Le certificat d’urbanisme présente un caractère réel
Les garanties conférées par le certificat d’urbanisme sont attachées au terrain et non pas à l’auteur de la demande. Partant, ces garanties peuvent profiter à un tiers alors même, au surplus, que celui-ci a présenté sa demande avant l’obtention du certificat et ne s’en est donc pas prévalu dans sa demande de permis de construire.
CAA. Lyon, 15 octobre 2013, Cne de Saint-Cergues, req. n°13LY01052
Voici un arrêt qui plus de sept ans après la création de blog nous amène à inaugurer une nouvelle « catégorie » dédiée aux certificats d’urbanisme.
Dans cette affaire, le pétitionnaire avait présenté une demande de permis de construire sur le terrain qu’il projetait d’acquérir, à laquelle devait toutefois être opposée un refus motivé par les dispositions du PLU modifiées peu de temps avant cette décision.
Il reste qu’entre temps, et plus précisément avant l’entrée en vigueur du PLU modifié, le propriétaire du terrain à acquérir par le pétitionnaire y avait obtenu un certificat d’urbanisme mentionnant le PLU dans sa version antérieure.
C’est sur ce fondement que le pétitionnaire devait contester la légalité de ce refus de permis de construire. Mais en défense, puis en appel, la Commune fit ainsi valoir que :
- le pétitionnaire n’était pas le titulaire du certificat d’urbanisme allégué et ne pouvait donc bénéficier des effets de ce dernier ;
- le pétitionnaire avait présenté sa demande avant l’obtention de ce certificat et ne s’en était pas prévalu dans le cadre de sa demande puisqu’il n’avait pas coché la case dédiée du formulaire « CERFA ».
Mais confirmant le jugement de première instance, la Cour administrative d’appel de Lyon devait donc juger que :
« 5. Considérant que les droits conférés pendant dix-huit mois par les indications portées sur un certificat d'urbanisme ne sont pas réservés au titulaire de ce dernier mais bénéficient à toute personne qui sollicite la délivrance d'une autorisation d'urbanisme en vue de la réalisation d'un projet sur le terrain en cause ; que la SCI Saint-Cergues Les Hutins peut ainsi valablement invoquer à son profit les certificats d'urbanisme que le maire de Saint-Cergues a délivrés le 21 janvier 2011 à MM. E...etB..., propriétaires, chacun, d'une partie du terrain d'assiette du projet litigieux, indiquant que leurs tènements respectifs étaient classés en zone AUb du plan local d'urbanisme, ouverte à l'urbanisation suivant les modalités définies par l'orientation d'aménagement n°5 ; que, par ailleurs, la circonstance que ces deux certificats d'urbanisme sont postérieurs au dépôt de la demande de permis de construire de la SCI Saint-Cergues Les Hutins ne saurait faire obstacle à la mise en oeuvre des dispositions précitées, pour l'application desquelles il importe seulement que ces certificats d'urbanisme soient demeurés en cours de validité pendant l'instruction de ladite demande ; qu'au demeurant, l'administration est restée saisie de cette demande après le retrait par le maire de Saint-Cergues le 21 juin 2011 d'un précédent refus de permis de construire opposé le 18 février 2011, la SCI Saint-Cergues Les Hutins l'ayant d'ailleurs réitérée par lettre du 4 juillet 2011 ; que ne saurait davantage tenir en échec le bénéfice desdites dispositions la circonstance que la SCI Saint-Cergues-les-Hutins ne s'est pas expressément prévalue, dans le cours de l'instruction de sa demande de permis de construire, des certificats d'urbanisme en cause, une telle condition n'étant prévue ni par l'article L. 410-1 précité du code de l'urbanisme, ni par aucune autre disposition de ce code ; qu'ainsi la société bénéficiait du droit de voir sa demande de permis de construire examinée au regard des règles légalement applicables à l'époque de la délivrance de ces certificats d'urbanisme, et donc notamment de celles régissant la zone AUb, sans qu'y puisse être opposée la modification du plan local d'urbanisme approuvée par délibération du 12 septembre 2011 reclassant le secteur dit " Aux Hutins " en zone agricole inconstructible ; que les premiers juges ont dès lors à bon droit estimé que le premier motif du refus de construire litigieux, fondé sur ce nouveau classement en zone agricole, méconnaît l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme »
En jugeant que le certificat d’urbanisme est exclusivement attaché au terrain, la Cour administrative d’appel de Lyon a donc clairement confirmé la doctrine selon laquelle :
« Le certificat d’urbanisme est attaché au terrain objet de la demande et au projet s’il est précisé dans la demande d’un certificat d’urbanisme opérationnel. Il présente un caractère réel en ce que les droits qu’il cristallise peuvent être invoqués par toute personne déposant une demande d’autorisation d’urbanisme sur le terrain concerné, et non par la seule personne à qui le certificat a été délivré. Il peut donc être créateur de droits pour des personnes autres que celle à qui il a été délivré. Le bénéfice des dispositions de l’article L. 410-1 « peut être invoqué par toute personne ayant régulièrement déposé dans le délai d’un an [dix-huit mois depuis le 1er octobre 2007] à compter de la délivrance d’un certificat d’urbanisme une demande de permis de construire, et sans que puisse être opposée à cette personne la circonstance que le certificat d’urbanisme dont elle se prévaut aurait été demandé par un tiers » (TA Versailles 7 décembre 1993, req. n° 901387). Peu importe donc que le certificat ait été demandé et obtenu par le propriétaire vendeur et le permis de construire demandé par l’acquéreur (CAA Paris 27 juin 1995, req. n° 94PA00554 — CAA Bordeaux 11 décembre 1995, req. n° 93BX01509). Ce caractère réel du certificat d’urbanisme justifie le fait que le nouveau propriétaire du terrain puisse demander la prorogation d’un certificat d’urbanisme délivré à l’ancien propriétaire. Ce caractère réel justifie également le fait qu’il n’ait pas été prévu de mécanisme de « transfert » du certificat, analogue au transfert de permis organisé par le formulaire CERFA n° 13412*01 » (S.Pérignon, Le certificat d’urbanisme en 50 question, Editions Le Moniteur, question 38, p.97) ;
étant relevé que les arrêts d’appel citées ci-dessous n’étaient toutefois pas d’une telle clarté et ne s’étaient pas véritablement prononcées sur cette question précise.
Mais en tout état de cause, cette solution apparait difficilement contestable. Il faut en effet rappeler que les décisions d’urbanisme présentent par nature un caractère réel, et se bornent ainsi à viser un projet, indépendamment de toute considération liée au demandeur ; ce dont il résulte que les droits que ces décisions confèrent sur le plan urbanistique sont uniquement attachés au terrain et au projet. C’est la raison pour laquelle, à titre d’exemple, un permis de construire peut être régulièrement mis en œuvre par un tiers alors même qu’il n’en a pas obtenu le transfert (Cass. crim. 29 juin 1999, pourvoi n°98-83.839 ; T.G.I. Grasse, 8 février 1973 - AJPI 73, II p798, note Bertrand ; CAA. Marseille, 23 novembre 2006, M. X., req. n°04MA00264) ; cette mise en œuvre interrompant néanmoins le délai de validité de cette autorisation (TA. Nice, 13 mai 1997, SCL LE Pavillon, req. n°93-03645).
Il en allait déjà ainsi sous l’empire de l’article L.421-1 du Code de l’urbanisme qui dans ses rédactions en vigueur entre le 13 novembre 1973 et le 1er octobre 2007 disposait pourtant que « quiconque désire entreprendre ou implanter une construction à usage d'habitation ou non, même ne comportant pas de fondations, doit, au préalable, obtenir un permis de construire ».
Mais dès lors il faut relever que les droits conférés par un certificat d’urbanisme résulte de l’article L.410-1 du Code de l’urbanisme, lequel dispose que :
« Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée :
a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ;
b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus.
Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique.
Lorsque le projet est soumis à avis ou accord d'un service de l'Etat, les certificats d'urbanisme le mentionnent expressément. Il en est de même lorsqu'un sursis à statuer serait opposable à une déclaration préalable ou à une demande de permis.
Le certificat d'urbanisme est délivré dans les formes, conditions et délais déterminés par décret en Conseil d'Etat par l'autorité compétente mentionnée au a et au b de l'article L. 422-1 du présent code » ;
et ne comporte aucune disposition d’ordre personnel ; son alinéa 4 ne subordonnant aucunement son bénéfice à la condition que la demande de permis de construire soit présentée par le demandeur du certificat d’urbanisme ; étant d’ailleurs relevé qu’aucune des dispositions des articles L.410-1, R.410-1 ou A.410-1 et suivants n’emploie le terme « bénéficiaire ».
D’ailleurs, force est d’admettre que l’on voit mal quelle pourrait être la raison d’être d’une telle restriction dès lors que la finalité du certificat d’urbanisme est d’établir et de garantir la constructibilité d’un terrain au regard des normes alors en vigueur, au premier chef dans la perspective de sa vente future à un tiers.
A cet égard, la finalité du certificat d’urbanisme vient d’ailleurs utilement compléter l’article R.442-1 a) du Code de l’urbanisme en ce qu’il dispose que « ne constitue pas des lotissement : les divisions en propriété ou en jouissance effectuées par un propriétaire au profit de personnes qui ont obtenu un permis de construire ou d'aménager portant sur la création d'un groupe de bâtiments ou d'un immeuble autre qu'une maison individuelle au sens de l'article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation », lequel :
- comporte d’ailleurs pour sa part une dimension personnelle : le permis de construire précédemment délivré doit avoir été obtenu par le bénéficiaire de la division, c’est-à-dire l’acquéreur du terrain;
- ne vise pas le cas où l’acquéreur à obtenu un simple certificat d’urbanisme.
Le certificat d’urbanisme peut donc être obtenu par le propriétaire du terrain le cas échéant aux seuls fins de « garantir » à un acquéreur futur l’obtention d’un permis de construire.
Quant au moyen selon lequel la demande de permis de construire avait été présentée avant l’obtention du certificat d’urbanisme du 21 janvier 2011, il faut préciser que le Tribunal administratif avait en première instance écarté ce moyen au motif que la décision de refus en cause avait statué sur une demande présentée le 5 juillet suivant et qu’il manquait donc en fait.
Il reste qu’en appel, la commune devait soutenir que cette demande du 5 juillet était strictement identique à celle initialement présentée le 22novembre 2010 qui, pour sa part, l’avait donc été avant l’obtention du certificat d’urbanise en cause et avait donné lieu à un refus de permis de construire que la Ville avait toutefois retiré le 4 juillet 2011.
Mais si cette fois-ci la Cour administrative de Lyon devait suivre cette analyse en jugeant implicitement qu’à travers la décision contestée la Ville avait à nouveau statué sur la demande initiale, c'est néanmoins pour juger que « la circonstance que ces deux certificats d'urbanisme sont postérieurs au dépôt de la demande de permis de construire de la SCI Saint-Cergues Les Hutins ne saurait faire obstacle à la mise en œuvre des dispositions précitées, pour l'application desquelles il importe seulement que ces certificats d'urbanisme soient demeurés en cours de validité pendant l'instruction de ladite demande ».
Au demeurant, cette solution revêt une certaine cohérence puisque comme le sait si par le retrait d’un précédent refus l’administration se retrouve ipso facto saisie de la demande initiale – sans que le pétitionnaire n’ait à la confirmer – il reste que l’article L.600-2 du Code de l’urbanisme n’est pas applicable en pareil cas (CAA., Lyon, 7 avril 2009, Gardas, req. n°06LY02162) ; la spécificité de l’article L.600-2 sur ce point étant seulement de prévoir la confirmation de la demande aux fins, le cas échéant, de bénéficier dans le cadre de la second instruction de la demande des règles en vigueur à la date du refus annulé. Dans la mesure où cet égard la demande initial aurait donc bien eu vocation à être instruite au regard du PLU, tel que modifié avant que la Ville ne statue à nouveau sur celle-ci, force est donc d’admettre qu’à cet égard, la légalité de la décision de refus contesté devait elle-même s’apprécier au regard des certificats d’urbanisme du 21 janvier 2011.
Mais au-delà de la particularité du cas d’espèce, il n’en demeure donc pas moins que la cour a donc jugé que la circonstance que la demande de permis de construire soit présentée avant l’obtention d’un certificat d’urbanisme n’a aucune incidence puisque l’article L.410-1 du Code de l’urbanisme ne comporte aucune disposition en ce sens.
Certes, l’intervention d’un certificat d’urbanisme en cours d’instruction d’une demande de permis de construire :
- peut perturber celle-ci mais cela étant ni plus, ni moins que la norme nouvelle entrant en vigueur pendant cette instruction, ce qui pourtant ne s’oppose à ce que par principe la légalité d’une autorisation d’urbanisme s’apprécie à sa date de délivrance et non pas donc, sauf disposition contraire au regard des normes en vigueur à la date de présentation demande ;
- peut viser à « contourner » la norme à venir alors en cours d’adoption, ce qui ne s’oppose toutefois pas en soi que la demande de permis de construire fasse l’objet d’un sursis à statuer dont la possibilité peut être mentionnée par le certificat délivré.
Mais il n’en demeurait donc effectivement pas moins qu’ainsi que le soulignait la commune le pétitionnaire n’avait à aucun moment indiqué revendiquer le bénéfice des certificats d’urbanisme délivrés le 21 janvier 2011 ; la commune faisant plus spécifiquement valoir que la case dédiée du formulaire « CERFA » de demande de permis de construire n’avait pas été coché par le pétitionnaire.
Il reste qu’aucune des dispositions des articles L.410-1, R.410-1 ou A.410-1 et suivants du Code de l’urbanisme ne subordonne le bénéfice de l’alinéa 4 précité de l’article L.410-1 à la condition que le pétitionnaire le revendique. Tout au contraire puisque la rédaction de l’alinéa précité à clairement un caractère impératif à l’adresse de l’autorité administrative compétente.
De même, aucune des dispositions des articles R.431-5 et suivants du Code de l’urbanisme ne prévoient que le pétitionnaire doit indiquer, a fortiori pour bénéficier de l’article L.410-1 al.4 précité, qu’il est bénéficiaire d’un certificat d’urbanisme.
Certes, cette information est sollicitée par la rubrique n°3 du formulaire « CERFA », tel que son modèle avait en l’espèce été arrêté par l’article 2 de l’arrêté ministériel du 6 juin 2007 (art. A.431-4 ; C.urb).
Mais outre que ladite rubrique n’indique pas que la réponse du pétitionnaire sur ce point conditionne l’application de l’article L.410-1 du Code de l’urbanisme, il reste que la compétence ministérielle sur ce point résulte de l’habilitation procédant des articles R.431-4 et R.431-5 du Code de l’urbanisme se bornant à disposer que :
« un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme fixe les modèles nationaux de demande de permis de construire, de déclaration préalable portant sur un projet de construction, sur des travaux sur des constructions existantes sur un changement de destination d'une construction, de déclaration d'ouverture de chantier, de décision et de déclaration d'achèvement des travaux » ;
et :
« les arrêtés prévus à l'article R. 434-1 précisent les informations statistiques qui sont demandées au pétitionnaire en application de l'article R. 431-34, ainsi que les modalités de leur transmission par l'autorité compétente ».
Les articles précités n’ont donc pas habilité le Ministre chargé de l’urbanisme à ajouter des informations autres que celles prévues par les articles R.431-5 et suivants du Code de l’urbanisme, à l’exception des informations statistiques visées par l’article R.431-34 du Code de l’urbanisme. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Tribunal administratif de Caen a jugé que les indications portées sur le formulaire « CERFA » de demande de transfert ne modifiaient en elles-mêmes rien à l’état du droit antérieur ; ce dont il résulte qu’en l’état des dispositions du Code de l’urbanisme, une demande ne peut toujours pas aboutir à un transfert tacite (TA. Caen, 14 février 2012, req. n°10-00719).
Les informations sollicitées notamment sur ce point par la rubrique n°3 du formulaire « CERFA » n’ayant aucune base légale, elles ne sauraient donc ni conditionner l’application de l’article L.410-1 al.4 du Code de l’urbanisme, ni lier l’administration ; d’autant moins que cette dernière est en toute hypothèse réputée avoir nécessairement connaissance des décisions d’urbanisme qu’elle a déjà prises à l’égard du terrain en cause ; cette « connaissance acquise » étant d’ailleurs susceptible de pallier les erreurs, les omissions, voire les vices affectant la demande en cause (CE. 12 février 2004, Thierry Roubaud, req. n°99MA02056).
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés