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  • L’adjonction d’une bande de terrain au niveau de l’accès du terrain à construire ne permet pas de satisfaire aux prescriptions de l’article 5 du règlement local d’urbanisme relatives à la largeur des façades sur voie

    Lorsque l’article 5 du règlement local d’urbanisme impose que le terrain d'assiette ait une largeur effective en bordure de voie de dix mètres pour être constructible, l’adjonction d’une bande de terrain de 6,50 mètres sur 0,70 mètre à l’accès au terrain à construire d’une largeur de 3,50 mètres ne permet que d'obtenir artificiellement une largeur de terrain en bordure de voie de 10 mètres et ne permet donc pas de caractériser cette configuration des lieux comme une façade sur voie au sens cet article 5.

    CAA. Paris, 23 novembre 2006, Cne de Chaville, req. n° 05PA04096


    Dans cette affaire, l’article 5 du règlement d’urbanisme local imposait que les terrains résultant d'une division aient une superficie d'au moins 300 m² et 10 mètres de largeur de façade sur voie pour être constructibles ; et il ressortait de la définition de la « façade sur voie » figurant dans le lexique joint au règlement du plan d'occupation des sols que ces dispositions imposaient que le terrain d'assiette ait une largeur effective en bordure de voie de 10 mètres.

    Or, en l’espèce, si le terrain d’assiette du permis de construire litigieux présentait une façade sur voie d’une largeur de 10 mètres, celle-ci était en fait constituée par un accès d’une largeur de 3,50 mètres auquel avait été adjoint une bande de terrain de 6,50 mètres de largeur et de 70 centimètres de profondeur.

    Mais la Cour administrative d’appel de Paris, comme la juridiction de première instance, devait voir dans cette adjonction une opération destinée à conférer artificiellement au terrain à construire une apparence de régularité et, par voie de conséquence, annuler le permis de construire litigieux :

    « Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article UB5 du plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE CHAVILLE que, pour être constructible dans la zone Ubb, un terrain résultant d'une division doit avoir une superficie d'au moins 300 m² et 10 mètres de largeur de façade sur voie ; que ces dispositions, complétées et éclairées par la définition de la « façade sur voie » figurant dans le lexique joint au règlement du plan d'occupation des sols doivent être regardées comme imposant que le terrain d'assiette ait une largeur effective en bordure de voie de 10 mètres ;
    Considérant qu'il est constant que le terrain, résultant d'une division parcellaire, qui sert d'assiette au permis de construire délivré par l'arrêté du 7 avril 2004 susvisé du maire de Chaville à M. Y comporte un accès de 3,50 mètres sur l'avenue de la Résistance ; que la circonstance que cet accès soit élargi par une bande de terrain de 6,50 mètres sur 0,70 mètre permettant ainsi d'obtenir artificiellement une largeur de terrain en bordure de voie de 10 mètres ne permet pas de caractériser cette configuration des lieux comme une façade sur voie au sens des dispositions susrappelées du plan d'occupation des sols ; que, par suite, la COMMUNE DE CHAVILLE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté litigieux
    ».

    Cet arrêt renvoie ainsi à la problématique des terrains d’assiette artificiellement constitués à l’égard de laquelle les décisions rendues par la jurisprudence varient.

    C’est ainsi, à titre d’exemple, que le Conseil d’Etat a jugé inopérante une opération de revente d’une bande de terrain de 70 centimètres destinée à régulariser une construction illégale en la faisant ainsi joindre la limite séparative alors que son permis de construire avait été précédemment annulé en raison de son implantation à 70 centimètres de la limite séparative initiale (CE. 25 janvier 1993, Crts Saint-Guilly, req. n°122.112). En revanche, la Haute Cour a ultérieurement jugé qu’une construction en « sur-densité » pouvait être régularisée par l’acquisition d’une bande terrain de l’unité foncière voisine aux fins d’augmenter la SHON constructible d’un terrain d’assiette de la construction litigieuse et conséquemment diminuer sa densité en la rendant ainsi conforme aux prescriptions de l’article 14 du règlement d’urbanisme local ; bien que cette bande de terrain ne serve en rien à l’implantation de la construction litige et de ses abords (CE. 30 décembre 2002, SCI HLM de Lille, req. n°232.584 ; voir, également, ici).

    Il semble ainsi que, pour le juge administratif, l’opération d’acquisition ou de revente d’une bande de terrain sera artificielle, et donc inopérante, lorsqu’elle ne confère à la construction qu’une apparence de régularité ne permettant pas d’assurer un respect effectif de la règle d’urbanisme en cause.

    Dans la première affaire, en effet, la revente de la bande de terrain permettait certes d’amener la limite séparative jusqu’à la construction litigieuse de sorte à ce qu’elles soient jointives mais, en fait, ne modifier strictement rien à l’implantation de cette construction et à sa distance par rapport à la construction voisine, laquelle, au surplus, était ainsi rendue irrégulière puisqu’initialement implantée en limite séparative, elle s’en trouvait implantée à 70 centimètres de la nouvelle limite séparative, ce que ne permettait pas l’article 7 du POS communal.

    Dans la second affaire, en revanche, la bande de terrain acquise ne servait certes en rien à l’implantation de la construction litigieuse mais toujours est-il qu’en consommant les droits à construire y étant attachés cette construction réduisait d’autant la SHON constructible du « reliquat » dont cette bande avait été détachée : l’adjonction de cette bande de terrain au terrain d’assiette d’origine n’avait donc pas pour effet d’augmenter artificiellement la SHON constructible dans la zone au regard des possibilités de construction prévues par l’article 14 du règlement d’urbanisme local.

    Or, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, l’adjonction de la bande de terrain de 6,50 mètres de largeur et de 70 centimètres de profondeur permettait certes d’obtenir une façade sur voie d’une largeur de 10 mètres comme le prescrivait l’article 5 du règlement de POS mais ne permettait néanmoins pas d’assurer l’effectivité de la règle et la réalisation de l’objectif ainsi poursuivi par les auteurs du document d’urbanisme local, à savoir que les terrains aient une largeur effective en bordure de voie de 10 mètres.

    L’arrêt commenté nous paraît donc justifié tant au regard des prescriptions spécifiques du règlement d’urbanisme local en cause qu’en considération de la jurisprudence précédemment rendue en la matière.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Le maire n’est pas en situation de compétence liée pour constater la péremption d’un permis de construire et en tirer les conséquences

    Lorsqu'il constate la péremption d'un permis de construire et la réalisation de travaux postérieurement à cette date, le maire est nécessairement conduit à porter une appréciation sur les faits. Il ne se trouve donc pas en situation de compétence liée rendant inopérants les moyens tirés des vices de forme et procédure dont seraient entachées les décisions subséquentes à ce constat.

    CE. 29 décembre 2006, Ministre de l’équipement, req. n°271.164


    Au terme de son délai de validité, dont l’échéance procède du défaut d’engagement de travaux significatifs dans les deux ans suivant sa notification ou de l’interruption des travaux autorisés pendant plus d’un an, le permis de construire se trouve frappé de caducité et ne peut donc plus être régulièrement mis en œuvre.

    Il s’ensuit que son titulaire en perd définitivement le bénéfice et, par voie de conséquence, que tout travaux qu’il serait amené à engager en se fondant sur cet ancien permis de construire serait constitutif d’un délit de travaux sans autorisation analogue au délit constitué lorsque l’autorisation requise n’a jamais été obtenue et ce, sans qu’il y soit besoin que l’administration ait préalablement opposé au constructeur la caducité de son permis de construire puisque la péremption de ce dernier procède du simple écoulement du temps et non pas de l’éventuelle décision administrative la constatant.

    Aussi, lorsque le constructeur entreprend tardivement l’exécution d’un permis de construire précédemment frappé de caducité et, en d’autres termes, engage des travaux non autorisés, le maire est en droit de faire usage à son encontre des pouvoirs de police qu’il tient de l’article L.480-2.al.10 du Code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il dispose « dans le cas de constructions sans permis de construire ou de constructions poursuivies malgré une décision de la juridiction administrative ordonnant qu'il soit sursis à l'exécution du permis de construire, le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ; copie de l'arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public ».

    Mais bien entendu, l’arrêté interruptif de travaux édicté au titre de l’article précité peut faire l’objet d’un recours en annulation auprès du juge administratif. Il reste que les moyens d’illégalité interne susceptibles d’être utilement invoqués à l’encontre d’une telle décision sont réduits puisqu’ils ne peuvent que se limiter à contester la péremption du permis de construire et/ou à soutenir que les travaux exécutés nonobstant la caducité de ce dernier sont des simples travaux de finition ; étant rappelé que l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme ne peut plus être mise en œuvre lorsque les ouvrages sont achevés ou quasi-achevés, c’est-à-dire que deux restant à accomplir ne relèvent pas du champ d’application du permis de construire (CE. 2 mars 1994, Cne de Saint-Tropez, req. n°135.448).

    Par voie de conséquence, les principaux moyens susceptibles d’être invoqués ont trait à la légalité externe de la décision et, plus précisément, aux vices de forme et/ou de procédure dont elle serait entachée.

    Toute la question était ainsi de savoir si lorsqu’il constate la péremption d’un permis de construire le maire est ou non en situation de compétence liée puisque les vices de forme et de procédure sont inopérants à l’encontre d’une décision lorsque son auteur est en pareille situation. C’est à cette question qu’a répondu le Conseil d’Etat à travers l’arrêt commenté en jugeant que :

    « Considérant que lorsqu'il constate la péremption d'un permis de construire et la réalisation de travaux postérieurement à cette date, le maire est conduit nécessairement à porter une appréciation sur les faits ; qu'il ne se trouve donc pas, pour prescrire par arrêté l'interruption de ces travaux, en situation de compétence liée rendant inopérants les moyens tirés des vices de procédure dont serait entachée sa décision ;
    Considérant que, pour rejeter les conclusions du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, DU TOURISME ET DE LA MER tendant à l'annulation du jugement du 7 octobre 1999 en tant que par ce jugement, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté interruptif de travaux du 30 novembre 1998 pris par le maire de Saint-Laurent-du-Var, la cour administrative d'appel de Marseille s'est fondée sur le fait que, le maire n'était pas tenu malgré cette péremption, d'ordonner leur interruption, et aurait donc dû en vertu des dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 alors en vigueur, mettre à même Mme A de présenter des observations écrites dès lors que les travaux en cause ne présentaient pas un risque pour la sécurité ou la salubrité publiques imposant une procédure d'urgence ; que ce faisant, la cour n'a pas commis une erreur de droit ; que, par suite, le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, DU TOURISME ET DE LA MER n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; qu'en conséquence, son recours doit être rejeté
    ».

    Il s’ensuit qu’une décision édictée sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme peut être contestée au regard des vices de forme et de procédure dont elle est entachée et, notamment, en considération de son défaut de motivation et/ou de l’absence de mise en œuvre préalable de la procédure administrative contradictoire prescrite par l’article 24 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 (laquelle s’est « substituée », depuis la date des faits objet de l’arrêté commenté, à la procédure anciennement prévue par l’article 8 du décret du 28 novembre 1983).

    Mais a priori, ce principe vaut également à l’égard de l’ensemble des décisions subséquentes à la péremption du permis de construire, à commencer par celle par laquelle l’administration la constate puisque si une telle décision n’est pas requise pour que la caducité du permis de construire soit acquise (CE. 16 avril 1975, Cne de Louveciennes, Rec., p.240), il s’agit néanmoins d’une décision faisant grief laquelle est, par voie de conséquence, attaquable (CE. 5 décembre 1984, SCI Pavoi, req. n°37.168).

    Il reste qu’à s’en tenir aux décisions de certains tribunaux administratifs, cette question a moins d’importance à cet égard puisqu’il a pu être jugé que l’acte par lequel l’administration se borne à constater la péremption d’un permis de construire n’est pas assujetti à l’obligation de motivation résultant de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et, par voie de conséquence, n’a pas à être précédé d’une procédure administrative contradictoire (pour exemple : TA. Grenoble, 13 octobre 1999, Sté Arc-en-Ciel Promotion, req. n°97-04061).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés