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  • Sur l’étendue de l’obligation de notifier au requérant un permis de construire se substituant à un permis précédemment frappé de recours

    La règle posée par la jurisprudence dite « UNION » est applicable lorsque le permis précédemment frappé de recours a été retiré avant la délivrance du second.

    TA. Cergy-Pontoise, 4 juillet 2008, Epx Mandin, req. n°0711454-1.pdf



    Dans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu, le 12 mars 2007, un premier permis de construire, lequel devrait être frappé d’un recours en annulation ; recours provoquant le retrait de l’autorisation contestée, le 12 juin 2007. Mais ultérieurement, le 13 juillet 2007, un second permis de construire fut délivré, lequel devait également être contesté par les mêmes requérants mais ce, une fois passé le délai de recours contentieux de deux mois alors prévu par l’article R.490-7 du Code de l’urbanisme.

    Néanmoins, et malgré les observations des parties défenderesse, ce second recours en annulation devait être jugé recevable et ce, au motif suivant :

    « Considérant que lorsque le juge de l'excès de pouvoir est saisi par un tiers d'une décision d'autorisation qui est, en cours d'instance, soit remplacée par une décision de portée identique, soit modifiée dans des conditions qui n'en n'altèrent pas l'économie générale, le délai ouvert au requérant pour contester le nouvel acte ne commence à courir qu'à compter de la notification qui lui est faite de cet acte ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Monsieur GOLDNADEL a obtenu, le 12 mars 2007, un permis de construire que Monsieur et Madame MANDIN ont déféré au juge de l'excès de pouvoir; que cette autorisation a été rapportée, en cours d'instance, par un arrêté du 12 juin 2007; qu'il n'est toutefois pas allégué que ce retrait aurait été porté à la connaissance des époux MANDIN avant que le Tribunal prononce le 21 mai 2008 un non lieu à statuer sur leur requête; que le maire d'Enghien-les-Bains a délivré le 13 juillet 2007 à Monsieur GOLDNADEL un nouveau permis de construire dont l'économie générale ne différait pas sensiblement de celle du permis initial; que cette nouvelle autorisation n'a pas été davantage notifiée à Monsieur et Madame MANDIN; que dans ces circonstances, le délai de recours n'a pu commencé à courir à leur égard; que, par suite, leur requête dirigée contre le permis en date du 13 juillet 2007 n'est pas tardive, alors même qu'elle aurait été enregistrée plus de deux mois après l'éventuel affichage tant en mairie que sur le terrain de ce permis; que la fin de non recevoir susvisée doit, dès lors, être écartée
    ».


    En résumé, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a donc estimé qu’alors même que le recours en annulation avait été introduit plus de deux mois après l’affichage du permis de construire litigieux, ce recours était néanmoins recevable dès lors que ce permis de construire, faisant suite à un premier précédemment frappé d’un recours en annulation, n’avait pas été notifié aux requérants, si bien que le délai de recours contentieux à l’encontre de ce nouveau permis de construire n’avait pas été déclenché à l’égard de ces dernier – nonobstant l’affichage régulier de cette autorisation – comme il résulte du principe posée par la jurisprudence dite « UNION » (CE. 23 mars 1973, Cie d’assurances l’UNION, Rec.p.251).

    Cette solution n’allait pas de soi dès lors qu’en l’espèce, ce n’était pas le permis de construire attaqué qui avait remplacé en cours d’instance le permis de construire précédemment délivré au pétitionnaire, le 12 mars 2007, puisque ce dernier avait fait l’objet d’un arrêté de retrait le 12 juin 2007.

    A la date de délivrance du permis de construire attaqué, le 13 juillet 2007, le permis de construire du 12 mars 2007 avait déjà disparu de l’ordonnancement juridique : le permis de construire délivré le 13 juillet 2007 ne pouvait donc être regardé comme ayant remplacé celui délivré le 12 mars 2007 puisque ce dernier avait été précédemment retiré.

    Il est vrai que la Cour administrative d’appel de Lyon avait déjà jugé que la notification d’un second permis de construire s’imposait alors même que le premier avait précédemment fait l’objet d’un retrait (CAA. Lyon, 11 mai 1999, M. Y…, req. n°98LY00826). Mais cette décision est antérieure aux arrêts par lesquels le Conseil d’Etat a précisé que la notification imposée par la jurisprudence dite « UNION » n’a pas à être opérée lorsque le second permis de construire a été délivré postérieurement à l’annulation du premier (CE. 15 novembre 2000, Association sauvegarde du site de Courcourt, req. n°200.819) et ce, quand bien même cette annulation n’est pas définitive en raison de l’appel interjeté à l’encontre du jugement la prononçant (CE. 26 mars 2004, Epx Sandelin, req. n°247.691).

    Dans ses conclusions sur l’affaire « Association sauvegarde du site de Courcourt » (CE. 15 novembre 2000, req. n°200.819), le Commissaire du Gouvernement s’était référé à celles prononcées dans l’affaire « Institut de Radiologie » (CE.15 avril 1996, Rec., p.138), réitérant la règle posée par la jurisprudence dite « UNION », pour ainsi souligner que :

    « Le grand mérite de cette jurisprudence, c'est de garantir le caractère effectif du droit au recours juridictionnel, en rendant impossibles des manœuvres qui, en cours d'instance, tendraient, de la part du bénéficiaire de l'autorisation, à éluder le contrôle du juge, et nous ne voyons pas que le risque de telles manœuvres ait subitement disparu.
    Sans doute pourrait-on nous objecter qu'il suffirait d'apprécier, au cas par cas, si la substitution en cours d'instance d'un nouvel acte à l'acte attaqué révèle, de la part de l'administration ou du bénéficiaire, une intention manœuvrière, et de n'écarter la forclusion encourue par le demandeur que si une telle intention est établie.
    Mais, d'une part, en matière de manœuvres tendant à faire échec au contrôle du juge, il nous semble qu'il vaux mieux prévenir que guérir : le grand avantage de la règle objective que pose l'arrêt L'Union est de décourager toute tentation manœuvrière en rendant obligatoire la notification au demandeur de la décision nouvelle, si bien que le bénéficiaire se trouve dissuadé de solliciter artificiellement une nouvelle autorisation à seule fin d'échapper au débat contentieux, sachant que tel ne sera pas le résultat.
    Considérons un instant la situation de ce demandeur. Il a pris connaissance, par la publication qui en a été faite, d'une décision, par exemple, d'un permis de construire, qui lui fait grief. Il a déféré cette décision au juge.
    Désormais, à ses yeux, le litige est entre les mains de la justice, et il attend, avec confiance ou inquiétude, l'arbitrage juridictionnel. Il n'imagine pas en tout cas que la même décision (ou à peu près la même) puisse être prise et publiée une seconde fois, et sa vigilance à l'égard des formalités de publicité va se trouver nécessairement assoupie par la circonstance que le contentieux est déjà engagé. Notre demandeur ne songera pas à se rendre régulièrement à la Mairie, et à passer chaque jour en bordure du chantier afin de vérifier que le permis affiché est bien celui-là même qu'il a déféré au juge et non pas un nouveau permis reprenant les dispositions du precedent
    » (BJDU, n°5/2001, p.377-378).


    En substance, le principe dégagé par la jurisprudence dite « UNION » ainsi que ses contours procèdent du seul postulat selon lequel une fois que le requérant a exercé un recours en annulation à l’encontre d’un permis de construire, celui-ci n’a aucune raison de s’attendre à ce qu’en cours d’instance, un nouveau permis de construire se substitue à celui attaqué et, par voie de conséquence, n’a pas à guetter l’éventuel affichage d’une nouvelle autorisation.

    C’est pourquoi, dans l’affaire « Association sauvegarde du site de Courcourt » (CE. 15 novembre 2000, req. n°200.819), le Commissaire du Gouvernement a estimé que :

    « Inversement, et c'est l'hypothèse dans laquelle nous nous trouvons, si le tribunal administatif a annulé le premier permis, le risque de manœuvre est absent ou en tout cas bien moindre. L'appel n'est, en principe, pas suspensif et le titre litigieux a, au moins pour la durée de l'instance d'appel, disparu de l'ordonnancement juridique. Dans ces conditions, on peut exiger du demandeur de première instance qu'à l'instar des autres tiers à la nouvelle décision il se montre vigilant. Le risque de voir sa bonne foi ou sa confiance trompée par un maire et un pétitionnaire peux scrupuleux paraît moindre » (BJDU, n°5/2001, p.377-378).

    Or, en l’espèce non seulement le permis de construire délivré le 12 mars 2007 avait été retiré le 12 juin 2007 et avait donc disparu de l’ordonnancement juridique préalablement à la délivrance du permis de construire contesté mais en outre celui-ci a été affiché en mairie dès sa date d’édiction et ce, jusqu’au 12 août 2007.

    Dès lors, les requérant auraient pu être réputés avoir eu connaissance du retrait intervenu par l’arrêt 12 juin 2007, lequel n’avait a priori pas à leur être notifié puisque dès lors que ce retrait avait été provoqué par leur recours en annulation à l’encontre du permis de construire du 12 mars 2007, il ne leur faisait donc pas grief (pour un exemple récent : CAA. Marseille, 29 mars 2007, Mme Y Janik, req. n°04MA00644). Aussi et dès lors que :

    - en droit, d’une part, le retrait produit les mêmes effets que l’annulation d’un permis de construire puisque l’un et l’autre emportent sa disparition rétroactive de l’ordonnancement juridique ;
    - en fait, d’autre part, les parties défenderesses avaient prouvé le retrait du permis de construire en date du 12 mars 2007 ;

    il aurait pu être considéré qu’à compter de cette dernière date, les consorts Mandin ne pouvaient exclure qu’un nouveau permis de construire soit délivré au pétitionnaire et, par voie de conséquence, suivant la finalité de la jurisprudence dite « Union », qu’il leur incombait « à l'instar des autres tiers à la nouvelle décision (de) se montre(r) vigilant » sur l’affichage d’une nouvelle autorisation éventuelle.

    Mais force est précisément d’admettre que la jurisprudence précitée du Conseil d’Etat (CE. 15 novembre 2000, Association sauvegarde du site de Courcourt, req. n°200.819) n’est pas ipso facto transposable au cas où le permis de construire attaqué a été retiré avant la délivrance du second.

    En effet, ainsi qu’il a été dit, le principe dégagé par la jurisprudence dite « UNION » ainsi que ses contours procèdent en effet du seul postulat selon lequel une fois que le requérant a exercé un recours en annulation à l’encontre d’un permis de construire, celui-ci n’a aucune raison de s’attendre à ce qu’en cours d’instance, un nouveau permis de construire se substitue à celui attaqué et, par voie de conséquence, n’a pas à guetter l’éventuel affichage d’une nouvelle autorisation.

    En revanche, lorsque le permis de construire attaqué a été annulé, le requérant en a nécessairement connaissance et, par voie de conséquence, est réputé pouvoir raisonnablement s’attendre à ce que le bénéficiaire de cette autorisation sollicite et, le cas échéant, obtienne un nouveau permis de construire aux fins de concrétiser son projet.

    Il s’ensuit que, selon nous, la solution dégagée par le Conseil d’Etat dans le cas où annulation du permis de construire attaqué est antérieure à la délivrance du second n’est transposable à l’hypothèse où le permis de construire attaqué a été précédemment retiré que dans le cas où le requérant a été personnellement informé de ce retrait et, donc, qu’à la condition que ce retrait lui ait été notifié puisqu’à défaut, celui-ci ne peut s’attendre à ce qu’un nouveau permis de construire soit délivré.

    Or, en l’espèce, l’arrêté du 12 juin 2007 portant retrait du permis de construire délivré le 12 mars 2007 n’avait pas été notifié aux requérants. Et s’il est vrai que cet arrêté de retrait avait été précédemment produit dans le cadre de l’instance dirigée à l’encontre de ce permis de construire, il reste qu’il est de jurisprudence bien établie que la production d’une décision dans une autre instance ne suffit pas à établir que les parties à cette instance aient « connaissance acquise » de cette décision (pour exemple : CE. 30 juin 1999, Fondation Asturion, req. n°190.250).

    En l’état, les requérant ne pouvaient donc être réputés avoir eu connaissance du retrait du permis de construire délivré le 12 mars 2007 et, par voie de conséquence, ne pouvaient être considérés comme ayant conséquemment pu s’attendre à la délivrance du permis de construire délivré le 13 juillet 2007 au regard de la jurisprudence rendue en la matière.




    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Modification du délai de validité des autorisations d'urbanisme

    Décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 prolongeant le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable

    Pour l'ensemble de celles en cours de validité au 20 décembre 2008 et pour toutes celles délivrées avant le 31 décembre 2010, le délai de validité des autorisations d'urbanisme est ainsi porté de deux à trois ; ce délai étant susceptible d'être suspendu et/ou prorogé dans les conditions de droit commun.

    Cette mesure correspond à l'annonce faite par le Président de la République lors de son allocution prononcée à Douai le 4 décembre 2008 :

    "Il est un certain nombre d'opérations qui ne peuvent être engagées parce qu'il y a des problèmes de financement. Si en plus, les permis de construire ne sont pas prorogés, ça veut dire que pour un certain nombre de collectivités, il faut tout recommencer et c'est cinq ans de retard".

    On peut toutefois s'interroger sur l'utilité d'un dispositif qui ne s'accompagne pas d'une suspension de l'exigibilité des taxes générées par la délivrance du permis de construire, lesquelles amène frequemment a sollicité et à obtenir le retrait du permis de construire avant sa caducité aux fins de ne pas avoir à s'en acquiter...


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Les documents d’urbanisme locaux (POS/PLU) peuvent ils interdire les lotissements ?

    Un règlement local d’urbanisme peut légalement interdire les lotissements dès lors qu’ils constituent un type d’occupation et d’utilisation du sol et non pas une règle de procédure.

    CAA. Versailles, 6 novembre 2008, Sté Foncière de l’Ouest, req. n°07VE01713

    Voici un arrêt dont le sens n’est selon nous guère surprenant mais qui mérite d’être mis en exergue dans la mesure où il s’agit, à notre connaissance, d’un des premiers répondant aussi clairement à une question ayant généré de nombreux échanges sur ce blog avec l’un de ses plus fidèles lecteurs et commentateurs.

    On sait que par de nombreuses réponses ministérielles, l’administration a souvent précisé qu’un POS ou un PLU ne pouvait légalement interdire les lotissements dans la mesure où ces documents ne peuvent édicter que des règles de fond. Et il est tout a fait exact qu’ils ne sauraient édicter une règle de procédure, c’est à dire conditionner l’exécution de travaux et la délivrance de l’autorisation d’urbanisme s’y rapportant à une formalité (autorisation, avis, production de documents) que ne prévoit pas le Code de l’urbanisme.

    Selon l’administration, la notion de lotissement ne serait donc pas une notion de « fond » mais une procédure.

    Pourtant de nombreux arrêts ont fait application de règlements d’urbanisme locaux interdisant les lotissements. Parmi les plus significatifs, on peut relever celui par lequel la Cour administrative d’appel de Lyon a jugé que :

    « Considérant, ensuite, qu'aux termes de l'article NA-1 du règlement annexé au plan d'occupation des sols de Vitrolles, "Les occupations et utilisations du sol non mentionnées à l'article NA-2 sont interdites" ; qu'aux termes de l'article NA-2 de ce même règlement, "Sont autorisés sous conditions : -les opérations sous forme de ZAC exclusivement en secteur 1 NA, ...-les opérations d'ensemble sous forme de permis groupé ou de lotissement d'habitations, de commerces, d'artisanat ou de stationnement ouvert au public à condition d'être situées en secteur 2NA, ..." ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que dans les zones NA, définies comme des zones non équipées à vocation principale d'habitation où l'urbanisation future ne peut être autorisée que sous la forme d'opérations d'ensemble, les lotissements sont interdits dans les secteurs 1NA où seules sont autorisées les zones d'aménagement concerté ;
    Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces versées au dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué le terrain litigieux était classé par le plan d'occupation des sols de Vitrolles, dans ses modalités résultant de la révision n° 1 approuvée par le conseil municipal le 22 septembre 1988, en secteur 1NA où, conformément aux dispositions précitées, les lotissements étaient interdits ; que dès lors, sous l'empire de ces dispositions, le maire de Vitrolles était tenu de rejeter la demande présentée par la SCI ;
    Considérant, en second lieu, que si la société entend exciper de l'illégalité du reclassement de son terrain intervenu lors de l'approbation de la révision n° 1, elle ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de sa contestation des dispositions réglementaires résultant de cette révision, de droits acquis qu'elle aurait tenus d'engagements contractuels antérieurs ; que par ailleurs, à supposer même, comme elle le soutient, que ledit reclassement serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et qu'ainsi l'arrêté attaqué ne pourrait trouver de base légale dans les dispositions de l'article 1NA-2, il ressort des pièces versées au dossier qu'en vertu des dispositions combinées des articles NAE 1 et NAE 2 du plan d'occupation des sols immédiatement antérieur, lequel redeviendrait applicable conformément aux dispositions de l'article L.125-5 du code de l'urbanisme, n'étaient autorisées en secteur NAE, au sein duquel le terrain était classé sous l'empire de ce plan, que les "opérations individuelles" au nombre desquelles n'entraient pas davantage les lotissements ; qu'ainsi le maire aurait été tout autant tenu de rejeter sa demande ; qu'elle ne peut davantage soutenir, en raison de cette interdiction antérieure des lotissements sur le terrain en cause, que ce reclassement aurait eu pour unique objet d'interdire l'opération projetée et qu'il serait ainsi entaché d'un détournement de pouvoir
    » (CAA. Lyon, 22 octobre 1996, SCI Grande Garrigue, req. n°94LY00367).


    puisque ce faisant, elle a d’elle-même déduit d’une règle réservant la zone à un seul type d’occupation des sols – les « opérations individuelles » – l’interdiction implicite d’y aménager des lotissements.

    Mais l’analyse de l’administration sur ce point est infirmée encore plus clairement par la décision objet de la note de ce jour.

    Dans cette affaire, le requérant entendait contester un refus d’autorisation de lotir lui ayant été opposé au motif tiré de l’article 1er du règlement de POS applicable au sein de la zone de l’aménagement projeté, lequel interdisait expressément les lotissements. Et pour ce faire, le requérant devait exciper de l’illégalité de cette disposition en soutenant, précisément, que les auteurs d’un POS n’étaient pas compétents pour édicter une telle interdiction. Mais ce moyen devait donc être rejeté au motif suivant :

    « Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, applicable aux plans d'occupation des sols approuvés avant l'entrée en vigueur de la loi du 13 décembre 2000 susvisée et non révisés depuis lors : « Les plans locaux d'urbanisme (...) fixent les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions. (...) » ; qu'aux termes de l'article R. 123-21 du même code : « Le règlement fixe les règles applicables aux terrains compris dans les diverses zones du territoire couvert par le plan. 1° A cette fin, il doit : a) Déterminer l'affectation dominante des sols par zones selon les catégories prévues à l'article R. 123-18 en précisant l'usage principal qui peut en être fait, et s'il y a lieu, la nature des activités qui peuvent y être interdites ou soumises à des conditions particulières, telles que l'ouverture ou l'extension d'établissements industriels, l'exploitation de carrières, les opérations d'affouillement ou d'exhaussement des sols, les défrichements, coupes et abattages d'arbres ainsi que les divers modes d'occupation du sol qui font l'objet d'une réglementation (...). Et qu'aux termes de l'article R. 315-1 de ce code, en vigueur à la date de la décision attaquée : « Constitue un lotissement au sens du présent chapitre toute division d'une propriété foncière en vue de l'implantation de bâtiments qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de ladite propriété. (...). Dans tous les cas, l'autorisation de lotir peut également être refusée, ou n'être accordée que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales, sur le fondement des dispositions mentionnées à l'article R. 111-1, lorsque, notamment, par la situation, la forme ou la dimension des lots, l'opération est de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites ou aux paysages naturels ou urbains, ou à compromettre la conservation ou la mise en valeur d'un site ou de vestiges archéologiques » ;
    Considérant, d'une part, qu'en raison de sa date d'adoption et à défaut d'avoir été révisé à la date de la décision attaquée, le plan d'occupation des sols de la commune de Montainville est régi par la combinaison des dispositions précitées du code de l'urbanisme ; qu'au sens de ces dispositions, un lotissement constitue un type d'occupation et d'utilisation des sols ; que, par suite, les auteurs de ce plan tenaient de ces mêmes dispositions compétence pour interdire ce type d'occupation des sols ; que, dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité, pour incompétence, de l'article NB1 du règlement de ce plan qui interdit « les lotissements de toute nature et les groupes d'habitation » dans la zone où était projetée l'opération immobilière dont s'agit
    ».


    et, en d’autres termes, en raison du fait, d’une part, qu’il résultait de l’article R.123-21 du Code de l’urbanisme alors applicable qu’un POS pouvait régir les types d’occupation et d’utilisation du sol et, d’autre part, qu’à la date d’approbation de ce document, le lotissement constituait bien un mode d’occupation et d’utilisation du sol.

    Mais il va sans dire que la solution n’est pas, en l’état de la réglementation, différente pour un PLU dès lors que l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme dispose que « le règlement peut comprendre tout ou partie des règles suivantes : occupations et utilisations du sol interdites (&) occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières » et qu’à titre d’exemple, son article L123-5 précise que « le règlement et ses documents graphiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, pour la création de lotissements et l'ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan » ; étant d’ailleurs relevé que l’arrêt commenté expose par ailleurs que « la circonstance que le jugement entrepris mentionne l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme, et non son article R. 123-21, qui régit le plan d'occupation des sols de la commune de Montainville, approuvé le 16 juin 1989, et sur le fondement duquel les décisions attaquées ont été prises, est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de ce jugement ». :

    D’ailleurs, il ressort selon nous nettement des dispositions issues de la réforme des autorisations d’urbanisme que le lotissement est bien une notion de « fond » et non pas une procédure dès lors que les articles L.442-1 et L.442-2 du Code de l’urbanisme disposent respectivement :

    « Constitue un lotissement l'opération d'aménagement qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet la division, qu'elle soit en propriété ou en jouissance, qu'elle résulte de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de locations, d'une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments ».

    et :

    « Un décret en Conseil d'Etat précise, en fonction du nombre de terrains issus de la division, de la création de voies et d'équipements communs et de la localisation de l'opération, les cas dans lesquels la réalisation d'un lotissement doit être précédée d'un permis d'aménager ».

    C’est deux articles dissocient donc nettement la définition du lotissement en tant qu’opération d’aménagement des règles de procédure applicables s’agissant des autorisations requises pour leur réalisation. Or, comme on le sait, il y a deux procédures d’autorisation possibles (permis d’aménager ou déclaration d’aménagement) pour une seule et même définition de ce type d’opération : c’est donc bien que le lotissement n’est pas une procédure.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • PREMIER BILAN DE L’ARTICLE L.600-5 DU CODE DE L’URBANISME ©

    Faute de jurisprudence présentant un réel intérêt, j'ai décidé de créer une nouvelle rubrique (laquelle ne sera toutefois alimentée que très épisodiquement...). Et pour l'inaugurer, j'ai choisi ma dernière "marotte"... pour ne plus y revenir qu'exceptionnellement (promis).


    L’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, introduit par la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 dite « ENL », prévoit que « lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation » et, le cas échéant, que « l'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive ».

    Il reste que le seul fait de prévoir pour le juge administratif la possibilité de prononcer l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme n’est pas d’une absolue nouveauté puisqu’il s’y autorisait déjà lorsque l’autorisation en cause était divisible, c’est-à-dire lorsque la composante du projet illégale était dissociable des autres d’un point de vue juridique et technique, voir fonctionnel. Or, pour sa part, l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme se borne à viser le cas, plus général, où « seule une partie du projet (…) est illégale » et, ainsi, semble avoir vocation à élargir les hypothèses dans lesquelles l’autorisation d’urbanisme contestée pourra ne faire l’objet que d’une annulation partielle.

    Néanmoins près d'un an et demi après son entrée en vigueur, force est de constater que l’article L.600-5 n’a donné lieu qu’à peu de décisions jurisprudentielles alors qu’au regard de sa rédaction (« lorsqu’elle constate… ») il n’est pas besoin que les parties en aient sollicité l’application qui pour être facultative (« la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle … ») est néanmoins ouverte pour l’ensemble des actions contentieuses en cours d’instance, qu’elles aient ou non été introduites avant l’entrée en vigueur de la loi « ENL » (TA. Amiens, 29 décembre 2006, req. n° 04-01732), tant devant le juge administratif de première instance que devant les juges d’appel et de cassation lorsqu’ils sont appelés à statuer sur le fond du litige. Mais précisément, il est permis de se demander si cette application marginale de ce nouveau dispositif n’est pas le signe de ce qu’il ne revêt pas tout l’intérêt que certains ont voulu y voir.

    Tout d’abord, mais ce n’est pas une réelle surprise, l’article L.600-5 ne saurait en principe s’appliquer lorsque l’autorisation litigieuse est entachée d’illégalité externe pour avoir été délivrée au vu d’un dossier de demande incomplet (CAA. Bordeaux, 30 octobre 2007, SCI Les Terrasses de Marie, req.n° 05BX01764) ou au terme d’une procédure d’instruction irrégulière (CAA. Nantes, 25 juin 2008, Cne de Bucy, req. n°07NT03015) puisqu’il est rare que seule une partie du projet puisse s’en trouver spécifiquement affectée d’illégalité. Et s’il peut y avoir des exceptions, force est de constater qu’elles avaient déjà été admises par le juge administratif avant même l’entrée en vigueur de l’article précité.

    Ainsi à l’égard d’un permis de construire portant, d’une part, sur un ensemble de maisons individuelles et, d’autre part, sur un établissement hôtelier délivré mais au vu d’un dossier de demande ne comportant pas la justification de la demande d’autorisation d’exploitation comme le prescrivait alors l’ancien article R.421-4 du Code de l’urbanisme, il a pu être jugé que cette circonstance n’affectait d’illégalité le permis de construire qu’en tant qu’il portait sur l’hôtel dans la mesure où seul ce dernier était soumis à autorisation d’exploitation et où il était, à tous les égards, dissociable des maisons à réaliser (CAA. Nantes, 18 avril 2006, Sté Investimmo Régions).

    Mais surtout, il faut relever qu’à l’égard d’un permis de construire méconnaissant l’ancien article L.421-2-4 du Code de l’urbanisme en ce qu’il prescrivait que « lorsque a été prescrite la réalisation d'opérations d'archéologie préventive, le permis de construire indique que les travaux de construction ne peuvent être entrepris avant l'achèvement de ces opérations », la Cour administrative d’appel de Nantes a récemment jugé que « ledit permis de construire est entaché d’illégalité en tant qu’il n’est pas assorti de cette prescription et encourt, dans cette mesure, l’annulation » (CAA. Nantes, 25 juin 2008, Cne de Bucy, req. n°07NT03015) et ce, en se plaçant clairement en dehors du champ d’application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, sur lequel elle s’est prononcée par ailleurs. Et pour cause puisque dans cette affaire, les opérations d’archéologie préventive prescrites concernaient ensemble du terrain d’assiette du permis de construire contesté et, donc, non pas une partie mais l’ensemble du projet. De la même façon, sans viser cet article, la Cour administrative d’appel de Bordeaux n’a annulé une autorisation de lotir qu’en tant que l’une de ces prescriptions méconnaissait l’ancien article R.315-30 du Code de l’urbanisme relative à son délai de validité et, donc, au délai de réalisation de l’ensemble du projet (CAA Bordeaux, 20 nov. 2006, n° 03BX00962, épx X.) Ce faisant, ces deux juridictions ont donc adopté une solution que n’aurait pas permise l’application l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme.

    Mais il est vrai que le principe posé par cet article a surtout été voulu pour limiter l’étendue de l’annulation d’autorisations d’urbanisme entachées d’illégalité interne liée au projet lui-même ou, plus précisément, liée à l’une de ses parties ; toute la difficulté étant d’établir quand et jusqu’à quel stade est-il possible de considérer que seule une partie du projet est illégale, notamment, lorsqu’il s’agit d’un projet indivisible formant, donc, un tout indissociable dont aucune partie ne peut être isolée.

    La jurisprudence rendue en la matière ne permet pas encore de l’établir précisément. En revanche, alors même que l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme précise qu’en cas d’annulation partielle « l'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive », il ressort clairement de deux décisions récentes que le simple fait que l’élément illégal du projet puisse être isolé et puisse être régularisé par un permis de construire modificatif ne suffit pas.

    Dans la première affaire (CAA. Nantes, 25 juin 2008, Cne de Bucy, req. n°07NT03015), le permis de construire en litige était contesté et devait ainsi être annulé dans son ensemble au motif tiré de l’ancien article R.111-8 du Code de l’urbanisme après qu’eut été rejetée la demande des parties défenderesses tendant à ce qu’il soit fait application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme.

    En première analyse, cette solution n’allait pas de soi puisque si le permis de construire devait être jugé illégal au regard de l’article R.111-8 c’est dans la mesure où le pétitionnaire avait prévu d’assurer l’alimentation en eau de sin installation par un forage que la Cour a jugé irrégulier puisque projeté à 70 mètres de l’installation en cause alors que le respect de l’article 4 de l’arrêté du 11 septembre 2003 aurait impliqué qu’il soit prévu à au moins 200 mètres de celle-ci. Ainsi, dès lors qu’il s’agissait d’un équipement autonome et distinct de l’installation en cause, on pouvait penser que le permis de construire contesté ne serait annulé qu’en tant qu’il avait autorisé ce forage ; à charge pour le pétitionnaire d’obtenir un modificatif ayant pour objet de modifier l’implantation du forage projeté.

    Il reste que l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme se borne à préciser que « l'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive » et, en d’autres termes, n’impose donc pas au pétitionnaire de régulariser son projet par le dépôt d’une demande de permis de construire modificatif ; ce que l’administration ne peut elle-même pas imposer au pétitionnaire, même dans un but de régularisation (CAA. Marseille, 31 janvier 2002, Melois, req. n°98MA02231). Or, en annulant le permis de construire contesté sur ce point, la Cour aurait donc validé un permis de construire autorisant un projet n’assurant plus par lui-même l’alimentation en eau de la construction projetée et ce, sans aucune garantie que le pétitionnaire, soit renoncera à en entreprendre l’exécution, soit régularisera cet aspect du projet par le dépôt d’une demande de modificatif. Cet arrêt tend donc à confirmer qu’il ne peut y avoir d’annulation partielle d’un permis de construire lorsque « la partie du projet » en cause est liée aux autres par un rapport d’interdépendance juridique dont dépend la conformité d’ensemble du projet.

    Dans la seconde affaire (CAA. Lyon, 1er juillet 2008, Cne de Valmeinier, req. n°07LY02364), le permis de construire contesté portait sur un immeuble de sept étages lequel devait être totalement annulé en première instance au motif tiré de la méconnaissance de l’article R.111-21 du Code de l’urbanisme et de celle de l’article 10 du règlement d’urbanisme local. Et en appel, la Cour administrative de Lyon devait confirmer ce jugement et rejeter les conclusions présentées à titre subsidiaire par les appelants, sur le fondement de l’article L.600-5, dans la mesure où ces motifs mettaient en cause « la conception de l'ensemble de l'ouvrage » et, par voie de conséquence, « ne permett(ai)ent pas l'application de ces dispositions ».

    S’agissant de la méconnaissance de l’article R.111-21 du Code de l’urbanisme résultant de l’implantation d’un bâtiment unique, on voyait mal comment celle-ci aurait pu donner lieu à une annulation partielle. D’ailleurs, si Tribunal administratif d’Amiens a fait application de l’article L.600-5 à l’égard d’un permis de construire méconnaissant l’article R.111-21 (TA. Amiens, 29 décembre 2006, req. n° 04-01732), il reste que cette autorisation portait dans cette affaire sur la construction de cinq silos distincts, lesquels, pour être autorisés par un seul et même permis de construire, constituaient un ensemble divisible à l’instar, à titre d’exemple, d’un parc éolien dont certaines des installations peuvent être dissociables les unes des autres (CE. 6 novembre 2006, req. n°281.872).

    En revanche, on aurait pu penser qu’il pouvait avoir lieu à appliquer l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme s’agissant de la méconnaissance des règles de hauteur puisque celle-ci procédait du septième niveau – soit d’une « partie du projet » – dont la régularisation aurait pu être assurée par un « modificatif » y substituant une toiture-terrasse ou un niveau en combles. Il reste que ce faisant, la Cour aurait validé un permis de construire autorisant alors un projet non finalisé – notamment, sur son aspect architectural – et ne portant que sur une partie de l’immeuble contrairement à ce qu’implique l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme.

    En résumé, il résulte de ces deux arrêts que la circonstance que l’illégalité du projet tient à un de ses éléments pourtant régularisable par le jeu d’un simple « modificatif » ne saurait suffire à considérer que cette illégalité n’affecte qu’une « partie du projet » et, par voie de conséquence, qu’il y a lieu d’appliquer l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme. Et il en va de même des considérations liées au point de savoir si, en fait, le pétitionnaire pourra ou non raisonnablement entreprendre l’exécution du permis de construire n’ayant été que partiellement annulé sans avoir régulariser la partie de son projet jugé illégal dès lors qu’en droit, rien ne saurait s’opposer à l’exécution d’un permis de construire qui partiellement annulé et validé par le juge ne prévoit ni alimentation en eau de la construction, ni toiture de l’immeuble, ni balcon ou garde-fou aux droits des baies principales ; le contrôle de la conformité des travaux réalisés s’appréciant au seul regard de ceux autorisés par le permis et dans le respect du principe d’indépendance des législations.

    De ce fait, l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, s’il semble pouvoir s’appliquer à l’égard de certains d’éléments traditionnellement considérés comme indivisibles de la construction, apparaît néanmoins appelé à ne recouvrir qu’un champ d’application matériel réduit, limité aux quelques accessoires de la construction – telle une terrasse – n’ayant strictement aucune incidence ni sur la conformité, ni sur la conception d’ensemble du projet (sur point, on donne souvent l’exemple du balcon : mais peut-on sérieusement imaginer le juge administratif n’annuler un permis de construire en ce qu’il autoriserait des balcons et, donc, valider un immeuble dont les baies donnerait en dans le vide en méconnaissance de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme ?)

    Mais à cet égard également le champ d’application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme apparaît limité puisqu’il ne vise que les autorisations et tend donc à exclure la possibilité d’annulation partielle d’une décision de refus d’autorisation lorsque seule une partie du projet est illégale, même s’il s’agit d’un élément totalement accessoire à celui-ci.

    Précisément, la Cour administrative d’appel de Nancy a validé dans son ensemble un refus de permis de construire motivé par le fait que le muret terminant la rampe d’accès au parc de stationnement de l’immeuble – laquelle y était accolée et en faisait donc « partie intégrante » – ne respectait pas la règle de distance par rapport au limite séparative fixée par l’article 7 du règlement d’urbanisme local (CAA. Nancy, 11 octobre 2007, Cne de Wolfisheim, req. n°06NC00685) puisque, sauf disposition contraire, l’ensemble des composantes indivisibles d’une construction doivent être prises en compte pour apprécier la conformité de cette dernière, notamment, par rapport aux prescriptions d’urbanisme relatives à l’implantation des constructions (CE. 23 août 2006, Assoc. Le Fonvairous, req. n°267.578).

    Pour les décisions de refus, le principe semble donc demeurer qu’une telle décision ne peut faire l’objet d’une annulation partielle qu’à la condition qu’elle soit divisible, c’est-à-dire porte sur deux projets en tous points distincts. Mais est-ce réellement le fait qu’il ait s’agissait d’une décision de refus qui seul explique cette décision de la Cour nancéennes. En effet, à suivre les auteurs de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, si la décision en cause avait constitué un permis de construire autorisant ce projet, le juge aurait donc pu n’en prononcer que l’annulation partielle et, plus concrètement, n’en prononcer l’annulation qu’en tant qu’il avait autorisé cette rampe d’accès. Il reste qu’alors, cette annulation partielle aurait abouti à la formation d’un permis de construire autorisant un immeuble doté d’un parc de stationnement inaccessible et donc méconnaissant les prescriptions de l’article 12 du règlement local d’urbanisme, puisque les aires de stationnement inutilisables ou inaccessibles ne peuvent être prise en compte au titre de ce dernier (pour exemple : CAA. Marseille, 8 février 2007, M. Joseph X., req. n°04MA02390).

    Ainsi, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que l’irrégularité de six des seize places de stationnement prévues pour assurer la conformité du projet audit article 12 était de nature à emporter l’annulation de l’ensemble de celui-ci dans la mesure où « ces six places (…) ne sont pas dissociables du reste du projet compte-tenu de la réglementation applicable » puisque leur suppression aboutirait a un projet ne prévoyant pas le nombre de places requises au titre de cet article (CAA. Bordeaux, 11 décembre 2007, SCI Redon, req. n°06BX01060).

    Mais pour conclure, il est même permis de se demander si l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme aura une réelle incidence sur les règles gouvernant l’annulation partielle du permis de construire puisqu’à titre d’exemple, pour censurer l’ensemble d’un permis de construire méconnaissant les conclusions d’un diagnostic d’archéologie préventive et n’annuler que partiellement un permis de construire un parc éolien, la Cour administrative d’appel de Lyon a motivé sa première décision par le fait que les dispositions de cette autorisation « pour l'ensemble de la réalisation d'un village de vacances (n’étaient) pas divisibles » (CAA. Lyon, 21 juin 2007, Ministre de l'équipement, req. n°04LY01501) et sa seconde par la circonstance que « les éoliennes n° 2 et n° 3 sont des ouvrages distincts des trois autres éoliennes dont la construction a été autorisée par le permis (et) que les dispositions de ce permis applicables aux dites éoliennes sont, dans cette mesure, divisibles des autres dispositions de ce même permis » (CAA. Lyon, 23 octobre 2007, SARL, Le Pré Bossu, req. n°06LY02337). Et plus clairement encore, on sait qu'au sujet d'un jugement prononcé après l'entrée en vigueur de l'article L.600-5, la Cour administrative d'appel de Nantes a jugé que : « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le maire de Mernel a, par l'arrêté contesté du 19 juillet 2005, modifié par arrêté du 27 octobre suivant, délivré au GAEC “Mac Mahon” un permis de construire dont les dispositions, bien qu'elles autorisent à la fois la couverture d'une aire d'alimentation pour génisses, l'édification d'un hangar à fourrage et le creusement d'une fosse à lisier de 1 500 m3, portent sur des travaux distincts et présentent un caractère divisible ; que, dès lors, le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES est fondé à soutenir que le tribunal, bien qu'ayant estimé que le permis de construire litigieux n'était illégal qu'en tant qu'il autorisait la construction du hangar à fourrage, a commis une erreur de droit en prononçant pour ce seul motif, l'annulation dudit permis dans sa totalité » (CAA. Nantes, 6 mai 2008, req. n°07NT02215)...




    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés