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  • L’acte de création d’une ZAC doit-il respecter le document d’urbanisme en vigueur à sa date d'approbation ?

    C’est la question que l’on est en droit de se poser à la lecture de ces deux arrêts proposant chacun une réponse et une interprétation différentes de la portée de la suppression de l’alinéa 2 de l’article L.311-1 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 décembre 2000.

    CAA. Paris, 8 juillet 2008, Cne de Boissise-le-Roi, req. n°07PA03281 & CAA. Bordeaux, 30 octobre 2008, Cne de Mios, req. n°07BX00045



    Dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 décembre 2000, l’article L.311-1 du Code de l’urbanisme disposait que « lorsqu'un plan d'occupation des sols a été rendu public ou approuvé dans des communes, parties de communes ou ensemble de communes, des zones d'aménagement concerté ne peuvent y être créées qu'à l'intérieur des zones urbaines ou des zones d'urbanisation future délimitées par ce plan ».

    Il s’ensuivait qu’à cet égard, l’acte de création d’une ZAC devait nécessairement être conforme au POS pour ce qui concerne sa localisation au regard du zonage opéré par ce dernier.

    Il reste que non seulement cet alinéa a donc été supprimé par la loi « SRU » mais qu’en outre, son décret d’application du 27 mars 2001 a inséré un article disposant que « l'aménagement et l'équipement de la zone sont réalisés dans le respect des règles d'urbanisme applicables. Lorsque la commune est couverte par un plan local d'urbanisme, la réalisation de la zone d'aménagement concerté est subordonnée au respect de l'article L. 123-3 » et induisant donc clairement que c’est la réalisation – et donc le dossier de réalisation de la ZAC – qui se doit d’être conforme au règlement local d’urbanisme ; ce que tend d’ailleurs a confirmé implicitement l’article L.123-3. Et lorsque tel n’est pas le cas, il convient donc de réviser le POS/PLU avant l’approbation du dossier de réalisation de la ZAC.

    Telle est d’ailleurs la position adoptée par la Cour administrative d’appel de Paris, laquelle a récemment jugé que :

    « Considérant que l'acte de création d'une ZAC prévu par l'article L. 311-1 précité a pour seul objet de définir le périmètre et le programme de l'opération ; que la délibération qui approuve lesdits périmètre et programme n'a pour effet ni d'autoriser une quelconque construction ni de définir des règles d'urbanisme ; que, depuis les modifications apportées aux dispositions du code de l'urbanisme applicables aux ZAC par l'article 7 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, rien n'interdit que la réalisation des équipements prévus dans une telle zone ne soit pas compatible avec le plan d'urbanisme en vigueur lors de la création de cette zone, cette réalisation ne pouvant alors intervenir qu'après la modification de ce plan ; que dans ces conditions, le Tribunal administratif de Melun a commis une erreur de droit en jugeant qu'une délibération créant une ZAC était illégale du seul fait que son rapport de présentation faisait état d'un programme de construction incompatible avec les dispositions du règlement annexé au plan d'occupation des sols en vigueur »

    Mais pour sa part la Cour administrative d’appel de Bordeaux a adopté une position inverse en jugeant plus récemment encore que :

    « Considérant, toutefois, que si - ainsi qu'il a été dit ci-dessus - la loi du 18 décembre 2000 a supprimé le deuxième alinéa de l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme antérieurement applicable, limitant la création des ZAC à l'intérieur des zones urbaines et des zones d'urbanisation futures des plans d'occupation des sols, il résulte de l'article précité, éclairé par les travaux préparatoires de la loi, que celle-ci n'a pas entendu affranchir la création des zones d'aménagement concerté du respect des règles d'urbanisme en vigueur, ainsi qu'en dispose, d'ailleurs, l'article R. 311-6 du code de l'urbanisme pour la réalisation de ces zones, mais assouplir les conditions de leur délimitation ; qu'il ressort des pièces du dossier que la quasi-totalité des terrains inclus dans le périmètre de la ZAC du « Parc de la vallée de l'Eyre », faisant plus de deux cents hectares, étaient classés en zone NCf du plan d'occupation des sols approuvé constitué, selon ce document d'urbanisme, « d'espaces d'activités exclusivement forestières non constructibles » ; qu'ainsi, la création d'une telle ZAC a méconnu le plan d'occupation des sols approuvé, le 10 avril 1995, de la COMMMUNE DE MIOS, qui ne saurait faire valoir utilement qu'à la date de la décision attaquée, la révision partielle de ce document avait été prescrite » ;

    et donc que, nonobstant, la suppression de l’ancien alinéa 2 de l’article L.311-1 du Code de l’urbanisme, l’acte de création d’une ZAC devait être conforme au règlement local d’urbanisme alors en vigueur.

    Pour notre part, nous considérons qu’une telle solution est erronée et qu’en d’autres termes, celle devant s’imposer est celle retenue par la Cour administrative d’appel de Paris.

    Tout d’abord, force est de, d’une part, de rappeler que l’article R.311-6 du Code de l’urbanisme vise la réalisation de la ZAC et, d’autre part, de préciser que cet article est le premier de la section consacrée à la « réalisation de la zone d’aménagement concerté » et de relève donc pas de sa section précédent relative à la « création de la zone d’aménagement concerté ».

    Cette distinction peut paraître anodine mais la lecture des conclusions du Commissaire du gouvernement dans cette affaire établie c’est ceci qui explique que le Conseil d’Etat a jugé qu’une convention d’aménagement ne pouvait être signé avant l’adoption du dossier de création puisque les modes de réalisation de la ZAC sont définis par l’article R.311-6 qui ne relève pas de la section consacrée à la création de la zone (CE. 8 décembre 2004, Sté EIFFEL-DISTRIBUTION, req. n° 270.432) .

    Nous voyons donc mal comment la Cour administrative d’appel de Bordeaux a pu estimé que la loi « SRU » « n'a pas entendu affranchir la création des zones d'aménagement concerté du respect des règles d'urbanisme en vigueur, ainsi qu'en dispose, d'ailleurs, l'article R. 311-6 du code de l'urbanisme pour la réalisation de ces zones » et, ainsi, établir l’intention du législateur sur les conditions de légalité de l’acte de création d’une ZAC au regard de dispositions d’un décret intéressant la réalisation de cette zone…

    Ensuite et comme l’a précisé la Cour parisienne, l’acte de création d’une ZAC est un document de pure planification opérationnelle définissant le périmètre et le programme de l'opération à réaliser dans le cadre de cette zone et qui, de ce fait, n’a pour objet ni d’édicter des règles d’urbanisme, ni de permettre la réalisation de travaux.

    Enfin et par voie de conséquence, l’arrêt de la Cour bordelaise nous paraît méconnaître la nature et l’objet d’un POS/PLU, lequel, aux côtés de la carte communale, constitue la norme la moins élevée de la hiérarchie des normes du droit de l’urbanisme et dont les prescriptions ne s’imposent qu’aux travaux et aménagements constitutifs d’occupations et d’utilisations des sols ; l’alinéa 2 de l’ancien article L.311-1 du Code de l’urbanisme constituant à cet égard une des rares exceptions (et à ma connaissance la seule).

    Dès lors qu’un acte de création de ZAC ne permet pas la réalisation de travaux et d’aménagements et qu’un POS/PLU ne régit que les travaux et les aménagements, nous voyons donc mal pourquoi cet acte devrait, malgré la suppression de l’alinéa 2 susvisé, être conforme au règlement local d’urbanisme en vigueur à sa date d’approbation.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés