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La décision modificative de non-opposition à déclaration de travaux

Lorsqu'un arrêté de non opposition aux travaux déclarés a été délivré sans que soient respectées des formes ou formalités, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par un arrêté modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises ; que les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'arrêté initial de non opposition aux travaux déclarés.

CE. 6 mai 2011, Ministre de l’écologie, req. n°336.919 (ici)



Voici un arrêt qui appelle peu de commentaires mais s’avère néanmoins d’importance, et qui d’ailleurs  aurait peut-être mérité à notre sens d’être mentionné au Recueil. Mais il est vrai que selon nous la réponse était presque évidente…du moins dans son principe puisque son champ d’application semble en revanche revêtir quelques subtilités.

Dans cette affaire, le requérant avait formulé une déclaration de travaux portant sur la construction d’un mur paravent, laquelle donna lieu le 11 avril 2008 à une décision de non-opposition expresse qui devait être attaquée au motif, notamment, qu’elle ne comportait pas le nom de son titulaire, le déclarant.

En conséquence, le Maire édicta le 29 juillet 2008 un nouvel arrêté complémentaire comportant le non de l’auteur de la déclaration initiale.

Pour autant, le Tribunal administratif de Montpelier devait juger que l’arrêté du 29 juillet 2008 n’était pas susceptible de régulariser l’arrêté initial du 11 avril 2008 et, par voie de conséquence, annuler la décision de non-opposition du 11 avril 2008.

En l’état, on ne sait exactement sur quel fondement ledit Tribunal a prononcé cette annulation. On peut peut penser qu’il a considéré que l’absence de mention du nom du déclarant constituait un vice substantiel dans la mesure où ce faisant, l'autorisation délivrée n'avait pas de titulaire (TA. Versailles, 26 octobre 1993, Segal, DA 1994, comm. n°57).

Mais en toute hypothèse, il faut admettre que la décision de non-opposition initiale était assortie de prescriptions puisque ce n’est que dans ce cas qu’une telle décision doit nécessairement prendre la forme d’un arrêté exprès et qu'en dehors de ce cas, les vices de forme affectant une décision de non-opposition délivrée sous la forme d’une arrêté que rien n’imposait ne sauraient l’affecter d’illégalité puisque le conseil d’Etat a jugé que :

« Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 441-2, L. 441-3 et L. 422-2 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué, que l'édification d'une clôture, qui est subordonnée à une simple déclaration préalable, peut être exécutée en l'absence d'opposition dans le délai d'un mois suivant le dépôt de la déclaration, sous réserve, le cas échéant, du respect des prescriptions notifiées dans les mêmes conditions ; que les travaux de cette nature ne donnent donc en principe pas lieu à une décision explicite de l'autorité compétente, sauf en cas d'opposition ou de prescriptions particulières ; que toutefois, à la suite de la déclaration déposée le 4 novembre 2002 par Mme A, le maire de la commune d'Audresselles a pris, le 3 décembre 2002, une décision explicite de non-opposition à travaux, sans imposer le respect de prescriptions particulières, alors même qu'il n'était pas tenu de le faire ; qu'il suit de là que l'irrégularité formelle de l'arrêté du 3 décembre 2002 résultant de ce que n'y figure pas la mention du nom et du prénom de son auteur, comme l'imposent les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, ne présente pas, en l'espèce, un caractère substantiel ; que, par suite, le moyen tiré de cette irrégularité doit être écarté » (CE. 14 mai 2008, M. et Mme B., req. n° 289.745).

Mais surtout, on ne sait pourquoi le Tribunal administratif de Montpelier a considéré que l’arrêté du 29 juillet 2008 n’était pas susceptible de régulariser la décision initiale du 11 avril 2008 (si certains lecteurs disposent du jugement, nous sommes évidemment preneur).

Deux motifs sont possibles.

D’une part, on peut penser que le Tribunal a considéré qu’une décision modificative ne pouvait pas régulariser le vice de forme affectant l’autorisation initiale puisqu’en substance, l’édiction d’une seconde décision fut-elle présentée sous la forme d’une décision modificative ne changeait rien au fait que la première ne mentionnait pas le nom de son titulaire.

Sur ce point, il ne peut être pas anodin de rappeler que le Tribunal administratif de Montpelier relève du ressort de la Cour administrative d’appel de Marseille, laquelle de façon isolée (CAA. Paris, 30 octobre 2008, M. Gilbert Y., req. n°05PA04511 ; CAA. Nantes, 27 mars 2007, Cne de la Faute-sur-Mer, req. n°06NT01269) a jugé qu’un « modificatif » ne pouvait pas régulariser un permis de construire primitif ne comportant pas le nom et prénom de son auteur comme l’impose l’article 4 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 (CAA. Marseille, 16 mai 2007, M.Y., req. n°04MA01336).

D’autre part, et plus fondamentalement, on ne peut exclure que le Tribunal ait considéré qu’une décision de non-opposition était par nature insusceptible de faire l’objet une décision modificative ; possibilité que n’avait pourtant pas réellement semblé exclure la Cour administrative d’appelle de Marseille dans l’arrêt par lequel elle avait précédemment jugé que :

« Considérant, d'autre part, que contrairement à ce que soutient M. X, la déclaration de travaux à laquelle s'est opposé le maire de BREIL-SUR-ROYA ne peut être regardée comme une déclaration modificative de celle qu'il avait déposée en vue de la réfection de la toiture et à laquelle ne s'était pas opposée cette même autorité administrative par décision du 19 juillet 1994, dès lors que l'objet des travaux à réaliser était différent et sans lien direct ; que dans ces conditions, le maire de BREIL-SUR-ROYA a pu légalement, par décision du 10 janvier 1996, s'opposer aux travaux déclarés par M. X » (CAA. Marseille, 9 octobre 2003, Jean-Pierre X., req. n99MA01672).

Mais en toute hypothèse l’arrêt commenté en ce qu’il a donc jugé que :

« Considérant que lorsqu'un arrêté de non opposition aux travaux déclarés a été délivré sans que soient respectées des formes ou formalités, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par un arrêté modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises ; que les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'arrêté initial de non opposition aux travaux déclarés ; qu'ainsi en jugeant que l'arrêté complémentaire du 29 juillet 2008 n'était pas susceptible de régulariser l'illégalité dont se trouvait entaché l'arrêté du 11 avril 2008, le tribunal administratif a entaché sa décision d'erreur de droit ; que dès lors son jugement en date du 17 décembre 2009 doit être annulé ».

est susceptible d’écarter l'un comme l'autre de ces deux motifs.

D’une part, et comme on le sait, le Conseil d’Etat a jugé que « lorsqu'un permis de construire a été délivré (…) sans que soient respectées les formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure les respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises » (CE. 2 février 2004, SCI La Fontaine de Villiers, 238.315).

Or, par « forme », on voit mal ce que le Conseil d’Etat pouvait entendre si ce n’est principalement les mentions de l’autorisation d’urbanisme en cause.

De ce fait, il est donc possible de considérer que ce faisant la Haute Cour a également annoncé la possibilité de régulariser une autorisation méconnaissant l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 par une simple décision « modificative ».

En effet, nous voyons mal ce qui pourrait expliquer que l’absence de mention du nom du bénéficiaire constitue un vice substantiel, si ce n’est qu’à défaut d’une telle précision l’arrêté doivent être considéré comme n’ayant pas de titulaire ou, à tout le moins, que le défaut de cette mention prive de destinbatire la prescription assortissant la décision. 

Or, une autorisation d’urbanisme sans titulaire peut constituer un acte inexistant (voir toutefois: CAA. Bordeaux, 30 décembre 2005, LPA, n°88/2006) alors que le défaut de mention du nom et du prénom du signataire d’une décision administrative constitue un pur vice forme ne suffisant pas en lui-même à préjuger de l’incompétence dudit signataire.

Dès lors que, dans cette mesure, l’absence du nom et du prénom du signataire d’une autorisation d’urbanisme constitue un vice « moins » substantiel que le défaut d’indication du nom du titulaire de cette autorisation, on voit donc mal pourquoi le premier ne pourrait pas être régularisé par une décision modificative alors que tel peut être le cas du second.

D’autre part, et surtout, le Conseil d’Etat vient donc de reconnaitre la propension d’une décision de non-opposition à déclaration préalable à faire l’objet d’une décision « modificative ».

Voici, donc une décision qui soulagera ceux lassés d’entendre qu’une telle décision ne peut faire l’objet d’une « modificative » dans la mesure où… il n’existe aucun formulaire « CERFA » prévu à cet effet.

Tout en ayant une pensée pour les « précurseurs » ayant osé solliciter des permis modificatifs et des transferts de permis bien avant l’impression de formulaires « CERFA » prévus pour ce faire, on rappellera en effet que le formulaire « CERFA » et ses mentions n’ont strictement aucune valeur règlementaire et qu'une demande d’autorisation peut être valablement présentée sans recourir à un tel formulaire dès lors que la lettre de demande fournit l’ensemble des renseignements requis.

Mais surtout, on rappellera que les travaux visés par l’ancien article R.421-2 du Code de l’urbanisme et par l’actuel article R.421-17 ne sont pas subordonnés à la formulation d’une déclaration préalable mais à la formation ou à l’obtention d’une décision de non-opposition.

Ces travaux sont donc soumis à autorisation, en l’occurrence à une décision de non-opposition qui certes a en principe a vocation à être tacite mais qui à cet égard n’en constitue pas pour autant une décision plus particulière que le permis de construire ; étant rappelé que si en l’absence de réponse expresse une demande de permis de construire aboutit en principe à un permis tacite c’est par exception au principe général selon lequel à défaut de réponse expresse favorable, une demande d’autorisation doit être réputée rejetée.

Une décision de non-opposition à déclaration préalable, même tacite, constitue donc ni plus ni moins qu’une autorisation au même titre qu’un permis de construire, d’aménager ou de démolir. Dès lors, on voyait mal pourquoi une telle décision ne pourrait pas donner lieu à une décision « modificative ».

Pour autant, le champ d’application de décision de non-opposition modificative semble plus restreint que celui du permis modificatif.

Force est en effet de constater que si le Conseil d’Etat a donc jugé que l’illégalité affectant une décision de non-opposition « peut être régularisée par un arrêté modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises », il ne vise que le cas où cette illégalité résulte du fait qu’elle ait été délivrée sans que ne soient respectées « des formes ou des formalités » et, a contrario, ne vise pas le cas où cette illégalité résulte de la méconnaissance d’une règle de fond.

Certes, on pourrait penser que ceci procède du fait que la décision en cause dans cette affaire était affectée d’un vice de forme.

Il reste que dans l’arrêt par lequel le Conseil d’Etat a reconnu la propension du permis de construire modificatif à régulariser l’autorisation primitive, le permis de construire en cause dans cette affaire était affecté d’un vice de procédure, en l’occurrence liée à la consultation de l’ABF.

Pour autant, le Conseil d’Etat a étendu le champ d’application du « modificatif » de régularisation au cas où « un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables » (CE. 2 février 2004, SCI La Fontaine de Villiers, 238.315).

En l’état, le champ d’application de la décision de non-opposition « modificative » apparait donc limité à la régularisation formelle ou procédurale et ne semble donc pas envisageable pour une modification du projet lui-même, y compris dans un but de régularisation de la décision initiale au regard des règles de fond lui étant opposables.


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés
 

Commentaires

  • Il est vrai qu'il pouvait sembler quelque peu curieux de ne pas admettre, à l'égard des DP, la possibilité de les modifier. Certes, il est souvent avancé l'idée, à mon sens sans grande justification, que le régime déclaratif est à ce point différent du régime de l'autorisation que cela interdit de modifier une décision prise sur DP. Une déclaration ne se modifierait pas alors qu'une autorisation pourrait l'être.

    Je vous rejoins, Maître DURAND, lorsque vous considérez que la DP n'aboutit à rien d'autre qu'à une autorisation de réaliser un projet et produit donc les mêmes effets qu'un permis de construire. Cela est particulièrement vrai depuis l'entrée en vigueur de la réforme des AOS laquelle a grandement unifié les procédures d'autorisation et de déclaration, sauf peut-être sur la question du retrait.

    L'arrêt du Conseil d'Etat parait donc tout à fait orthodoxe sur le plan juridique.

    Il est cependant vrai que la solution est apparemment cantonnée aux vertus "régularisatrices" de l'arrêté modificatif et même plus particulièrement à la régularisation des vices de forme. Pour autant, à partir de l'instant où le Conseil d'Etat admet la possibilité d'édicter un arrêté modifiant une décision prise sur DP, qu'est ce qui empêcherait d'étendre cette solution et d'admettre la possibilité de modifier un projet déclaré? La précision du considérant de l'arrêt commenté? Après tout, dans l'affaire Fontaine de Villiers, le CE n'avait pas pris le soin de rappeler le principe acquis selon lequel un projet pouvait faire l'objet d'une demande modificative, hors hypothèse d'une régularisation. Cela n'a pas pour autant remis en cause ce principe...

    Aussi, bien que la possibilité de modifier un projet déclaré n'a pas été admise de façon explicite, une brèche semble ouverte...

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