Du permis de construire valant « ITD » au permis d’aménager valant permis de construire : la vraie fausse nouveauté de la réforme des autorisations d’urbanisme
Dès lors qu’un projet d’aménagement inclut, même à titre accessoire, une construction assujettie à permis de construire, le projet doit relever dans son ensemble d’un permis de construire et non pas d’une autorisation « ITD ». Mais à compter du 1er octobre 2007, ce même projet pourra relever d’un permis d’aménager valant permis de construire.
TA. Nice 16 mai 2007, Mme Abonal, req. n°04-02718 (mentionné dans la lettre_n5.pdf du TA de Nice)
A l’heure où l’autorisation dite « ITD » vit ses derniers jours, on relèvera avec intérêt ce jugement du Tribunal administratif de Nice en ce qu’il illustre le régime particulier de cette autorisation et, surtout, permet d’appréhender la question des fusions d’autorisations d’urbanisme sur laquelle les auteurs de la réforme entrant en vigueur le 1er octobre 2007 ont beaucoup communiqué alors que non seulement il ne s’agit pas d’une réelle nouveauté et qu’en outre, les cas de fusions prévus par cette réforme sont pour le moins limités.
Dans cette affaire, un opérateur projetait d’aménager un parc d’attraction et avait obtenu à cet effet une autorisation « ITD » délivrée sur le fondement de l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme puisque son point a) assujetti à cette autorisation « les parcs d'attractions et les aires de jeux et de sports, dès lors qu'ils sont ouverts au public ». Il reste que ce projet incluait la réalisation d’un local constitutif d’une construction relevant du champ d’application du permis de construire puisque développant une SHON de 24 mètres carrés.
Or, le permis de construire a un effet « attracteur » et « absorbant » dans la mesure où dès lors que l’une des composantes d’un projet relève du champ d’application de cette autorisation, celle-ci doit être obtenue pour l’ensemble du projet (voir également, ici). Et pour sa part l’autorisation « ITD » a un caractère subsidiaire, c’est-à-dire qu’elle n’est requise que pour autant que l’aménagement relevant de l’article R.422-2 du Code de l’urbanisme ne soit pas l’une des composantes d’un projet relevant, notamment, du champ d’application du permis de construire ou de la déclaration de travaux. En outre, les dispositions de l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme doivent être interprétées de façon stricte puisque si ces dernières assujettissent à autorisation « ITD », d’une part, les aires de stationnement de plus de dix unités ouvertes au public et, d’autre part, les affouillements du sol d’une profondeur de plus de deux mètres et d’une superficie de plus de 100 mètres carrés, il a néanmoins été jugé qu’un parc de stationnement souterrain constituait une construction assujettie à permis de construire et ne pouvait donc pas relever d’une autorisation « ITD » (CAA. Bordeaux, 14 décembre 1999, Epx Mercier, req. n°96BX01480) ; l’exigibilité d’un permis de construire étant indépendant de toute considération liée au caractère enterré ou non de la construction projetée.
C’est donc fort logiquement que dans cette affaire, le Tribunal administratif de Nice a jugé que dès lors que le parc d’attraction en cause comportait une construction relevant du champ d’application du permis de construire, ce projet ne pouvait relevait d’une simple autorisation « ITD » mais impliquait, pour son ensemble, l’obtention du permis de construire valant autorisation « ITD » en application de l’article R.442-3 du Code de l’urbanisme.
Mais pour les projets faisant l’objet d’une demande d’autorisation présentée après le 1er octobre 2007, cette jurisprudence et la règle qu’elle illustre seront obsolètes, d’une part, parce que la réforme des autorisations d’urbanisme entrant en vigueur à cette date supprime l’autorisation « ITD », laquelle se trouve absorber par les autorisations nouvelles que sont le permis d’aménager et la déclaration d’aménagement et, d’autre part, parce que dans certains cas, c’est le permis d’aménager qui pourra valoir permis de construire dès lors que le nouvel article L.442-1 du Code de l’urbanisme précise que « lorsque les travaux d'aménagement impliquent, de façon accessoire, la réalisation par l'aménageur de constructions et d'installations diverses sur le terrain aménagé, la demande de permis d'aménager peut porter à la fois sur l'aménagement du terrain et sur le projet de construction ».
De ce fait, lorsqu’un parc d’attraction sera soumis à permis d’aménager au titre du nouvel article R.421-19, h) du Code de l’urbanisme, celui-ci pourra également valoir permis de construire pour les constructions accessoires qu’implique également ce projet et, par exemple, pour son bâtiment d’accueil ou ses locaux techniques.
On soulignera, en effet, que cette possibilité de fusion d’autorisation ne vaut que lorsque la construction considérée présente un caractère accessoire par rapport à l’économie générale du projet d’aménagement en cause. A titre d’exemple, si elle semble également pourvoir être mise en œuvre pour construire les locaux sanitaires d’un camping de plus de six tentes ou les locaux techniques d’un golf de plus de vingt-cinq hectares, elle ne saurait en revanche permettre de réaliser tout à la fois un lotissement et les bâtiments pour l’implantation desquels les divisions constitutives de ce dernier sont pratiquées.
Mais on relèvera, surtout, qu’alors qu’il s’agissait d’un des aspects annoncés de la réforme les plus attendus par les constructeurs, les cas de fusions d’autorisations d’urbanisme sont pour le moins limités puisqu’outre la possibilité offerte pas l’article L.442-1 du Code de l’urbanisme, les seules autres hypothèses prévues sont celles saisies par les articles les nouveaux articles L.441-1 et L.451-1 du Code de l’urbanisme, lesquels en ce qu’il disposent respectivement que :
« lorsque les travaux d'aménagement impliquent la démolition de constructions dans un secteur où un permis de démolir est obligatoire, la demande de permis d'aménager peut porter à la fois sur l'aménagement du terrain et sur le projet de démolition »;
et :
« lorsque la démolition est nécessaire à une opération de construction ou d'aménagement, la demande de permis de construire ou d'aménager peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement. Dans ce cas, le permis de construire ou le permis d'aménager autorise la démolition »;
permettront donc qu’un permis d’aménager et/ou un permis de construire valent également permis de démolir…
Mais outre le nombre très limité de cas de fusion d’autorisations d’urbanisme, il est permis de se demander si, dans certains cas, il n’y aurait pas lieu d’obtenir deux autorisations là ou antérieurement il n’en fallait qu’une. A titre d’exemple, en effet, le champ d’application du permis d’aménager et celui de la déclaration d’aménagement (art. R.421-19 à R.421-23 ; C.urb) recouvre certains travaux, installations et aménagements qui antérieurement relevaient de l’autorisation dite « ITD ». Or, seuls l’alinéa k du nouvel article R.421-19 du Code de l’urbanisme et l’alinéa f du nouvel article R.421-23 prévoient expressément que les travaux qu’ils visent – en l’occurrence certains travaux d’affouillement et d’exhaussement du sol – relèvent de ces procédures « à moins qu’ils ne soient nécessaires à l’exécution d’un permis de construire ».
Or, si la dispense expressément prévue pour certains travaux d’affouillement et d’exhaussement du sol ne l’est pas pour l’ensemble des autres travaux, installations et aménagements visés par les nouveaux articles R.421-19 et R.421-23 du code de l’urbanisme, force serait d’en conclure que ceux-ci sont soumis à permis d’aménager ou à déclaration d’aménagement même s’ils sont nécessaires à l’exécution d’un permis de construire.
A s’en tenir la lettre de des articles précités, il s’ensuivrait, à titre d’exemple, que pour la réalisation d’un ensemble immobilier à destination de logements pourvu d’un parc de stationnement de plus de cinquante unités ouvert au public, il faudrait obtenir, d’une part, un permis de construire et, d’autre part, un permis d’aménager puisque bien entendu cette opération ne pourra pas relever d’un permis d’aménager usant de la faculté prévue par le nouvel article L.442-1 du code de l’urbanisme dès lors que les logements ne saurait être considérés comme l’accessoire du parc de stationnement à aménager ; ce qui paraît totalement compatible avec le principe issu de l’ancien article L.421-3,al 1 du code de l’urbanisme – reproduit au nouvel article L.421-6 – selon lequel l’administration doit être en mesure de se prononcer sur la consistante exacte et complète du projet, ce qui implique que la demande et le dossier de permis de construire portent non seulement sur les constructions rendant exigibles un permis de construire mais également sur les aménagements accessoires qui en sont indissociables, notamment, parce qu’il sont nécessaires à la conformité du programme au regard des prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables. On peut donc parier que la jurisprudence nuancera substantiellement la conclusion s’imposant à la lecture des articles relatifs au champ d’application du permis d’aménager et de la déclaration d’aménagement.
Mais à notre sens, la plus significative des fusions d’autorisations opérées par la réforme n’est pas prévue comme telle par cette dernière et procède du nouvel article R.431-24 du Code de l’urbanisme et, en d‘autres termes, du nouveau régime du permis de construire valant division, lequel, en ce qu’il permet, d’une part, l’obtention d’un permis de construire valant division conjoint (CE. 4 mai 1983, Chapel, req. n°33.620) et s’applique, d’autre part, aux divisions réalisées avant l’achèvement des travaux (CE. 21 août 1996, Ville de Toulouse, req. n°137.834 ; CE. 26 mars 2003, Leclercq, req. n°231.425), fusionne l’ancienne autorisation de lotir et les permis de construire dans un lotissement ; ce que corrobore le fait que contrairement à l’ancien article R.315-2 du Code de l’urbanisme, le nouvel article R.442-1 du Code de l’urbanisme exclut expressément de la notion de lotissement « les divisions de terrains effectuées conformément à un permis de construire prévu à l'article R. 431-24 ».
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés