Une simple procédure de modification autorise-t-elle l'autorité administrative compétente à surseoir à statuer sur une demande d'autorisation de travaux ?
CE. 28 janvier 2021, req. n°433.619 :
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CE. 28 janvier 2021, req. n°433.619 :
L'article L.600-2 du Code de l'urbanisme en ce qu'il vise "les dispositions d'urbanisme" en vigueur à la date de la demande initiale ne concerne pas, dans le cas d'une demande de "modificatif", le permis de construire initial. Partant, dès lors que l'article R.424-19 du Code de l'urbanisme ne vise que les recours à l'encontre des autorisations, l'instance à l'encontre du refus de "modificatif", ne suspend pas le délai de validité du permis d'origine. In fine, la caducité du permis d'origine semblera pouvoir donc être opposée à la demande de "modificatif" pour exiger la présentation d'une nouvelle demande de permis de construire à laquelle le disposition alors en vigueur seront opposables...
Le sursis à statuer sur une demande de permis de construire dans un lotissement (sans travaux) ne saurait être légalement fondé sur une procédure de PLU qui n’était pas encore suffisamment avancée pour ce faire à la date de délivrance de l’autorisation de lotissement dès lors qu’un délai de cinq ans à compter de la déclaration d’achèvement prévue par l’article R.462-1 du Code de l’urbanisme n’est pas alors expiré.
CAA. Nantes, 30 avril 2014, M.A & Mme E, req. n°12NT02273
Dans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu le 18 mars 2010 un permis de construire tacite, lequel devait toutefois être retiré, le 17 mai suivant, par un arrêté opposant à sa demande initiale une décision de sursis à statuer puisqu’un tel retrait a pour effet quelque peu théorique de ressaisir l’autorité instructrice de la demande initiale sans même que le pétitionnaire ne confirme sa demande puisque cette exigence formulée par l’article L.600-2 du Code de l’urbanisme, qui ne vise d’ailleurs pas le retrait des permis mais uniquement l’annulation des refus, ne vaut que pour bénéficier non pas du droit à « réinstruction » mais de la cristallisation des normes en vigueur à la date de la premier refus.
Il reste que c’est d’un autre dispositif de cristallisation qui était principalement en cause dans cette affaire puisque la demande de permis de construire avait été présentée sur l’un des deux lots d’un lotissement précédemment autorisé, en l’occurrence le 24 avril 2008.
I.- De ce fait, outre la légalité de la décision contestée en ce qu’elle valait retrait du permis de construire tacite précédemment obtenu, le pétitionnaire devait contester la légalité de du sursis à statuer par ailleurs opposé à sa demande initiale sur le fondement de l’article L.442-14 du Code de l’urbanisme qui, dans sa rédaction applicable dans cette affaire (c’est ici important, nous y reviendrons) disposait que : « dans les cinq ans suivant l'achèvement d'un lotissement, constaté dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à l'autorisation du lotissement ». Et c’est précisément à ce titre que la Cour administrative d’appel de Nantes devait donc annuler cette décision de sursis à statuer en jugeant tout que :
« 12. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'urbanisme : " Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus par les articles (...) L. 123-6 (dernier alinéa) (...) du présent code (...) " ; que le dernier alinéa de l'article L. 123-6 du même code prévoit que : " A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan. " ; que l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Dans les cinq ans suivant l'achèvement d'un lotissement, constaté dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à l'autorisation du lotissement" ; 13. Considérant qu'il résulte du rapprochement de ces dispositions que, si l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme ne fait pas obstacle, par lui-même, à ce que la demande de permis de construire déposée dans les 5 ans suivant l'achèvement d'un lotissement fasse l'objet du sursis à statuer prévu par l'article L. 111-7 du même code, le prononcé de ce sursis ne peut être fondé, dans une telle hypothèse, sur la circonstance que la réalisation du projet de construction litigieux serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreux l'équilibre d'un plan local d'urbanisme en cours d'élaboration, dès lors que cette circonstance, postérieure à la date d'autorisation du lotissement, qui repose sur l'anticipation de l'effet que les règles futures du plan local d'urbanisme auront sur l'autorisation demandée, ou celle-ci sur leur mise en œuvre, ne pourrait motiver un refus ou l'édiction de prescriptions spéciales portant sur le permis demandé sans méconnaître les dispositions de l'article L. 442-14 ».
Ce faisant, la Cour a donc en amont jugé que les dispositions de l’article L.442-14 précitées ne faisait donc pas par elle-même obstacle en toute hypothèse à ce qu’une demande de permis de construire présentée dans le délai de cinq ans institué par cet article fasse l’objet d’une décision de sursis à statuer.
Cette analyse est difficilement contestable puisque si ce dispositif vise à garantir le lotisseur et ses acquéreurs en leur permettant, en substance, d’obtenir un permis de construire en l’état des normes en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation de lotir, il ne saurait avoir pour objet de les « surprotéger » par rapport au droit opposable aux tiers sollicitant un permis de construire à la même époque mais en dehors du périmètre de ce lotissement.
Il reste qu’a contrario, considérer que l’article L.442-14 du Code de l’urbanisme n’aurait aucune incidence sur le régime du sursis à statuer n’irait certes pas à l’encontre de la lettre de cet article qui vise les « dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement », et non pas celles en cours d’élaboration, mais serait totalement contraire de sa finalité puisque le lotisseur et ses acquéreurs seraient donc protégés contre les dispositions approuvées postérieurement à la date de délivrance de l’autorisation de lotissement mais non pas donc contre les normes seulement en cours d’élaboration.
Au demeurant, une telle analyse ne serait pas toujours utile à moyen terme puisque si une décision de sursis à statuer préjuge le plus souvent d’un futur refus de permis de construire motivé par l’adoption des normes nouvelles seulement en cours d’élaboration au moment du sursis, il n’en demeure pas moins que ce refus constitue une décision distincte de celle ayant opposé un sursis à statuer.
Or, si la garantie instituée par l’article L.442-14 précité vaut dès la délivrance de l’autorisation de lotissement le délai de cinq ans qu’il fixait, dans sa rédaction applicable en l’espèce, courrait à compter du constat de l’achèvement du lotissement alors que la durée cumulée maximale d’un sursis à statuer n’est « que » de trois ans ; l’autorité compétente devant statuer sur la demande initiale dans les deux mois de la confirmation de celle-ci par le pétitionnaire.
De ce fait, ce délai global de 38 mois peut donc arriver à échéance alors que celui de cinq ans prévu par l’article L.442-14 n’est pas encore expiré.
Ainsi, quand bien même les normes en cours d’élaboration à la date du sursis à statuer ont-elles entre temps été approuvées, il s’agit alors de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à l’autorisation de lotissement, ne pouvant donc légalement pas fonder un refus de permis de construire au regard de cet article.
Tel n’aurait cependant pas été nécessairement le cas en l’espèce puisque selon la Cour ce délai de cinq ans expirait au 16 juin 2013 alors que la Ville s’était retrouvait saisie de la demande initiale à la date de la décision contestée, soit le 17 mai 2010.
Sous réserve des conditions liées aux alinéas 2 et 3 de l’article L.111-8 du Code de l’urbanisme, la commune aurait donc pu proroger le sursis à statuer jusqu’au 17 mai 2013, de sorte qu’alors même que le pétitionnaire aurait-il immédiatement confirmé sa demande, le délai de deux mois ouvert à la Ville pour statuer définitivement sur celle-ci aurait expiré au plus tôt le 17 juillet 2013, soit après l’expiration du délai de cinq ans applicable en l’espèce au titre de L.442-14. Ce dernier ne se serait donc plus opposer en lui-même à un refus de permis de construire dont la légalité s’apprécie, comme en toute autre matière, à sa date d’édiction….
Quant à l’application au cas d’espèce, de ce considérant de principe n°13 et selon lequel notamment « le prononcé de ce sursis ne peut être fondé, dans une telle hypothèse, sur la circonstance que la réalisation du projet de construction litigieux serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreux l'équilibre d'un plan local d'urbanisme en cours d'élaboration, dès lors que cette circonstance, postérieure à la date d'autorisation du lotissement, qui repose sur l'anticipation de l'effet que les règles futures du plan local d'urbanisme auront sur l'autorisation demandée, ou celle-ci sur leur mise en œuvre, ne pourrait motiver un refus ou l'édiction de prescriptions spéciales portant sur le permis demandé sans méconnaître les dispositions de l'article L. 442-14 », la Cour a donc jugé que : « 15. Considérant (…) que, dans ces conditions, le maire de la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel ne pouvait légalement se fonder sur les futures dispositions du plan local d'urbanisme, alors même que son élaboration avait été décidée par une délibération du conseil municipal avant la date de l'autorisation de lotir, pour surseoir à statuer par son arrêté du 17 mai 2010 sur la demande de permis de construire présentée par M. A... et Mme E... ».
En effet, la légalité d’un sursis à statuer implique non seulement qu’une procédure de PLU soit alors en cours d’élaboration mais également que celle-ci soit en substance suffisamment avancée dans ces orientations aux fins de pouvoir apprécier si le projet objet de la demande est ou non de nature à compromettre l’exécution du futur et/ou à la rendre plus onéreuse.
Le seul fait qu’une procédure de PLU soit en cours d’élaboration à la date de délivrance de l’autorisation de lotissement ne saurait donc suffire.
Il faut encore qu’à cette même date, et non pas donc à celle de la décision de sursis à statuer sur la demande de permis de construire, cette procédure soit suffisant avancée ; toute avancée ultérieure susceptible de fonder un sursis à statuer devant donc être considérée comme une « dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement » au sens de l’article L.442-14 du Code de l’urbanisme.
II.- Mais venant en maintenant aux modalités de calcul du délai de cinq ans prévu par l’article précité tel qu’elles ont été retenues en l’espèce par la Cour administrative d’appel au sujet d’un lotissement déclaratif – et donc sans travaux - pour l’application d’un article disposant alors, rappelons-le « dans les cinq ans suivant l'achèvement d'un lotissement, constaté dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à l'autorisation du lotissement » puisqu’à cet égard la Cour a donc jugé que :
« 14. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 462-1 du même code : " La déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux est signée par le bénéficiaire (...) de la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou par l'architecte ou l'agréé en architecture, dans le cas où ils ont dirigé les travaux. Elle est adressée par pli recommandé avec demande d'avis de réception postal au maire de la commune ou déposée contre décharge à la mairie. " ; qu'aux termes de l'article R. 462-6 du même code : " A compter de la date de réception en mairie de la déclaration d'achèvement, l'autorité compétente dispose d'un délai de trois mois pour contester la conformité des travaux au permis ou à la déclaration " ; qu'aux termes de l'article R. 462-10 de ce code : " Lorsque aucune décision n'est intervenue dans le délai prévu à l'article R. 462-6, une attestation certifiant que la conformité des travaux avec le permis ou la déclaration n'a pas été contestée est délivrée sous quinzaine, par l'autorité compétente, au bénéficiaire du permis ou à ses ayants droit, sur simple requête de ceux-ci " ; 15. Considérant qu'il ressort des plans cadastraux et de l'acte notarié d'acquisition du terrain d'implantation du projet de construction que les parcelles cadastrées section ZD nos 86, 90, 91 et 92 sont issues de la division des parcelles cadastrées ZD nos 17, 20, 21, 22, 23 et 25, réalisée en vue de la création d'un lotissement de 2 lots à bâtir, ayant fait l'objet d'une déclaration préalable enregistrée en mairie de Saint-Denis-de-l'Hôtel le 3 avril 2008 ; que, par un arrêté du 24 avril 2008, le maire de cette commune a décidé de ne pas faire opposition à cette déclaration préalable ; que le certificat d'achèvement de ce lotissement a été réceptionné par la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel le 16 juin 2008, faisant échec à la péremption de l'autorisation de division de terrain sans travaux, prévue par l'article R. 424-18 du code de l'urbanisme ; qu'il en résulte que la réglementation d'urbanisme applicable au permis de construire sollicité par M. A... et Mme E... était, à compter de la date d'autorisation du lotissement et jusqu'à l'expiration du délai de cinq ans suivant son achèvement, soit jusqu'au 16 juin 2013, celle en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation de lotir ; qu'à cet égard, la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel ne peut utilement se prévaloir du rapport du groupement de recherche sur les institutions et le droit de l'aménagement, de l'urbanisme et de l'habitat dès lors qu'il n'a aucune valeur réglementaire ; que, dans ces conditions, le maire de la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel ne pouvait légalement se fonder sur les futures dispositions du plan local d'urbanisme, alors même que son élaboration avait été décidée par une délibération du conseil municipal avant la date de l'autorisation de lotir, pour surseoir à statuer par son arrêté du 17 mai 2010 sur la demande de permis de construire présentée par M. A... et Mme E... ».
La Cour a donc considéré que la notion de « l'achèvement d'un lotissement, constaté dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat » devait ou à tout le moins pouvait en l’espèce s’entendre de la date de réception de la déclaration d’achèvement d’un lotissement sans travaux alors qu’à suivre la lettre des articles R.462-1 et suivants pourtant cités par la Cour, cette déclaration et les opérations de récolement qu’elle peut appeler ne porteraient que sur « les travaux » et ce, alors que par ailleurs il a été jugé que le certificat d’achèvement visé par l’article R.442-18 du Code de l’urbanisme (dans sa rédaction antérieure au 1er mars 2012, et qui ne visait donc encore expressément les seuls lotissements relevant d’un permis d’aménager) n’était pas requis (CAA. Lyon, 9 juillet 2013, M.C…E…, req. n°12LY03219), et n’avait donc pas être produit au dossier de demande de permis de construire en application de l’article R.431-22 du Code de l’urbanisme, dans le cas d’un lotissement sans travaux (CAA. Versailles, 10 avril 2014, SCI Valérie, req. n°13VE01380).
A ce stade, il ne faut toutefois pas nécessairement en déduire que même dans le cas d’un lotissement sans travaux la formulation de cette déclaration est obligatoire, notamment pour bénéficier de l’article L.442-14 du Code de l’urbanisme, puisque cette déclaration ayant été formulée dans cette affaire, la question posée à la Cour n’était donc pas de déterminer ce qu’il en aurait été si tel n’avait pas été le cas.
Or, dans la mesure où cette déclaration avait été effectivement faite et où elle n’avait pas été contestée par la Ville qui, même en tant que défenderesse, ne remettait pas en cause la réalité de cet achèvement, le Cour pouvait en toute hypothèse, et quand bien même serait-elle superfétatoire, la prendre en compte en tant qu’indice et, en l’absence de toute contestation, en tant que critère de détermination de la date à retenir pour l’application de l’article L.442-14.
D’ailleurs, il faut rappeler qu’au regard de l’article L.442-14, l’achèvement n’est pas conçu comme le moment à partir duquel la cristallisation des règles d’urbanisme s’applique mais comme le fait susceptible de déclencher le délai jusqu’à l’expiration duquel cette cristallisation s’applique ou, a contrario, le délai dont l’expiration permet d’opposer les « dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à l'autorisation du lotissement ».
Le Conseil d’Etat a en effet jugé qu’il résulte de ces dispositions « que le bénéficiaire d'une autorisation de lotir se trouve titulaire, dès la délivrance de cette autorisation d'une garantie de stabilité des règles d'urbanisme en vigueur à la date de la délivrance de cette autorisation » (CE. 29 juin 2001, SA Blanc, req. n°210.217). Et pour cause puisque, même dans le cas d’un lotissement sans travaux, cette règle a également vocation à bénéficier aux acquéreurs des lots à construire qui, lorsque le lotisseur a obtenu l’autorisation de commercialisation anticipée prévue par l’actuel article R.442-13 du Code de l’urbanisme sur justification d’une « GFA », peuvent acquérir leur lot et y obtenir un permis de construire avant même que les travaux du lotissement ne soient achevés.
L’achèvement et son constat ne sauraient donc être une condition d’application d’une garantie effective dès la délivrance de l’autorisation de lotissement. Il reste qu’avant cela, la Cour a souligné que « le certificat d'achèvement de ce lotissement a été réceptionné par la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel le 16 juin 2008, faisant échec à la péremption de l'autorisation de division de terrain sans travaux, prévue par l'article R. 424-18 du code de l'urbanisme ».
Or, s’il est clair que la garantie instituée par l’article L.442-14 du Code de l’urbanisme ne saurait perdurée dans le cas d’une autorisation de lotissement caduque au regard des articles R.424-17 et suivants du Code de l’urbanisme, la Cour n’a pas jugé que cette déclaration (non contestée) présumait de la non-caducité de l’autorisation de lotissement en cause mais qu’elle « faisait échec à sa préemption ».
Il est vrai que de la même façon qu’il est difficile à l’administration de vérifier que les divisions opérées l’ont été conformément à celles prévues par l’administration, il l’est tout autant pour cette dernière de déterminer si elles ont ou non été effectivement réalisées dans le délai de deux ans visés par l’article R.424-18 du Code de l’urbanisme. On pourrait donc être tenté de considérer de façon disons pragmatique que cette déclaration étant le seul procédé susceptible à l’administration de savoir ce qu’il en est, il incombe au lotisseur de la formuler.
Mais outre qu’une telle conception de l’article R.462-1 du Code de l’urbanisme n’aurait pas de réelle utilité dans la mesure où :
• soit, les divisions foncières autorisées n’ont pas été réalisées dans le délai de deux ans prévu par l’article R.424-18 du Code de l’urbanisme et elles ne sauraient être ultérieurement mises en œuvre, ce que l’administration n’a toutefois pas plus la possibilité de vérifier même lorsqu’elle constate qu’aucune déclaration d’achèvement n’a été formulée par le lotisseur au terme de ce délai ;
• soit, ces divisions ont été réalisées dans ce délai et la circonstance que l’autorisation de lotissement devrait être regardée comme caduque faute de la formulation d’une déclaration d’achèvement n’a en elle-même aucune incidence dès lors que cette caducité n’est pas rétroactive ; il reste que la caducité d’une autorisation résulte du seul écoulement du temps et n’a donc nullement besoin d’être opposée pour produire ses effets.
Partant, le fait que l’administration ne soit pas en mesure de vérifier ce qu’il en est n’a par elle-même aucune incidence sur ce point. En outre, l’engagement comme l’achèvement des opérations au sens notamment des articles R.424-17 et suivants précités sont des notions purement factuelles, si bien que la simple formulation d’une déclaration d’ouverture de chantier ou l’absence de formulation d’une déclaration d’achèvement constituent tout au plus des indices. Et d’ailleurs, aucun des articles susvisés ne fait référence aux articles R.462-1 et suivants du Code de l’urbanisme, à la différence d’ailleurs de l’article R.600-3 du Code de l’urbanisme au sujet duquel il a d’ailleurs pu être jugé qu’il ne s’appliquait pas dans le cas d’une autorisation d’urbanisme ne prévoyant pas de travaux (TA Pau, 21 mai 2013, Mme Gastambide, n° 1101927).
Il nous semble donc difficile de considérer qu’une telle déclaration est nécessaire pour faire échec à la péremption d’une autorisation de lotissement et ce, faisant pour établir sont droit au bénéfice de la garantie prévue l’article L.442-14 du Code de l’urbanisme ou, a contrario, qu’à défaut de pouvoir justifier d’une telle déclaration avant l’expiration du délai opposable en l’espèce au titre de l’article R.424-18, l’autorisation de lotissement doit être considérée comme caduque, caducité privant du bénéfice de cette garantie ; cette question restant posée certes de façon plus marginale aux termes de l’article L.442-14 dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er mars 2012 s’agissant des lotissements certes sans travaux mais projetés dans un secteur sauvegardé ou dans un site classé et, partant, néanmoins soumis à permis d’aménager.
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés
Si aux termes de la loi « Urbanisme et Habitat » du 2 juillet 2003, le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) d’un PLU ne constitue pas un document opposable aux constructeurs, ses orientations peuvent néanmoins justifier une décision de sursis à statuer opposée à une demande de permis de construire sur le fondement de l’article L.123-6 du Code de l’urbanisme.
CE. 1er décembre 2006, Sté GFLBI, req. n°296.543
Aux termes de l’article L.123-6.al.-2 du Code de l’urbanisme et « à compter de la publication de la délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme, l’autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l’article L.111-18, sur les demandes d’autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan ».
Mais si, par principe, les dispositions de l’article L.123-6.al.-2 du Code de l’urbanisme peuvent être opposées à une demande d’autorisation de construire ou d’aménagement dès la publication de l’arrêté prescrivant l’établissement du PLU (CE. 3 février 1975, Cie pour l’équipement, le financement et la construction, Rec., p. 612) jusqu’à la publication du PLU approuvé (CE. 14 novembre 1984, Cicchini, Dr.adm., 1985, n°67), il est, néanmoins, nécessaire que les intentions urbanistiques de la commune à l’égard du terrain pour lequel la demande d’autorisation est présentée aient atteint un degré de précision pour justifier le sursis à exécuter (CE. 17 avril 1993, Cne de Gasny, req. n° 131.867).
En effet, pour que l’autorité compétente puisse régulièrement et concrètement apprécier les effets de la construction en cause sur le futur plan, encore faut-il que ses grandes soient déterminées à la date où elle édicte une telle décision et, plus concrètement, que les futures prescriptions du document d’urbanisme local « aient atteint un état d’avancement suffisant qui permette à l’autorité compétente de se livrer à une comparaison entre le projet de construction et les futures dispositions et de fonder sa décision » (Circulaire n°88-26 du 25 mars 1988, §4.6, BOMET, 10 avril 1988, n°10).
Il résulte de ainsi de la jurisprudence rendue en la matière que l’élaboration de ces prescriptions peut être considérée comme suffisamment avancée et, par voie de conséquence, le sursis à exécution justifié dès lors le rapport de présentation (CE. 21 juin 1985 Sté Parigès, req. n° 33.511), le zonage (CE. 26 mars 1990, Commune de Mesnil-Saint-Pierre, req. n°86.482) et/ou le règlement de zone (CE. 23 octobre 1987, Barnier, Rec., p. 322) ont été établis. À titre d’exemple, le Conseil d’Etat a ainsi considéré, dans un arrêt de synthèse, que :
« Considérant que pour surseoir à statuer sur la demande de permis de construire présentée par Mme Baer en vue de l’édification à Romanswiller de deux immeubles d’habitation, le Préfet du Bas-Rhin s’est fondé sur ce que les constructions projetées étaient situées en zone II NA du POS en préparation de cette commune, réservé à une urbanisation ultérieure ; qu’il ressort des pièces du dossier qu’à la date de la décision de sursis le zonage de ce plan d’occupation des sols, le rapport de présentation de ce document, le règlement applicable à la zone II NA et diverses annexes techniques avaient été établis ; que, dans ces conditions, l’état d’avancement du POS de la commune de Romanswiller était suffisant pour justifier légalement une décision de sursis » (CE. 22 mars 1991, Min. de l’Equip. C/ Mme Baer, req. n° 110.338).
Mais depuis l’entrée en vigueur de la loi du 13 décembre 2000 dite « SRU » et, plus encore, de la loi du 2 juillet 2003 dite « Urbanisme & Habitat », la question se posait de savoir si le seul établissement du PADD et de ses principales orientations pouvaient justifier une décision de sursis à statuer fondée sur l’article L.123-6.al.2 du Code de l’urbanisme. La réponse n’était pas évidente puisque si la loi « SRU » a ajouté au contenu traditionnel des documents d’urbanisme locaux (rapport de présentation, règlement, documents graphiques et annexes) ce nouveau document, celui-ci y occupe, à tous les égards, une place à part.
D’une part, celui-ci a un contenu très général puisqu’aux termes de l’article R.123-3 du Code de l’urbanisme, « le projet d'aménagement et de développement durable définit, dans le respect des objectifs et des principes énoncés aux articles L. 110 et L. 121-1, les orientations d'urbanisme et d'aménagement retenues pour l'ensemble de la commune ».
D’autre part, son établissement doit intervenir bien en amont de la procédure d’élaboration et, en toute hypothèse, deux mois avant l’adoption du projet de PLU à l’occasion de laquelle le contenu des documents composant le PLU est arrêté, dès lors que l’article L.123-9 du Code de l’urbanisme précise que « un débat a lieu au sein du conseil municipal sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement mentionné à l'article L. 123-1, au plus tard deux mois avant l'examen du projet de plan local d'urbanisme ».
Néanmoins, le Tribunal administratif d’Orléans avait pu juger, sous l’empire de l’article R.123-1 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi « SRU », lequel précisait alors expressément que ce document était opposable aux tiers, que le PADD pouvait justifier une décision de sursis à statuer sur une demande de permis de construire (TA. Orléans, 23 mai 2002, Cne de Vierzon, req. n°01-04307).
Mais certains commentateurs avaient estimé que cette jurisprudence était obsolète depuis l’entrée en vigueur de la loi « Urbanisme & Habitat » puisque celle-ci a supprimé l’opposabilité du PADD pour ne laisser ainsi opposables que le rapport de présentation, le règlement et les documents graphiques visés par les articles R.123-11 et R.123-12 du Code de l’urbanisme ; les annexes prescrites par les articles R.123-13 et R.123-14 étant imposées uniquement « à titre informatif ». Il reste que par l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat a donc jugé que :
« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la mise en révision du plan d'occupation des sols en vue de sa transformation en plan local d'urbanisme a été prescrite par une délibération du 27 avril 2004 ; que le conseil municipal de l'Haÿ-les-Roses a débattu le 22 novembre 2005 des orientations du projet d'aménagement et de développement durable et d'orientations particulières d'aménagement pour certains secteurs de la commune ; que le projet d'aménagement et de développement durable prévoit notamment de mettre en valeur l'aqueduc de la Vanne et d' « accompagner le tracé de l'aqueduc par un règlement de zonage favorisant un tissu urbain « vert », type « cité jardin » ;
considérant qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de la loi du 2 juillet 2003, les plans locaux d'urbanisme « comportent un projet d'aménagement et de développement durable qui définit les orientations générales d'aménagement et d'urbanisme retenues pour l'ensemble de la commune / Les plans locaux d'urbanisme comportent un règlement qui fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durable, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols» ; que si le projet d'aménagement et de développement durable n'est pas directement opposable aux demandes d'autorisation de construire, il appartient à l'autorité compétente de prendre en compte les orientations d'un tel projet, dès lors qu'elles traduisent un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme, pour apprécier si une construction serait de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan ; qu'ainsi, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit lorsqu'il a estimé qu'en l'espèce, le moyen tiré de ce que la décision de sursis à statuer méconnaissait l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme n'était pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision de sursis à statuer ; qu'il a pu, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, estimer, sans erreur de droit, que n'étaient pas davantage de nature à faire naître un doute sérieux les moyens tirés de ce que le projet de construction n'était pas, compte tenu de ses caractéristiques, de nature à compromettre l'objectif précité du plan d'aménagement et de développement durable et de ce qu'avaient été méconnues les dispositions de l'article R. 111-26-2 du code de l'urbanisme relatives à la durée du sursis ».
On soulignera, toutefois, que la circonstance que la collectivité compétente ait débattu sur les principales orientations du PADD n’est pas, par principe et en toute hypothèse, de nature à justifier une décision de sursis à statuer dès lors que le Conseil d’Etat a précisé qu’il pouvait en être ainsi dès lors que lesdites orientations « traduisent un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme, pour apprécier si une construction serait de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan ».
A contrario, une décision de sursis à statuer semble donc pouvoir encore être légalement opposée sur le fondement de l’article L.123-6.al.2 du Code de l’urbanisme dès lors que l’état du futur PLU est suffisamment avancé, sans qu’il soit donc nécessairement besoin que la collectivité compétente ait d’ores et déjà débattu sur les orientations de son PADD.
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat à la Cour
Cabinet Frêche & Associés