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  • Sur le maintien de la conformité d’un ouvrage précédemment réalisé au regard des normes d’urbanisme en vigueur

    Le pétitionnaire ne peut se prévaloir de places déjà aménagées sur le terrain d’assiette de projet dès lors qu’elles sont affectées à l’usage d’un immeuble existant et n’apparaissent pas excédentaires au regard de l’article 12 du règlement local d’urbanisme opposable à sa demande de permis de permis de construire.

    CE. 8 octobre 2008, SARL Régionale de Construction, req. n°295.972



    Voici un arrêt intéressant dans la mesure où tout en illustrant une règle déjà connue, mais n’ayant donné lieu qu’à peu de jurisprudence, il semble apporter à son égard une précision d’importance.

    Dans cette affaire la société requérante avait obtenu un permis de construire un ensemble immobilier de quinze logements pour lequel l’article 12 du règlement de POS applicable imposait la réalisation de trente places de stationnement. Or, précisément, la légalité de ce permis de construire devait être contestée dans la mesure où, notamment, s’il prévoyait bien l’affectation de trente places de stationnement à l’immeuble à construire, huit de ces places étaient déjà aménagées et affectées à l’usage d’un immeuble existant sur le terrain à construire et n’apparaissaient pas excédentaires au regard des besoins de celui-ci. Et ce moyen devait être retenu par la Cour administrative d’appel dont l’analyse fut ainsi confirmé par le Conseil d’Etat.

    « Considérant, en second lieu, que l'article INA 12 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Davezieux impose la réalisation de deux places de stationnement par logement construit ; qu'en l'état des éléments qui lui étaient soumis par les parties, la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les faits de l'espèce en relevant que huit des trente places de stationnement prévues par le permis de construire litigieux, si elles se situent sur le terrain d'assiette du projet autorisé, ont été créées lors de la construction d'immeubles ayant fait l'objet d'un permis de construire antérieur et en estimant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces places déjà aménagées pour ces immeubles soient en nombre excédentaire au regard des obligations imposées par l'article INA 12 » ;

    étant rappelé qu’une même place de stationnement ne peut être légalement prise en compte pour deux projets de constructions distincts (pour exemple : CE. 8 décembre 1976, Epx Guihur, req. n°99.280).

    Au premier chef, cette décision est bien sur à rapprocher de l’arrêt par lequel la Haute Cour avait déjà jugé que :

    « Considérant que M. Pouchoulon a présenté en 1983 une demande de permis de construire en vue de l'édification d'un bâtiment à usage d'entrepôt sur une parcelle issue de la division d'un terrain où était implanté un immeuble à usage d'habitation construit par la société civile immobilière Brandis-Berceau, en vertu d'un permis de construire accordé le 6 novembre 1961 ; qu'il ressort des pièces du dossier que la délivrance dudit permis était subordonnée à la création sur la parcelle en cause d'emplacements de stationnement, en nombre égal au nombre des logements prévus ; que l'affectation ainsi imposée à ladite parcelle faisait obstacle, alors que, contrairement aux allégations de la requête, il ne résulte pas de l'instruction que ces places de stationnement aient été créées, à ce que le permis de construire sollicité par M. Pouchoulon lui fût accordé ; que, dès lors, M. Pouchoulon n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 9 novembre 1983 lui refusant ce permis » (CE. 1er décembre 1989, Pouchoulon, req. n° 75.466. Dans le même sens, au sujet d’aires de stationnement effectivement aménagées : TA. Strasbourg, 16 avril 2002).

    Cependant l’arrêt commenté ce-jour apporte une précision d’importance dès lors que toute la question est de savoir si l’obligation de maintenir les aires affectées au stationnement des véhicules par une précédent permis de construire consiste en une obligation de maintenir la conformité du projet tel qu’il avait autorisé par ce permis et/ou d’assurer la conformité de l’immeuble existant au regard des prescriptions d’urbanisme en vigueur au moment des travaux ultérieurement projetés.

    Or, dans sa décision de 1989, le Conseil d’Etat en se bornant à viser « que l'affectation ainsi imposée à ladite parcelle faisait obstacle, alors que, contrairement aux allégations de la requête, il ne résulte pas de l'instruction que ces places de stationnement aient été créées » avait induit qu’il était donc nécessaire que soit maintenue une stricte concordance entre l’état physique d’une construction et son état légal, lequel résulte de l’autorisation en ayant permis la construction, tant que cette existence légale n’a pas été modifiée par une nouvelle autorisation ou, le cas échéant, par l’exécution de travaux dispensés de toute formalité mais autorisés par les prescriptions d’urbanisme alors en vigueur.

    Et plus récemment, sur la problématique des espaces verts, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que :

    « Considérant que la société SHLMR a demandé en juillet 2002 l'autorisation de construire deux bâtiments, comprenant dix logements chacun, sur deux parcelles où sont implantés des immeubles à usage d'habitation en vertu d'un permis de construire qui lui avait été accordé le 21 octobre 1996 ; qu'il ressort des pièces du dossier que la délivrance dudit permis, qui autorisait la construction de dix-sept bâtiments comportant 212 logements, était subordonnée à l'aménagement d'espaces verts collectifs que constituaient les terrains d'assiette des nouveaux projets ; que cette prescription doit être regardée comme ayant eu notamment pour objet d'assurer le respect des dispositions de l'article NAU 1 du règlement de la zone NAU dont relevaient alors ces terrains et qui imposaient la création d'une aire de jeux de 100 mètres carrés par tranche de 10 logements réalisés en habitat collectif ; que l'affectation ainsi donnée à ces terrains faisait obstacle à ce qu'ils fussent totalement consacrés à la construction de nouveaux bâtiments et à la réalisation d'aires de jeux ou de loisirs réservées aux seuls habitants desdits bâtiments ; que le moyen tiré par la société requérante de ce que les terrains en cause étaient classés, à la date des refus contestés, dans la zone UA, doit être en tout état de cause écarté, dès lors que le règlement applicable à cette zone maintient une « obligation d'aménager des espaces verts collectifs » pour les logements groupés et n'autorise pas à priver les immeubles existants de la totalité des aires de loisirs à l'aménagement desquelles leur construction était subordonnée ; qu'il suit de là que l'autorité administrative était tenue de refuser les permis de construire demandés en juillet 2002 par la SHLMR » ;

    et donc clairement rejeté la requête dirigée à l’encontre des refus de permis de construire opposés à la société d’HLM requérante :

    - à titre principal, parce que l’édification des bâtiments projetés sur les espaces verts affectés à la construction existante aurait pour effet de rendre cette dernière non conforme au permis de construire l’ayant précédemment autorisé et, par voie de conséquence, non conforme aux normes d’urbanisme en considération desquelles ce dernier avait été délivré ;
    - et à titre subsidiaire seulement, parce que l’utilisation de ces espaces verts en tant que terrain à construire aurait eu pour effet de rendre la construction existante irrégulière au regard des nouvelles prescriptions d’urbanisme opposables à la date des refus contestés.

    Or, dans l’arrêt objet de la présente note, le Conseil d’Etat ne s’est nullement attaché à rechercher si les huit places de stationnement en cause avaient été réalisées en exécution du permis de construire l’immeuble existant auquel elles étaient affectées et/ou l’exigibilité de ces places au titre du règlement en vigueur à la date de délivrance de ce permis de construire mais s’est borné à constater « qu'il ne ressort(ait) pas des pièces du dossier que ces places déjà aménagées pour ces immeubles soient en nombre excédentaire au regard des obligations imposées par l'article INA 12 » du règlement opposable à l’autorisation portant sur l’immeuble à construire.

    En l’état, force est donc de considérer que si la conformité d’un immeuble doit être maintenue, il s’agit de sa conformité au regard des règles d’urbanisme applicables aux travaux susceptibles de la compromettre.

    Cette solution tend donc à confirmer la validité, d’une part, du jugement par lequel le Tribunal administratif de Versailles avait considéré illégal un permis de construire prévoyant un nombre de places de stationnement répondant aux prescriptions de l’article 12 du règlement local d’urbanisme mais dont une partie devait être réalisée en lieu et place d’aires de stationnement attachées à un bâtiment précédemment édifié en exécution d’un premier permis de construire puisqu’en cumulant le nombre des places projetées et le nombre des places maintenues, leur nombre total était inférieur à celui exigible en considération des deux bâtiments mais ce, au regard des normes alors en vigueur (TA. 27 mai 2003, M. Leotoing, req. n°013.208) et, d’autre part et plus spécifiquement, de l’arrêt par lequel la Cour administrative d’appel de Versailles, sur une problématique bien distincte, avait estimé que :

    « Considérant qu'il résulte de l'article UE5 précité que chaque terrain issu d'une division foncière doit avoir une surface constructible de 1200 m2 et 15 m de façade ; que, par suite, la COMMUNE D'ORGERUS est fondée à soutenir que, pour l'application de ces dispositions, seule pouvait être prise en compte la partie du lot n°2 qui était située dans la zone UE, à l'exclusion de la partie de cette même parcelle qui était comprise dans la zone NC ; qu'il est constant, en l'espèce, que le lot n°2, issu de la division du terrain dont le lot n°1 fait l'objet du certificat d'urbanisme litigieux, ne comporte qu'une superficie de 350 m2 située en zone UE, le surplus de la surface étant classé en zone NC, et qu'elle comporte déjà une construction préexistante ; qu'il s'ensuit que cette division, qui n'a pas laissé au terrain sur lequel cette construction a été édifiée une surface constructible suffisante, n'a pas respecté les dispositions de l'article UE5 ; que, par suite, le lot n°1 issu de la division est inconstructible, alors même qu'il n'est pas contesté qu'il comporte une superficie supérieure à 1 200 m2 et plus de 15 m de façade ; que le maire était, dès lors, tenu de délivrer un certificat d'urbanisme négatif ; que la COMMUNE D'ORGERUS est, dans ces conditions, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a prononcé l'annulation du certificat d'urbanisme négatif délivré à la SCI du Moutier » (CAA. Versailles, 28 décembre 2006, Cne d’Orgerus, req. n°05VE01622) ;

    et donc considéré que dans la mesure où l’opération de division ayant abouti à constituer le lot sur lequel portait la demande de certificat d’urbanisme avait eu pour effet subséquent de créer un second lot, déjà bâti, ne présentant pas les caractéristiques requises pour être constructible par l’article UE.5 du règlement de POS communal alors en vigueur, cette circonstance avait pour effet de rendre inconstructible le lot objet de la demande alors même qu’isolément, il présentait les caractéristiques requises à ce titre.

    Mais pour conclure, il faut relever que le Conseil d’Etat a donc sanctionné la démarche du pétitionnaire au motif que les huit places en cause n’étaient pas excédentaires au regard des besoins de l’immeuble existant et non pas en raison du fait qu’elle ne correspondait à aucune des possibilités prévues par l’article L.421-3 du Code de l’urbanisme à savoir :

    - réaliser les places de stationnement requises sur le terrain à construire ou à proximité immédiate de celui-ci ;
    - ou, en cas d’impossibilité technique de les réaliser, en prendre à concession dans un parc de stationnement public ou en acquérir dans un parc de stationnement privée ;
    - ou, à défaut de pouvoir louer ou acquérir les places manquantes, verser une participation financière à la collectivité lorsqu’elle a prévu cette possibilité.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés