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  • Quelques précisions nouvelles sur le champ d’application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme

    L’article L.600-5 du Code de l’urbanisme n’est pas applicable lorsque l’autorisation contestée est entachée d’illégalité externe, ni lorsque son illégalité interne affecte la conception d’ensemble du projet, même s’il peut être régularisé par un simple « modificatif ».

    CAA. Nantes, 25 juin 2008, Cne de Bucy, req. n°07NT03015 & CAA. Lyon, 1er juillet 2008, Cne de Valmeinier, req. n°07LY02364.


    Voici deux arrêts intéressants en ce qu’ils ont trait à l’application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme – dont on rappellera qu’il dispose « lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. L'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive » – lequel n’a encore donné lieu qu’à peu de décisions jurisprudentielles alors qu’au regard de sa rédaction (« lorsqu’elle constate ») il n’est pas besoin que les parties en aient sollicité l’application qui, il est vrai, apparaît facultative (« la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle … »).

    Dans la première affaire, le permis de construire en litige portait sur une installation classée pour la protection de l’environnement, lequel devait être contesté et annulé en raison, notamment :

    - d’une part, de la méconnaissance des dispositions des anciens article R.421-25 et R.421-26 du Code de l’urbanisme dans la mesure où le Maire avait formulé son avis sur le projet au vu d’un dossier incomplet, la Cour ayant estimé qu’il n’était pas établi que l’étude d’impact y était jointe à la date de cet avis ;
    - d’autre part, des conditions d’alimentation en eau du projet, lesquelles n’ont pas été jugées conformes aux prescriptions de l’ancien article R.111-8 du Code de l’urbanisme ;

    la Cour devant considérer qu’il n’y avait pas lieu de faire application sur ces points de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme dans la mesure où « les illégalités susmentionnées du permis de construire au regard tant des dispositions des articles R.421-25 et R.421-26 du Code de l’urbanisme que de celles de l’article R.111-8 du même code entrainant l’annulation totale dudit permis de construire ; les conclusions tendant à ce qu’il soit fait application des dispositions précitées de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme ne peuvent qu’être rejetées ».

    Si l’inapplicabilité de l’article L.600-5 du permis de construire contesté n’est guère surprenante s’agissant des conditions de délivrance de cette autorisation au regard des articles R.421-25 et R.421-26 du Code de l’urbanisme dans la mesure où, par principe, un vice de procédure entache nécessairement d’illégalité l’ensemble de l’autorisation (CAA. Bordeaux, 30 octobre 2007, SCI Les Terrasses de Marie, req.n° 05BX01764), cette solution n’allait pas de soi s’agissant de l’article R.111-8 du Code de l’urbanisme puisque le pétitionnaire avait prévu l’assurer l’alimentation en eau de son installation par un forage que la Cour a jugé illégal dans la mesure où il était situé à 70 mètres de l’installation en cause alors que le respect de l’article 4 de l’arrêté du 11 septembre 2003 aurait impliqué qu’il soit prévu à au moins 200 mètres de celle-ci.

    Or, dès lors qu’il s’agissait d’un équipement autonome et distinct de l’installation en cause, on pouvait penser que le permis de construire contesté ne serait annulé qu’en tant qu’il avait autorisé ce forage ; à charge pour le pétitionnaire d’obtenir un modificatif ayant pour objet de modifier l’implantation du forage projeté.

    Il reste qu’ainsi que nous l’avons souvent souligné, l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme se borne à préciser que « l'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive » et, en d’autres termes, n’impose donc pas au pétitionnaire de régulariser son projet par le dépôt d’une demande de permis de construire modificatif.

    Or, en annulant le permis de construire contesté sur ce point, la Cour aurait donc validé un permis de construire autorisant un projet n’assurant plus par lui-même l’alimentation en eau de la construction projetée et ce, sans aucune garantie que le pétitionnaire, soit renoncera à en entreprendre l’exécution, soit régularisera cet aspect du projet par le dépôt d’une demande de modificatif.

    A cet égard, cet arrêt tend donc à confirmer qu’il ne peut y avoir d’annulation partielle d’un permis de construire lorsque « la partie du projet » en cause est juridiquement indivisible du projet, c’est-à-dire lorsqu’elle en assure sa conformité.

    Mais il faut également noter que, dans cette même affaire, le permis de construire en cause était contesté au motif tiré de la méconnaissance de l’ancien article L.421-2-4 du Code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il dispose que « lorsque a été prescrite la réalisation d'opérations d'archéologie préventive, le permis de construire indique que les travaux de construction ne peuvent être entrepris avant l'achèvement de ces opérations ».

    Or, si ce moyen devait être accueilli par la Cour administrative d’appel de Nantes, celle-ci devait toutefois juger que « ledit permis de construire est entaché d’illégalité en tant qu’il n’est pas assorti de cette prescription et encourt, dans cette mesure, l’annulation ». Et dès lors que sur l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, la Cour s’est bornée à préciser que « les illégalités susmentionnées du permis de construire au regard tant des dispositions des articles R.421-25 et R.421-26 du Code de l’urbanisme que de celles de l’article R.111-8 du même code entrainant l’annulation totale dudit permis de construire », force est donc de considérer que la seule méconnaissance de l’article L.421-2-4 du Code de l’urbanisme aurait emporté l’annulation partielle du permis de construire contesté sur ce seul point.

    A cet égard et sur ce point, cette décision peut être rapprochée de l’arrêt par lequel la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que :

    « Considérant que l'arrêté modificatif du 17 avril 2001, qui autorise la société Francelot à exécuter les travaux prévus dans l'autorisation de lotir en deux tranches, prévoit que les travaux concernant la première tranche doivent être commencés dans un délai de dix-huit mois et achevés dans un délai de trois ans à compter de la date de notification de cet arrêté modificatif, et non à compter de la date de notification de l'autorisation initiale de lotir ; qu'il méconnaît ainsi les dispositions de l'article R. 315-30 du Code de l'urbanisme précité ; qu'il y a lieu de l'annuler sur ce point » (CAA Bordeaux, 20 nov. 2006, n° 03BX00962, épx X. Sur ce point, voir notre note: "La prescription d’une autorisation d’urbanisme fixant de façon irrégulière les délais ouverts pour réaliser les travaux prévus par cette dernière en est divisible et ne l’affecte donc pas dans son ensemble d’illégalité", Construction & urbanisme, n°2/2007).

    Il est vrai qu’en premier analyse, un tel rapprochement pourrait être jugé hasardeux dans la mesure où, à la différence de l’article L.421-2-4 du Code de l’urbanisme, l’article R.315-30 n’imposait pas que l’autorisation de lotir par tranches précise ses délais d’exécution et où, surtout, l’autorisation de lotir en cause mentionnait un délai d’exécution erroné alors qu’au cas présent le permis de construire contesté ne comportait aucune prescription relative à l’article L.421-2-4.

    Il reste, d’une part, l’article L.421-2-4 du code de l’urbanisme ne tend qu’à faire état de la règle de fond selon laquelle les travaux autorisés par un permis de construire ne sauraient être exécutés avant les opérations d’archéologie préventive prescrites et que, d’autre part, la prescription imposée par cet article ne tend pas à assurer la conformité du projet – et en cela ne constitue donc pas le soutien indivisible de l’autorisation s’y rapportant – mais a trait aux conditions d’exécution de cette autorisation, lesquelles n’ont par principe aucune incidence sur sa légalité.

    Dans cette mesure, la solution retenue par la Cour nous apparaît parfaitement justifiée mais, selon nous, on ne saurait y voir une conséquence de l’article L.600-5 du Code de l‘urbanisme.

    Dans la seconde affaire était en cause un permis de construire un immeuble de sept étage lequel devait être annulé en première instance au motif tiré de la méconnaissance de l’article R.111-21 du Code de l’urbanisme et de celle de l’article 10 du règlement d’urbanisme local. Et en appel, la Cour administrative de Lyon devait confirmer ce jugement et rejeter les conclusions présentées à titre subsidiaire par les appelants et ce, au motif suivant :

    « Considérant que, pour annuler le permis de construire délivré le 31 mars 2006 au SYNDICAT MIXTE DES ISLETTES, le Tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur la méconnaissance de l'article Za 10 du règlement du plan d'aménagement de zone de la zone d'aménagement concerté des Islettes et de la Saucette et de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;
    Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article Za 10 du règlement du plan d'aménagement de zone de ladite zone d'aménagement concerté : « La hauteur maximum des constructions est de 6 niveaux plus combles dans les terrains de plus grande pente. Pour des raisons architecturales ou techniques, un niveau supplémentaire pourra être accordé sur une partie limitée du bâtiment » ;
    Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'accès au terrain d'assiette du projet ne serait pas possible par la partie basse de ce terrain, par la route départementale n° 215 c ; que cet accès aurait permis d'éviter la construction d'un septième niveau ; qu'au surplus, en tout état de cause, contrairement à ce que soutiennent la COMMUNE DE VALMEINIER et le SYNDICAT MIXTE DES ISLETTES, l'accès par la partie haute du terrain n'imposait nullement la création d'un septième niveau, lequel pouvait être évité par une limitation de la largeur du bâtiment ou une augmentation modérée de la hauteur de chacun des six niveaux de la construction ; qu'il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a retenu la méconnaissance des dispositions précitées de l'article Za 10 du règlement du plan d'aménagement de zone ;
    Considérant, en deuxième lieu, que pour demander à la Cour l'annulation du jugement attaqué, la COMMUNE DE VALMEINIER et le SYNDICAT MIXTE DES ISLETTES soutiennent en appel que les premiers juges ont à tort estimé que le projet méconnaissait les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Tribunal a, par les motifs qu'il a retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en estimant que le maire avait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions ;
    Considérant, en troisième lieu, qu'au termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, dont les requérants demandent la mise en œuvre : « Lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. / L'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive » ; que les motifs précités d'illégalité du permis de construire attaqué, qui mettent en cause la conception de l'ensemble de l'ouvrage, ne permettent pas l'application de ces dispositions
    ».


    Or, si l’on voit mal comment la méconnaissance de l’article R.111-21 du Code de l’urbanisme résultant de l’implantation d’un bâtiment unique pourrait donner lieu à une annulation partielle, on aurait pu penser qu’il pouvait avoir lieu à appliquer l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme s’agissant de la méconnaissance des règles de hauteur puisque celle-ci procédait du septième niveau – soit d’une « partie du projet » - dont la régularisation aurait pu être aisément assurée par un « modificatif » y substituant une toiture terrasse ou un niveau en combles.

    Il reste que ce faisant, la Cour aurait validé un permis de construire autorisant alors un projet non finalisé – notamment, sur son aspect architectural – contrairement à ce qu’implique l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme.

    En résumé, il résulterait de ces deux arrêts que la circonstance que l’illégalité du projet tient à un de ses éléments pourtant régularisable par le jeu d’un simple « modificatif » ne saurait suffire à considérer que cette illégalité n’affecte qu’une « partie du projet » et, par voie de conséquence qu’il y a lieu d’appliquer l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme.




    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés