis X… req. n°68.814).
Si l’arrêté commenté de jour ne permet donc pas de trancher cette question, il semble en revanche offrir un autre moyen que la technique de la substitution de motif pour conforter la légalité d’un permis de construire qui aurait pu être valablement accordé à la faveur d’une adaptation mineure mais sans que celle-ci ne soit expressément octroyée, et a fortiori motivée.
Il faut en effet rappeler que dans cette affaire le refus contesté ne portait pas sur une demande primitive de permis mais sur une demande de « modificatif », en outre de régularisation.
Dans la mesure où cette circonstance semble n’avoir eu aucune incidence sur le sens de la solution retenue, cet arrêt tend donc à confirmer qu’une adaptation mineure peut être mise en œuvre au stade d’un « modificatif », le cas échéant aux fins de régularisation des travaux et/ou de l’autorisation primitive et donc à valider l’analyse adoptée par les Cours administratives d’appel ayant pu jugé que :
« considérant, d'une part, que, si le maire de la commune de Bordeaux a accordé, aux termes de l'arrêté attaqué, un permis de construire modificatif pour un projet identique à celui annulé par la Cour le 1er juillet 1997, au motif que le permis du 18 avril 1991 avait été accordé en méconnaissance des dispositions du plan d'occupation des sols de la Communauté urbaine de Bordeaux relatives à la hauteur du niveau du rez-de-chaussée, il a, toutefois, contrairement au précédent permis, expressément exposé dans les motifs de sa décision, que le fait qu'une très faible partie de la façade Est du bâtiment dépasse la hauteur maximale autorisée constituait une adaptation mineure justifiée par la nature et la configuration de la parcelle et délivré ledit permis sur ce fondement ; que la délivrance, dans ces conditions, du permis attaqué ne méconnaît pas l'autorité de la chosé jugée par la Cour le 1er juillet 1997 » (CAA. Bordeaux, 3 mai 2007, Paolo X…, req. n°04BX00347) ;
ou mieux encore que:
« Considérant que, par arrêté du 30 mars 2009, le maire d'Annecy-le-Vieux a autorisé la SOCIETE FLOCON D'AVRIL à édifier deux maisons d'habitation sur un terrain situé au lieu-dit " Le Bulloz " ; que, saisi par M. et Mme A d'un recours gracieux, il a, par arrêté du 26 juin 2009, retiré ce permis de construire, au motif que le projet en cause méconnaissait les prescriptions de l'article UP 5 du règlement du plan local d'urbanisme, et refusé la délivrance d'un nouveau permis de construire accordant l'adaptation mineure sollicitée par la SOCIETE FLOCON D'AVRIL ; que celle-ci ayant à son tour présenté un recours gracieux contre ce nouvel arrêté, le maire d'Annecy-le-Vieux, par un troisième arrêté daté du 15 octobre 2009, l'a retiré en tant qu'il avait refusé le permis de construire et a délivré à l'intéressée le permis de construire sollicité en la faisant bénéficier d'une adaptation mineure de l'article UP 5 du règlement du plan local d'urbanisme ;
Considérant que (…) la nouvelle autorisation d'urbanisme qu'il délivre à la SOCIETE FLOCON D'AVRIL revêt le caractère, non d'un nouveau permis de construire, mais d'un permis modificatif ayant pour objet de régulariser ce permis initial au moyen d'une adaptation mineure » (CAA. Lyon, 31 juillet 2012, Sté Flocon d’Avril, req. n°12LY00474);
ce qui au demeurant est parfaitement logique puisque comme on le sait « le permis de construire initialement délivré pour l'édification d'une construction et le permis modificatif (…) constituent un ensemble dont la légalité doit s'apprécier comme si n'était en cause qu'une seule décision » (CAA. Paris, 30 octobre 2008, M. Gilbert Y., req. n°05PA04511) ; ce dont résulte précisément l’étendue des vertus régularisatrices d’un permis motif.
Et pour conclure non pas sur les adaptations mineures mais sur les dérogations, on précisera que s’il semble difficile (en ce sens : CE. 16 mai 2011, Sté LGD Développement, req. n°324.967) qu’un permis puisse être délivré à titre précaire en application de l’article L.433-1 du Code de l’urbanisme sans que le pétitionnaire ne l’ai demandé ou que ce dernier puisse néanmoins en revendiquer le bénéfice, il n’apparait en revanche pas nécessairement exclut que l’article précité soit mis en œuvre au stade d’un « modificatif » puisqu’aux termes de l’alinéa 2 de l’article précité « le permis de construire est soumis à l'ensemble des conditions prévues par les chapitres II à IV du titre II du présent livre » ; ce dont il résulte que, sur le plan procédural, l’autorisation délivrée en application de cet article n’apparait pas constituer à part entière une autorisation d’urbanisme particulière et distincte du permis de construire.
Reste à imaginer les possibilités qui seraient ouvertes par de tels « modificatifs » d’adaptation mineure ou dérogatoire en les combinant à l’appréciation des conditions de mise de œuvre de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme…
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés