Veille jurisprudentielle n°27 - 11 décisions signalées ce mois-ci
INTERPRETATION & APPLICATION DES NORMES
CE, 21 octobre 2009, SNC AGROBASE, req. n°331.053 : Une clôture ne constitue pas une construction au sens de l’article 6 d’un règlement d’urbanisme local
CAA. Marseille, 9 octobre 2009, Cédric X., req. 07MA03720 : « Si l'article 13 de la loi du 13 décembre 2000 a abrogé l'article L.111-5 du code de l'urbanisme prévoyant que la constructibilité d'un terrain issu d'une division devait être examinée au regard de la constructibilité résiduelle de l'unité foncière initiale, l'abrogation de cette disposition n'a pas eu pour effet de remettre en cause les règlements des plans d'occupation des sols qui prévoient des règles de constructibilité inspirées de ladite disposition abrogée. Aussi dès lors qu'aux termes de l'article NB5 du règlement du plan d'occupation des sols « 1 - Pour être constructibles, les terrains doivent avoir une superficie de 4 000 m² en secteur NB1 (...). 2 - En cas de détachement d'une propriété bâtie, la surface indiquée à l'article NB5-1 s'applique également à l'unité foncière restant attachée à la construction » et bien que la demande de permis de construire présentée parle requérant porte sur un terrain d'une surface de 4 000 m² carrés, il reste que ce permis porte sur une parcelle provenant de la division de deux propriétés dont les superficies, à l'issue du détachement ainsi opéré ne sont plus que de 1 357 m² et 2 675 m². Dès lors que ces superficies sont inférieures à la superficie de 4 000 m² fixée par l'article NB5 du règlement du plan d'occupation des sols cité ci-dessus, le permis est donc illégal ».
EMPLACEMENT RESERVE
CAA. Bordeaux, 6 octobre 2009, SARL C.H. IMMOBILIER, req. n°07BX02455 : « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 18 septembre 1991 adressé au maire de Cayenne le 19 septembre 1991 par courrier recommandé avec avis de réception, M. X, se présentant comme propriétaire de la parcelle cadastrée BT n° 43, qui a depuis été inscrite au cadastre sous la référence BT n° 693, et sur laquelle se trouvait en partie l'emplacement réservé inscrit au plan d'occupation des sols sous le n° 3, a demandé à la commune de procéder à l'acquisition de cette parcelle ; que le juge de l'expropriation n'a pas été saisi dans les trois mois suivant l'expiration du délai d'un an à compter de la réception en mairie de la demande de M. X ; que, par un courrier en date du 29 janvier 1993 dont il a été accusé réception le 2 février 1993, M. X a mis en demeure le maire de procéder à la levée de la réserve ; que la commune ne conteste pas que M. X avait qualité pour mettre en oeuvre les dispositions précitées de l'article L. 123-9 ; que, dans ces conditions, un mois après le 2 février 1993, la réserve correspondant à l'emplacement inscrit au plan d'occupation des sols sous le n° 3 n'était plus opposable à M. X comme aux tiers ; qu'il n'est pas contesté par la commune que les emplacements réservés n° 82 et n° 36 inscrits au plan local d'urbanisme en vigueur à la date de délivrance du certificat d'urbanisme en litige ont le même objet et la même emprise que l'ancien emplacement réservé n° 3 ; que par suite, et nonobstant la circonstance qu'un nouveau document d'urbanisme ait été en vigueur à la date du certificat d'urbanisme litigieux, les emplacements réservés n° 82 et n° 36 doivent être regardés comme inopposables au propriétaire du terrain comme aux tiers, sans que la commune puisse utilement faire état des nouvelles démarches faites par M. X en 2003 pour obtenir l'acquisition du terrain par la commune ou lui opposer la prescription quadriennale »
OPERATIONS D’AMENAGEMENT
CAA. Marseille, 9 octobre 2009, Claude X., req. n°07MA02159 : Les dispositions de l’article L.311-6 du Code de l’urbanisme dispositions ne sauraient faire obstacle à l'adoption, par l'organe délibérant de la commune ou de l'établissement public sus-évoqués, d'un cahier des charges type dont l'objet est non pas de fixer les règles applicables à une parcelle cédée mais de définir des modalités générales applicables à toutes cessions ou concessions de terrains inclus dans la zone d'aménagement concerté
LOTISSEMENT
Cass. civ, 3 ch, 23 septembre 2009, pourvoi 07-20.965 : « Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de la dire responsable des préjudices subis par les époux Z... au titre de la réalisation du lotissement et de la condamner à leur payer une certaine somme au titre du préjudice lié à leur participation à la création du lotissement, alors, selon le moyen :
1° / que le propriétaire qui a obtenu un permis de construire divers bâtiments sur son fonds peut vendre à un tiers une partie du terrain avec transfert à l'acquéreur du bénéfice du permis de construire sans constituer un lotissement ; qu'il a été constaté que, par acte authentique du 1er décembre 1997, Mme Y... a vendu à la société MTSE une partie de son fonds en détachant de la parcelle BD n° 134 une parcelle BD n° 133 et s'engageait à solliciter la modification du permis de construire dont bénéficiait l'acheteuse ; qu'en décidant que seule la constitution d'un lotissement permettrait de régulariser cette vente, l'arrêt attaqué a violé l'article R. 315 1 du code de l'urbanisme applicable à cette date ;
2° / qu'aucun tiers n'est responsable de l'irrégularité qui affecte un contrat dont il n'est pas partie ; que l'arrêt a constaté que la société MTSE a fait établir par M. X..., notaire, un état descriptif de division et un règlement de copropriété portant sur la parcelle BD n° 133 qu'elle a ensuite revendue à trois acquéreurs distincts, les époux Z..., les époux C... et les époux D..., en vue de construire des maisons d'habitation pour chacun de ces acquéreurs et en a déduit qu'une telle division du terrain ne pouvait être régularisée que par la création d'un lotissement ; qu'en retenant une faute à l'encontre de Mme Y... pour ne pas avoir procédé à la création dudit lotissement, bien qu'elle était étrangère à toutes les opérations immobilières que la société MTSE avait réalisées avec le notaire et ses propres acquéreurs, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 1165 du même code ;
3° / qu'un contrat licite ne peut caractériser un dommage pour les tiers ; que l'arrêt attaqué a relevé que, postérieurement à la vente de la parcelle BD n° 133 par Mme Y... à la société MTSE, celle ci en avait revendu une fraction aux époux Z... ; que pour retenir la responsabilité de Mme Y... à l'égard des époux Z..., l'arrêt a observé que la vente au profit de la société MTSE n'avait pas été précédée par la création d'un lotissement et a donc décidé que le contrat de vente au profit de la société MTSE, qui était licite, constituait un dommage au regard des époux Z..., violant l'article 1382 du code civil ;
4° / qu'un préjudice éventuel n'est pas indemnisable ; que la cour d'appel a condamné Mme Y... à payer une certaine somme aux époux Z... au titre de leur participation à la création du lotissement ; que faute d'avoir ordonné la création d'un lotissement et faute d'avoir constaté le consentement des époux C... et des époux D... à la constitution d'un lotissement, en prononçant une condamnation pour la constitution future d'un lotissement sur le fondement d'une législation qui a été modifiée depuis la date des faits, la cour d'appel a condamné Mme Y... à réparer un préjudice purement éventuel, violant l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le permis de construire du 17 février 1997 avait été délivré pour l'unité foncière constituée par les parcelles BD 133 et BD 134 sous la condition expresse que Mme Y... reste l'unique maître d'ouvrage de la réalisation et exactement retenu qu'en application des dispositions de l'article R. 315 1 du code de l'urbanisme, toute modification de cette unité rendait nécessaire la création d'un lotissement et que, la parcelle BD 133 ayant été vendue, il devenait impossible d'obtenir un permis de construire sans obtenir une autorisation de lotir, la cour d'appel a pu en déduire que Mme Y... qui, s'étant expressément engagée à être l'unique maître d'ouvrage de l'opération sans qu'aucune division en jouissance privative n'intervienne, avait néanmoins vendu, après détachement la parcelle BD 133, en sachant que la situation ainsi constituée ne pouvait être régularisée par le dépôt d'une demande de permis modificatif, toute division supplémentaire de la parcelle nécessitant la création préalable d'un lotissement, avait commis une faute à l'origine du préjudice subi par les époux Z... relatif au coût de réalisation du lotissement"
RECONSTRUCTION APRES SINISTRE
CAA. Marseille, 14 août 2009, ABCDE, req. n°09MA01884 : « Considérant que si les dispositions susmentionnées de l'article 2.1-8 du règlement du plan local d'urbanisme de Bonifacio, applicables au secteur NNh de la commune et qui fondent la délivrance du permis de construire en litige, ne subordonnent pas expressément la réalisation d'une reconstruction à la condition d'une édification régulière du bâtiment initial, cette obligation n'en demeure pas moins applicable, dès lors que le document d'urbanisme qui entend déroger au droit ouvert par les dispositions de l'article L.111-3 précité ne peut qu'en restreindre le champ d'application, sans pouvoir dispenser son octroi des conditions prévues par la loi »
TRAVAUX SUR EXISTANTS
CAA. Nantes, 13 octobre 2009, Préfet du Morbihan, req. n°08NT03509 : Si les intimés produisent un certificat d'urbanisme délivré le 23 juillet 1976 déclarant possible la rénovation du bâtiment existant, ils n'apportent aucune justification de nature à établir l'existence d'une autorisation de construire relative à ce bâtiment. Dès lors, les allégations du préfet selon lesquelles le permis contesté a autorisé l'exécution de travaux sur un bâtiment qui n'avait pas fait l'objet d'une autorisation de construire doivent être tenues pour établies
CE. 25 septembre 2009, Cne de Francin, req. n°307.114 : « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par son arrêté du 28 mars 2001, le maire de Francin s'est fondé sur les dispositions du 2 de l'article NC 1 pour refuser de délivrer à M. A un permis de construire en vue de la transformation d'un hangar à usage agricole en maison d'habitation au motif que ce hangar n'était pas un bâtiment existant au sens des dispositions de cet article et qu'il n'entrait donc pas dans le champ d'application de l'exception à l'interdiction de construction d'une habitation nouvelle édictée par ces dispositions ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Lyon a jugé au contraire que le hangar constituait un bâtiment existant au sens de ces dispositions, alors que la commune soutenait sans être contredite que le hangar n'existait pas à la date d'édiction de cette interdiction ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en qualifiant ainsi le hangar de bâtiment existant au sens de ces dispositions pour en déduire qu'il entrait dans le champ d'application de l'exception à l'interdiction de construction d'une habitation nouvelle et que le maire avait par suite fait une inexacte application des dispositions du 2 de l'article NC 1 en refusant le permis de construire demandé, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que la COMMUNE DE FRANCIN est dès lors fondée à en demander l'annulation
Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. A ne conteste pas avoir édifié le hangar postérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions du 2 de l'article NC 1 interdisant la construction dans le secteur NCa d'une habitation nouvelle sauf par la transformation de bâtiments existants ; qu'il résulte de ce qui précède que le maire de Francin a fait dès lors une exacte application de ces dispositions en refusant, par son arrêté du 28 mars 2001, de lui délivrer un permis de construire en vue de la transformation de ce hangar en maison d'habitation ; que c'est par suite à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur une méconnaissance de cette disposition pour annuler cet arrêté »
CAA. Nantes, 5 février 2009, M. et Mme X., req. n°08MA04061 : La création d’une terrasse en extension d’une habitation ne constitue pas une extension. les dispositions précitées du règlement du plan local d'urbanisme concernant la limitation à 60 m² de la SHOB des annexes n'ont pour seul objet que d'interdire la création ou l'extension d'annexes au-delà de ladite limite et ne peuvent avoir pour effet, si les annexes existantes ont une SHOB supérieure à 60m², d'interdire toute extension de la construction
INSTALLATION CLASSEE & DROIT DE L’URBANISME
CAA. Lyon, 30 juillet 2009, Sté du Domaine de Sainte-Marcelle : Même lorsqu’un refus d’autorisation d’exploiter est fondé sur une disposition d’urbanisme local, l’annulation de ce refus n’emporte pas application de l’article L.600-2 du Code de l’urbanisme.
CONTENTIEUX CIVIL
CA. Montpellier, 26 mai 2009, FENEC, req. n°08/00056 : « Le premier moyen de la critique de M. Francis X... à l'égard du jugement déféré repose sur l'impossibilité pour le juge d'appliquer les dispositions de l'article L 480-13 du code de l'urbanisme en sa rédaction antérieure à l'article 10 de la loi no 2006-872 du 13 juillet 2006 en prononçant la démolition de l'immeuble en l'absence d'annulation préalable pour excès de pouvoir du permis de construire par la juridiction administrative, le Tribunal administratif de Montpellier le 14 décembre 2001 puis le Conseil d'Etat le 28 décembre 2005 n'en ayant constaté que l'illégalité.
Du 1er janvier 1977 au 16 juillet 2006, l'assignation introductive d'instance étant intervenue le 18 juin 1998, l'article L 480-13 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé : « Lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou son illégalité a été constatée par la juridiction administrative.
Du 16 juillet 2006 au 1er octobre 2007 l'article L480-13 en sa rédaction issue de l'article 10 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 prévoit que : « Lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. L'action en démolition doit être engagée au plus tard dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative ».
Depuis le 1er octobre 2007 la rédaction de l'article L 480-13 du code de l'urbanisme est identique mais résulte de l'application de l'article 15 de l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005.
Dans la mesure où toute loi nouvelle s'applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur, tempérament à la règle posée à l'article 2 du code civil de l'absence d'effet rétroactif de la loi nouvelle, il n'est donc plus possible depuis le 16 juillet 2006 de solliciter et d'obtenir la démolition d'un immeuble dont la construction a fait l'objet d'un permis de construire en se prévalant de son illégalité sans obtenir au préalable l'annulation de celui-ci par la juridiction administrative pour excès de pouvoir et ce quelque soit la date du permis de construire ou de celle de l'achèvement des travaux.
En effet l'application des dispositions prévoyant le maintien des seules règles de prescription antérieures lorsque l'achèvement des travaux est intervenu avant la publication des lois no 2006-872 du 13 juillet 2006 (dernier alinéa de l'article 10 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006) et 8 décembre 2005 (dernier alinéa de l'article 15 de l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005) se limite à la computation des différents délais prévus par ces textes et non aux conditions auxquelles la démolition est subordonnée.
La fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan dite FENEC ne caractérise pas que l'application de ces dispositions « porte atteinte aux garanties du procès équitable ».
Enfin il n'appartient pas aux juridictions de l'ordre judiciaire d'apprécier si le législateur s'est fondé sur un motif d'intérêt général suffisant en adoptant les articles 10 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 et 15 de l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005.
Dès lors et même si l'instance a été engagée par la fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan dite FENEC le 18 juin 1998, il ne peut plus être fait droit à sa demande de démolition fondée sur l'illégalité du permis de construire obtenue par les époux X... le 5 août 1993 alors que cette autorisation administrative n'a pas été annulée par la juridiction administrative »
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés