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VEILLE ADMINISTRATIVE : SUR LE NOUVEAU DELAI DE RETRAIT DES AUTORISATIONS D’URBANISME

Réponse n°7544 - Réponse publiée au JO le : 27/11/2007 page : 7495

Texte de la question :

« Mme Marie-Jo Zimmermann attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, sur le cas d'une demande de permis de construire qui n'a pas été rejetée dans le délai de deux mois. Dans cette hypothèse, le permis de construire est accordé tacitement. Elle souhaiterait savoir si dans le délai de deux mois suivant l'octroi tacite du permis de construire l'administration peut prendre une décision retirant ledit permis au motif qu'il est toujours possible pour l'administration de changer d'avis dans le délai de deux mois ».

Texte de la réponse :

« Aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, en vigueur à compter du 1er octobre 2007, le permis de construire tacite ne peut être retiré que s'il est illégal et dans les trois mois suivant la date à laquelle il est intervenu. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire. Pour les permis tacites soumis au régime antérieur au 1er octobre 2007, le retrait est également possible dans les conditions prévues par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 sur les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Cet article autorise le retrait des permis tacites illégaux pendant le délai de recours contentieux si des mesures d'information des tiers ont été mises en oeuvre, ou pendant deux mois à compter de la date du permis en l'absence de mesures d'information des tiers. Il autorise également le retrait pendant la durée de l'instance si un recours contentieux a été formé contre le permis. Que le permis soit soumis au régime antérieur ou postérieur au 1er octobre 2007, l'autorité compétente devra mettre en oeuvre la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 précitée et qui permet au titulaire du permis de présenter ses observations préalablement au retrait ».


On relèvera que la réponse évite subtilement (« en vigueur à compter du 1er octobre 2007 » & « pour les permis tacites soumis au régime antérieur au 1er octobre 2007 »…) de trancher la principale question posée par le nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme : s’applique-t-il également, à compter du 1er octobre 2007, aux permis délivrés avant cette date ?

Tel nous semble, toutefois, pouvoir être le cas, pour les permis de construire et les permis de démolir, faute de disposition transitoire prévue par l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme.

On précisera, en effet, que l’article 4 du décret n°2007-817 du 11 mai 2007 en ce qu’il dispose que « les demandes de permis de construire et d'autorisations prévues par le code de l'urbanisme déposées avant le 1er octobre 2007 demeurent soumises aux règles de compétence, de forme et de procédure en vigueur à la date de leur dépôt » ne régit que le « traitement » des demandes et n’a donc pas vocation à organiser le sort des décisions subséquentes et, notamment, leur retrait.

Or, à titre d’exemple, sous l’empire de l’ancien article L.421-2-8 du Code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il disposait que « les demandes de permis de construire sur lesquelles il n'a pas été statué à la date du transfert de compétences continuent d'être instruites et font l'objet de décisions dans les conditions prévues par les dispositions en vigueur au moment de leur dépôt », il a néanmoins été jugé qu’en conséquence de l’intervention d’un transfert de compétences pour la délivrance des autorisations d’urbanisme intervenu entre ces deux décisions, un maire était compétent pour retirer au nom de la commune un permis de construire précédemment délivré par le préfet au nom de l’Etat (CE. 7 octobre 1994, Joly, req. n°90344).

Mais surtout, le nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme conditionne non pas la légalité des autorisations d’urbanisme qu’il vise mais régit uniquement la légalité des décisions de retrait de ces dernières pour ce qui concerne le délai dans lequel elles interviennent.

Or, par principe, la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération des normes applicables à sa date d’édiction et il en va évidemment ainsi des décisions prononçant le retrait d’une autorisation d’urbanisme dont, par voie de conséquence, la légalité s’apprécie au regard des règles en vigueur à la date du retrait et non pas au regard de celles applicables à la date de délivrance de l’autorisation retirée. A titre d’exemple, il a ainsi été jugé que :

« Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 23 de la loi susvisée du 12 avril 2000 : Une décision implicite d'acceptation peut être retirée pour illégalité par l'autorité administrative : A. Pendant le délai du recours contentieux, lorsque des mesures d'information des tiers ont été mises en oeuvre ; 2. - Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision lorsque aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre ; 3. - Pendant la durée de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé ;
Considérant qu'à la date à laquelle est intervenue la décision de retrait attaquée, la décision implicite d'acceptation du 30 avril 2002 faisait l'objet d'un recours pendant devant le Tribunal administratif de Melun introduit par l'association seine-et-marnaise de sauvegarde de la nature (A.S.M.S.N.) ; que, contrairement aux allégations de la SOCIETE LES REMBLAIS PAYSAGERS, ce recours n'était pas tardif dès lors que la requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe que les formalités d'affichage de la décision susmentionnée auraient été effectuées ; que, par suite, le maire de Carnetin pouvait
, conformément aux dispositions précitées de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000, procéder au retrait de l'acte attaqué » (CAA. Paris, 2 octobre 2006, Sté Les Remblayes Paysagers, req. n°05PA03683).


Ce principe est constant puisqu’il a pu être jugé que la procédure administrative contradictoire instituée par l’article 24 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 s’appliquait à toute décision défavorable prise à compter de son entrée en vigueur, y compris à celle retirant une décision créatrice de droit formée avant cette échéance (pour exemple : CE. 3 décembre 2001, Mme Errify, req. n°230.847) ou, bien plus, qu’en conséquence de l’intervention d’un transfert de compétences pour la délivrance des autorisations d’urbanisme intervenu entre ces deux décisions, un maire était compétent pour retirer au nom de la commune un permis de construire précédemment délivré par le préfet au nom de l’Etat (CE. 7 octobre 1994, Joly, req. n°90344).

D’ailleurs, les délais de retrait des décisions implicites d’acceptation antérieurement issues de la jurisprudence dite « Dame Cachet » (CE. 3 novembre 1922, Dme Cachet, req. n°74010) ont été substantiellement modifiées par l’article 23 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 dont on précisera qu’elle est entrée en vigueur le 1er novembre de la même année. Or, pour application de ce nouveau dispositif, il a pu être jugé :

« Considérant que, pour annuler la décision en litige, les premiers juges se sont fondés sur le caractère tardif du retrait ainsi opéré en estimant que le maire n'avait pu légalement y procéder, de sa propre initiative, après l'expiration d'un délai de deux mois suivant la naissance de la décision tacite de non opposition ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision de retrait, intervenue avant l'entrée en vigueur de l'article 23 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 susvisée, et alors même qu'elle a été prise de la propre initiative de l'autorité administrative, pouvait légalement intervenir dans le délai de recours contentieux ouvert à l'encontre de la décision tacite ; (CAA. Marseille, 16 mars 2006, Ministre de l’équipement, req. n°03MA00934) ;

et :

« Considérant qu'il est constant que la lettre de notification du délai d'instruction en date du 27 mars 2000 n'avait fait l'objet d'aucun affichage ; qu'à la date de la décision de retrait du permis tacite, les dispositions de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 n'étaient pas, en tout état de cause, entrées en vigueur ; que, dans ces conditions, le maire de la COMMUNE DE SAINT-ANDRE-LEZ-LILLE n'a pas porté atteinte à des droits définitivement acquis au bénéfice de la SA X Matériaux en prononçant, le 28 septembre 2000, le retrait du permis de construire délivré implicitement le 17 juin 2000 » (CAA. Douai, 28 avril 2005, Cne de Saint-Andre-les-Lille, req. n°03DA01136).

Dans ces deux affaires, le juge administratif a donc apprécié la légalité de la décision de retrait en recherchant les règles applicables à leur date d’édiction et ce, indépendamment de toute considération liée à la date de délivrance de l’autorisation retirée.

Suivant ce principe, le dispositif issu du nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme aurait donc vocation à conditionner la légalité des décisions de retrait prononcée à compter du 1er octobre 2007, y compris donc pour ce qui concerne celles portant sur des autorisations délivrées avant cette date ; étant précisé qu’une telle interprétation n’a nullement vocation à conférer à ce dispositif une portée rétroactive puisque ce dernier régit la légalité des seules décisions de retrait et qu’elle n’aboutit pas à l’appliquer aux décisions de retrait prononcées avant le 1er octobre 2007.

Selon nous, la seule réserve pourrait tenir à ce que l’article précité vise des autorisations, tel le permis d’aménager, n’ayant vocation à intégrer l’ordonnancement juridique qu’en conséquence de demandes présentées à compter du 1er octobre 2007.

Il reste que si c’est cette considération qui devait conduire l’application dans le temps du nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme, force serait alors d’admettre que son dispositif aurait vocation à s’appliquer non pas seulement aux autorisations d’urbanisme délivrées après le 1er octobre 2007 mais, plus généralement, aux seules autorisations délivrées en conséquence d’une demande présentée après cette échéance.

Mais au regard des principes gouvernant la légalité d’une décision administrative et, notamment, de cette portant retrait d’une autorisation d’urbanisme, tel ne nous semble pas devoir être le cas.

Il n’en demeure pas mois qu’en toute hypothèse, on est ici encore forcer de constater l’imperfection du dispositif organisant la réforme des autorisations d’urbanisme. Mais l’expérience prouve qu’il ne faut pas désespérer puisque les rédacteurs du décret du 5 janvier 2007 avaient mis à peine plus de quatre mois pour s’apercevoir que ce dispositif ne comportait aucune mesure transitoire pour les demandes présentées avant le 1er octobre 2007 mais ayant vocation à aboutir après cette échéance ; ce qui fut donc réparé par l’article 4 du décret du 11 mai 2007...


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

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