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La hauteur des constructions projetées s’apprécie à partir du niveau du sol existant avant tous travaux d'exhaussement ou d'excavation exécutés en vue de la réalisation du projet faisant l'objet d'une demande de permis de construire

Une dossier de demande ne présentant pas le niveau du sol à la date du dépôt de la demande mais le figurant de façon surélevée affecte le permis de construire non seulement d’illégalité mais, le cas échéant, de fraude.

CAA. Bordeaux, 27 novembre 2007, M. Michel Y., req. n°05BX01143


Voici un arrêt à la solution assez classique mais qui permet de revenir sur la méthode d’appréciation de la hauteur d’une construction au regard de l’article 10 d’un règlement local d’urbanisme ainsi que, plus spécifiquement, sur la prise en compte des travaux d’exhaussement ou d’affouillement du sol préalables à la réalisation d'un projet immobilier et sur le statut de ces travaux.

Dans cette affaire un permis de construire avait été délivré en vue de l’édification d’une maison, lequel devait, toutefois, faire l’objet d’un recours en annulation fondé, notamment, sur la méconnaissance de l’article 10 du règlement de lotissement au sein duquel le terrain à construire était sis.

Plus précisément, le requérant soutenait que ce permis de construire était illégal puisque si, au vu des pièces du dossier produit par le pétitionnaire, la construction projetée respectait les prescriptions de l’article 10 du règlement susvisé, cette apparence de régularité était liée au fait que les plans produits par le pétitionnaire figuraient un niveau du sol erroné et, en l’occurrence, surélevé par rapport à sa côte réelle. Et ce moyen devait donc être retenu par le Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion puis confirmé, en appel, par la Cour bordelaise au motif suivant.

« Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1 NAU 10 du règlement du lotissement autorisé par le maire de la commune de Saint-Paul le 17 décembre 1999, relatif à la hauteur des constructions : « 1) La hauteur des constructions à usage d'habitation est limitée à 4,50 m à l'égout du toit (...) Pour les implantations dans les terrains en pente, un plan parallèle à 4,50 m du terrain naturel devra être observé au niveau des égouts de toits (...) 2) La côte des faîtages ne devra pas dépasser la côte altimétrique 56.00 portée au plan topographique (...) » ; que, pour l'application de ces dispositions, il convient de mesurer la hauteur des constructions projetées à partir du niveau du sol existant avant tous travaux d'exhaussement ou d'excavation exécutés en vue de la réalisation du projet faisant l'objet d'une demande de permis de construire et que le dossier de la demande doit contenir les éléments utiles à cette exacte mesure ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le niveau du sol indiqué sur les plans de coupe joints à la demande de permis de construire ne correspondaient pas au niveau existant à la date du dépôt de cette demande mais était plus élevé de 3,50 m ; qu'en outre, la côte des faîtages portée au plan de coupe excède la côte altimétrique maximale autorisée de 56.00, pour atteindre celle de 59.40 ; que si M. Y soutient que les requérants auraient présenté le niveau le plus bas des décaissements effectués pour les travaux comme étant le niveau naturel du sol, cette allégation n'est pas confirmée par les éléments du dossier ; que la mention inexacte de la hauteur du sol naturel portée sur les plans ne procède pas d'une erreur commise de bonne foi par le pétitionnaire mais d'une manœuvre destinée à fausser l'appréciation de l'administration sur la conformité de la construction projetée à la réglementation d'urbanisme applicable à la zone ; qu'en considérant, tant pour ce motif qu'à raison du dépassement de la côte altimétrique maximale autorisée, que le permis délivré méconnaissait les dispositions de l'article précité du règlement du lotissement, le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion a fait une exacte appréciation des faits de la cause
».


La Cour administrative d’appel de Bordeaux a donc tenu compte non pas de la côte indiquée par les plans produits par le pétitionnaire mais du niveau réelle du terrain pour annuler le permis de construire contesté mais également pour le considérer comme entaché de fraude ; la Cour ayant estimé « la mention inexacte de la hauteur du sol naturel portée sur les plans ne procède pas d'une erreur commise de bonne foi par le pétitionnaire mais d'une manœuvre destinée à fausser l'appréciation de l'administration sur la conformité de la construction projetée à la réglementation d'urbanisme applicable à la zone ».

La règle d’appréciation appliquée par la Cour administrative d’appel de Bordeaux n’est pas nouvelle puisque le Conseil d’Etat a jugé que, par principe et sauf disposition contraire du règlement local d’urbanisme – lequel peut régir la hauteur des constructions après travaux – « le sol naturel est celui qui existe dans son état antérieur aux travaux entrepris pour la réalisation du projet de construction objet du permis » (CE. 26 février 1992, M. Lemée, Rec. p.1377).

Ce principe est, d’ailleurs, appliqué strictement puisqu’il implique également de faire abstraction des travaux d’exhaussement ou d’affouillement réalisé préalablement dès lors qu’ils sont sans rapport avec le projet objet de la demande de permis de construire. C’est ainsi qu’à titre d’exemple, le Conseil d’Etat a jugé que :

« Considérant qu'aux termes de l'article NB 10 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat, "la hauteur des constructions, mesurée en tout point des façades, du sol existant jusqu'au niveau de l'égout du toit, ne pourra excéder 7 mètres" ; que, pour l'application de ces dispositions, il convient de mesurer la hauteur des constructions projetées à partir du niveau du sol existant avant tous travaux d'exhaussement ou d'excavation effectués en vue de la réalisation du projet faisant l'objet d'une demande de permis de construire ;
Considérant que, pour déterminer le niveau du sol à partir duquel la hauteur des constructions devait être mesurée, la cour a estimé qu'il convenait de faire abstraction d'un remaniement du sol naturel effectué "à une date trop récente pour le faire regarder comme incorporé à celui-ci à la date du dépôt de la demande de permis de construire" ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le remaniement en cause résultait de travaux effectués en vue de la réalisation du projet litigieux, la cour a commis une erreur de droit ; que la SCI VISTA AMENA est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué (…) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le niveau du sol indiqué sur les plans de coupe joints à la demande de permis de construire ne correspondait pas au niveau existant à la date du dépôt de cette demande mais était sensiblement plus élevé ; que si la société déclare avoir entendu reconstituer le sol naturel tel qu'il existait avant la réalisation, par un ancien propriétaire du terrain, de travaux liés à l'aménagement d'une piste, ce niveau antérieur du sol ne pouvait être pris en considération pour l'application des règles de hauteur prévues par le plan d'occupation des sols, lesquelles ont été en l'espèce méconnues » (CE. 27 octobre 2000, SCI Vista Amena, req. n°195.651).


Dans cette affaire, la haute Cour a donc, en substance, « privilégié le sol existant à la date de la demande du permis sans tenir compte des travaux réalisés trois ans auparavant et sans lien avec le projet de construction » (J-C. Bonichot, BJDU, n°5/000, pp. 343-344). De même, dans une affaire à bien des égards transposable à celle objet de l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat a plus récemment jugé que :

« Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme : Le dossier joint à la demande de permis de construire comporte : (...) 4° Une ou des vues en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au terrain naturel à la date du dépôt de la demande de permis de construire ; qu'aux termes de l'article UF10 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Nice : La hauteur des constructions est mesurée jusqu'à l'égout des toits ou de la terrasse de couverture à partir du terrain naturel (...). Cette hauteur ne doit pas excéder 7 mètres ; que, pour l'application de ces dispositions, il convient de mesurer la hauteur des constructions projetées à partir du niveau du sol existant avant tous travaux d'exhaussement ou d'excavation exécutés en vue de la réalisation du projet faisant l'objet d'une demande de permis de construire et que le dossier de la demande doit contenir les éléments utiles à cette exacte mesure ;
Considérant que, pour déterminer le niveau du sol à partir duquel la hauteur de la construction projetée par M. et Mme X devait être mesurée, la cour administrative d'appel de Marseille a estimé qu'il convenait de faire abstraction d'importants mouvements de remblai (...) réalisés trop peu de temps avant le dépôt de la demande de permis de construire pour pouvoir être regardés comme constituant le terrain naturel au sens des dispositions de l'article R. 421-1 précité ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les travaux de remblaiement en cause avaient été exécutés en vue de la réalisation du projet litigieux, la cour a commis une erreur de droit ; que M. et Mme X sont fondés à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué ;
(…)
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le niveau du sol indiqué sur les plans de coupe joints à la demande de permis de construire ne correspondait pas au niveau naturel existant à la date du dépôt de cette demande mais était sensiblement plus élevé ; que cette surélévation résultait d'importants travaux de remblaiement réalisés avant la demande de permis de construire ; que cette surélévation, dont la hauteur ne varie que très faiblement, ne saurait avoir eu pour objet de corriger une pente excessive ni d'aplanir un terrain par trop irrégulier ; que M. et Mme X, qui se contentent d'affirmer qu'il n'est pas établi que ces travaux ont été réalisés par eux, ne soutiennent pas que ces travaux auraient été réalisés avant qu'ils acquièrent le terrain et n'énoncent aucun autre motif vraisemblable qui aurait pu conduire aux travaux dont il s'agit ; qu'il suit de là que ces travaux doivent être regardés comme ayant eu pour objet de permettre de construire à une hauteur supérieure à la hauteur maximale normalement autorisée ; qu'en mentionnant uniquement sur les plans de coupe le niveau ainsi surélevé sans assortir cette mention d'aucune explication, M. et Mme X se sont livrés à une manoeuvre de nature à fausser l'appréciation de l'administration ; qu'ainsi, alors même que le plan de lotissement dont M. et Mme X soutiennent qu'il était joint à leur demande faisait apparaître un niveau de sol différent, le permis a été obtenu par fraude et pouvait légalement être retiré même après l'expiration du délai de recours contentieux » (CE. 9 juin 2004, M. Ribas, req. n°248.042).


En résumé, des travaux d’exhaussement ne peuvent être pris en compte que pour autant qu’il aient pour effet de reconstituer le niveau du sol tel qu’il était avant la réalisation de travaux d’excavation liés à la réalisation du projet objet de la demande de permis de construire ou lorsqu’il sont antérieurs et étrangers à la réalisation de ce projet. Dans les autres cas, la hauteur doit donc être appréciée par rapport au niveau du terrain naturel avant ces travaux.

Mais au delà des considérations liées à la hauteur de la construction projetée, la Cour administrative d’appel de Nantes a récemment donné à ces travaux d’exhaussement préalables à la demande de permis de construire mais liés, au projet objet de celle-ci, un statut particulier en leur appliquant le principe issue de la jurisprudence dite « Thalamy » et ce, en jugeant :

« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal dressé le 14 septembre 2001 par un agent assermenté de l'administration, qu'un exhaussement de plus de trois mètres de hauteur avait été réalisé sur le terrain d'assiette du projet sans qu'ait été délivrée l'autorisation requise par l'article R. 442-2 du code de l'urbanisme ; que l'EARL a précisé dans ses observations en défense, que l'exhaussement en cause avait eu pour objet de préparer le terrain en vue de la serre projetée ;
Considérant que le caractère indissociable des travaux d'exhaussement du sol et du projet de construction de la serre objet de la demande de permis de construire, nécessitait que l'EARL Collet présentât une demande portant, non seulement sur la construction de la serre, mais également, sur la régularisation de l'exhaussement litigieux ; que la circonstance qu'un permis de construire une chaufferie ait été délivré le 26 octobre 2000 sur la base d'un plan de masse faisant état d'extensions futures n'a pu valoir autorisation de réaliser cet exhaussement ; qu'ainsi le maire, qui ne pouvait légalement accorder un permis portant uniquement sur un élément de construction nouveau prenant appui sur une partie de l'ouvrage construit sans autorisation, se trouvait dans une situation de compétence liée et était tenu de refuser le permis sollicité » (CAA. Nantes, 20 février 2007, Cne de Noyal-Châtillon-sur-Seiche, req. n°06NT00566).


En première analyse, une telle solution peut surprendre dans la mesure où des travaux d’exhaussement ne tendent pas, pris isolément, à l’édification d’une construction et n’impliquent donc pas l’obtention d’un permis de construire mais exigent, lorsqu’ils ne sont pas dispensés de toute formalité et selon leur localisation, un permis d’aménager ou une déclaration d’aménagement (art. R.421-19, R.421-20 et R.421-23 ; C.urb), lesquels se substituent à cet égard à l’ancienne une autorisation « ITD » qui s’imposait lorsqu’ils ces travaux étaient projetés dans un des secteurs visés par l’ancien article R.442-1 du Code de l’urbanisme et répondaient aux conditions posées par son ancien article R.442-2, c’est-à-dire aient une hauteur de plus de deux mètres et une superficie de plus de 100 mètres carrés..

Il reste que, comme on le sait, l’ancien article L.421-3, al.1 du Code de l’urbanisme – reprise par le nouvel article L.421-6 – implique que la demande de permis de construire portent sur l’ensemble des travaux et éléments indissociables du projet, y compris sur ceux qui pris isolément ne relèveraient pas du champ d’application de cette autorisation ; ce qui impose, notamment, que ces plans figurent un éventuel remblaiement du terrain (CE. 6 avril 1990, Association du diocésaine de Saint-Anne, req. n°94.152) ou, à tout le moins, les induisent (CE. 18 janvier 1980, Boussard, req. n° 12651).

Or, c’est précisément à ce titre que le Conseil d’Etat a donc juger que lorsque des travaux d’exhaussement apparaissant indissociables d’un projet de construction ont été réalisés peu de temps avant le dépôt de la demande de permis de construire, il ne peut être tenu compte de la modification subséquente du niveau terrain à construire pour apprécier la hauteur de la construction projetée, laquelle doit être établie en considération du niveau du sol dans son état antérieur audits travaux (CE. 27 octobre 2000, SCI Vista Amena, req. n°195.651 &: CE. 9 juin 2004, M. Ribas, req. n°248.042 ; précités).

C’est donc bien que lorsqu’ils sont nécessaires au projet de construction en cause, les travaux d’exhaussement doivent, quelle que soient leur importance, être intégrés à la demande de permis de construire, lequel vaudra, sur ce point, permis d’aménager ou déclaration d’aménagement et ce, à l’instar de l’ancien article R.442-3 du Code de l’urbanisme qui prévoyait, notamment, que le permis de construire ou la déclaration de travaux pouvait valoir autorisation « ITD ».

Lorsque tel n’est pas le cas, les travaux d’exhaussement sont donc illégaux et la construction prenant appui sur le terrain ainsi constitué ne peut être autorisée sans qu’aient été précédemment ou soient concomitamment régularisés ces derniers.

Mais il s’ensuit également que dépourvus d’existence légale, ces travaux d’exhaussement ne sauraient, en toute hypothèse, être pris en compte pour apprécier la hauteur de la construction objet de la demande ultérieure de permis de construire et, par ailleurs, que le fait pour le pétitionnaire de cacher l’origine de cet exhaussement ne peut être interprété que comme une manœuvre frauduleuse destinée à fausser l’appréciation de l’administration sur la conformité du projet.


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

Commentaires

  • Questions :
    J'ai construit un garage, (avec demande de permis préalable), à côté d'un mur de clôture mitoyen. La construction conformément au permis, ne devait pas excéder 3m50 en faîtière et 2M70 sur la partie basse de la pente du toit. Je précise que, étant dans un lotissement, les 3m50 était la hauteur maximale autorisée. 0r je dépasse de 20 à 25 cm. Existe t-il une marge de tolérance par rapport à ce dépassement? Mes voisins ont évidemment manifesté un mécontentement certain, leur maison étant à environ 4m50 de mon garage. Quels sont les risques si ces voisins vont plus moins dans leur démarche?
    La hauteur de la construction se définit à partir de quel endroit précisément du sol naturel? Mon terrain est en effet très légèrement en pente descendante sur 2 plans : de la droite vers la gauche, et de l'avant vers l'arrière.
    Merci par avance si une réponse peut m'être apportée.
    C. CAILLIOT

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