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  • Peut-on valablement créer une unité foncière constructible au regard de l’article 5 du règlement local d’urbanisme ?

    La réunion de deux terrains par l’acquisition d’une bande de terre ne confère qu’une apparence de régularité et ne permet pas de satisfaire aux prescriptions de l’article 5 du règlement de POS. Par voie de conséquence, le permis de construire délivré sur l’unité foncière ainsi formée est illégal.

    CAA. Marseille, 21 octobre 2010, Association La Crysalide Marseille, req. n°08MA05288


    parcelle.jpgDans cette affaire, l’association requérante avait obtenu un permis de construire un foyer d’hébergement sur un terrain d’une superficie de 5.230 mètres carrés, satisfaisant ainsi aux prescriptions de l’article 5 du POS  subordonnant la constructibilité des terrains à la condition qu’ils présentent une superficie supérieure à 4.000 mètres carrés. Il reste qu’à l’origine l’association était propriétaire de deux unités foncières distinctes – voisines mais séparées par une bande de terre tierce – dont chacune présentait une superficie inférieure à ce seuil.

    Mais ultérieurement, l’association devait acquérir de la commune cette bande de terre pour ainsi créer une unité foncière de 5.230 mètres carrés puis y obtenir un permis de construire apparemment conforme à l’article NB.5 du POS.

    Il reste que ce permis de construire devait être attaqué puis annulé ; annulation que confirmation donc la Cour administrative d’appel de Marseille pour le motif suivant :

    « Considérant qu'aux termes de l'article 5-NB du règlement du plan d'occupation des sols applicable au projet en litige, situé en zone NB1 Pour être constructible, les terrains doivent avoir une surface minimale de : -4000 m² en zone NB1.. ; que l'ASSOCIATION CHRYSALIDE a indiqué dans son dossier de demande que son projet devait être réalisé sur un tènement d'une superficie de 5230 m² ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que cette superficie est obtenue par la réunion de la parcelle cadastrée BM15, d'une superficie inférieure à 4000 m² et sur laquelle le projet d'une surface totale de 1403 m² sera exclusivement réalisé et d'une parcelle BM22, dont elle également propriétaire, à l'origine non contigüe de la précédente mais que l'acquisition en 1989 d'une bande étroite de terrain, large de moins de deux mètres et longue d'environ soixante mètres, dont la vente à été consentie par la commune de Fuveau, a permis de relier à la parcelle BM15 ; que cette cession immobilière, réalisée après l'entrée en vigueur du plan d'occupation des sols approuvé en 1984, donne une apparence de régularité au permis de construire délivré, sans que toutefois les exigences du plan d'occupation des sols relatives à la densité de l'occupation du sol et la densité des constructions soient sauvegardés ; que cette opération a été effectuée afin d'échapper artificiellement aux prescriptions du plan d'occupation des sols en matière de densification des terrains ; que le maire ne pouvait en conséquence légalement accorder le permis de construire sans méconnaître le plan d'occupation des sols ».

    La Cour a donc considéré que l’acquisition de la bande terrain séparant les deux unités foncières d’origine et la création subséquente d’une unité foncière d’une superficie supérieure à 4.000 mètres carrés était artificielle et n’avait ainsi conféré à l’opération qu’une « apparence de régularité » sans pour autant respecter la finalité de l’article NB.5 du POS communal.

    En premier lieu, il faut préciser que cette notion « d’apparence de régularité » est sans rapport avec la fraude.

    On voit, d’ailleurs, mal comment cette fraude aurait pu être caractérisée en l'espèce dans la mesure où l’association requérante avait acquis la bande de terre en cause 16 ans avant l’obtention de son permis de construire, qui plus est auprès de la mairie instructrice de sa demande.

    L’opération en cause était donc pour le moins éloignée de la démarche pour le coup frauduleuse consistant :

    - non pas seulement à acquérir une parcelle contiguë du terrain d’assiette de l’opération projetée mais à l’acquérir pour ensuite, peu de temps après l’obtention du permis de construire délivré dans ces conditions, la rétrocéder à un tiers, voire à son propriétaire d’origine (CAA. Nancy, 16 mai 2002, SCI Helios, req. n°97NC02596) puisque ce montage a alors effectivement pour unique objet de conférer à l’opération projetée une simple apparence de conformité et qu’en outre, compte tenu de l’abrogation de l’ancien dispositif prévu par l’article L.111-5-1 du Code de l’urbanisme, et sous réserve du cas prévu par l’article L.123-1-1 du Code de l’urbanisme, cette parcelle recouvrira, du fait de sa rétrocession, les droits à construire générés par sa superficie ;
    - ou encore, plus spécifiquement, au sujet du dispositif alternatif prévu par l’article R.123-10 du Code de l’urbanisme, permettant la prise en compte de la partie du terrain grevé d’un emplacement réservé pour autant que le pétitionnaire la cède gratuitement à la collectivité, à acquérir de la collectivité une partie de terrain pour ensuite la lui rétrocéder gratuitement pour pouvoir bénéficier du report de COS correspondant : CAA. Lyon, 10 mars 1998, Ville de Nice, req. n°94LY01151).

    En second lieu, toute opération consistant à acquérir un terrain ou une simple bande de terre dans le seul but de réaliser un projet n’est pas nécessairement illégale - y compris lorsque la construction projetée n’a aucune emprise sur la parcelle acquise - le Conseil d’Etat ayant en effet eu l’occasion de valider une telle démarche.

    Dans cette affaire, un premier permis de construire avait été annulé au motif tiré de la méconnaissance de l’article 9 du règlement d’urbanisme local. Aux fins de régulariser son projet le pétitionnaire avait ainsi obtenu un bail emphytéotique administratif sur un terrain voisin de sorte à augmenter la surface du terrain d’assiette des constructions projetées et ce faisant, réduire le coefficient d’emprise au sol de ces dernières. Cependant, le permis de construire obtenu aux fins de régularisation devait être annulé, la Cour administrative de Douai considérant que « eu égard au caractère artificiel de la réunion des deux parcelles, à la circonstance que la construction était déjà édifiée à la date de la demande de la demande de permis de construire en cause et que ni son implantation, ni sa consistance n’ont été modifiées, cette opération (…) donnant tout au plus une apparence de régularité à la construction, n’a été effectuée qu’en vue d’échapper aux prescriptions de l’article UB.9 du POS ». Mais saisi en cassation, le Conseil d’Etat a toutefois annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel précité en jugeant que « la circonstance que la société requérante ait conclu un bail emphytéotique sur une parcelle voisine afin d'élargir l'assiette foncière de la construction, en vue de respecter les prescriptions de l'article UB 9 du plan d'occupation des sols, dont la finalité est de limiter la densité sur la zone, n'est pas à elle seule de nature à démontrer qu'elle ait entendu faire échapper la construction aux règles d'urbanisme applicables » (CE. 30 décembre 2002, SCI d’HLM de Lille, req. n°232.584).

    Mais ce sont surtout les conclusions du Commissaire du Gouvernement AUSTRY qui sont particulièrement éclairantes sur ce point :

    « L’hésitation est permise. il est claire que la conclusion de ce bail a été de permettre la délivrance d’un permis de régularisation en rendant le projet conforme à l’article UB.9. Mais d’un autre côté, la seule circonstance qu’un pétitionnaire adapte son projet, que ce soit dans le cadre de l’instruction du permis (…) à la suite d’un refus de permis (…) ou à la suite de l’annulation par le juge, comme ici, afin de rendre conforme aux dispositions du POS, n’est pas par elle-même de nature à faire échec à la régularisation des constructions édifiées. Ce qu’exige, en outre, votre jurisprudence sur la fraude à la loi, c’est que la manœuvre du (constructeur) lui permette d’échapper au conséquences de l’application de la règle d’urbanisme qui est en cause.
    Or, il nous semble ici que l’objet de la règle relative à l’emprise au sol des constructions est d’éviter une densification excessive de la zone dans laquelle se situe la construction projetée. Dès lors, le seul fait de transférer les droits à construire générés par une parcelle voisine qui n’aurait pas déjà épuisé ces droits ne permet pas par lui-même d’échapper aux conséquences de l’article UB.9, mais bien en respectant l’esprit de ce texte et non seulement sa lettre, d’éviter une densification trop forte de l’unité foncière constituée par le terrain d’assiette de la construction projetée. (…) Le transfert des droits à construire généré par la parcelle propriété de l’OPHLM n’est pas sans conséquence puisqu’il interdira l’utilisation des droits à construire de cette parcelle pour une autre opération, et évitera donc une surdensification de la zone qui est précisément ce qu’on cherché à prévenir les auteurs du POS en limitant l’emprise au sol de constructions.
    Nous concluons donc qu’en estimant que l’opération en cause a constitué une manœuvre qui aurait été effectué en vue d’échapper aux prescriptions de l’article UB.9, la cour a inexactement qualifié les faits de l’espèce
    » (Publiées in BJDU, n°3/2003, p.192, spec. P.194).


    Il faut souligner que le commentateur de l’arrêt précité au BJDU – en l’occurrence, le Conseiller d’Etat Jean-Claude BONICHOT – a précisé que « la régularisation n’est pas possible si elle conduit à priver la règle d’urbanisme en cause d’effectivité. Elle doit au contraire permettre de faire rentrer la construction illégale dans la légalité. Il est donc nécessaire de s’interroger sur la portée exacte de la règle méconnue par l’autorisation initiale pour savoir si la régularisation conduit ou non à y satisfaire. Tel était bien le cas en l’espèce : il est évident que si le constructeur acquiert un terrain suffisant pour le coefficient d’emprise soit respecté, il fait rentrer le bâtiment dans la norme » (BJDU, n°3/2002, p.197).

    C’est ainsi, à titre d’exemple, que le Conseil d’Etat a en revanche jugé inopérante une opération de revente d’une bande de terrain de 70 centimètres destinée à régulariser une construction illégale en la faisant ainsi joindre la limite séparative alors que son permis de construire avait été précédemment annulé en raison de son implantation à 70 centimètres de la limite séparative initiale (CE. 25 janvier 1993, Crts Saint-Guilly, req. n°122.112).

    En effet, pour le juge administratif, l’opération d’acquisition ou de revente d’une bande de terrain sera artificielle, et donc inopérante, lorsqu’elle ne confère à la construction qu’une apparence de régularité ne permettant pas d’assurer un respect effectif de la règle d’urbanisme en cause.

    Ainsi, dans la première affaire, la bande de terrain acquise ne servait certes en rien à l’implantation de la construction litigieuse mais toujours est-il qu’en consommant les droits à construire y étant attachés cette construction réduisait d’autant la SHON constructible du « reliquat » dont cette bande avait été détachée : l’adjonction de cette bande de terrain au terrain d’assiette d’origine n’avait donc pas pour effet d’augmenter artificiellement la SHON constructible dans la zone au regard des possibilités de construction prévues par l’article 9 du règlement d’urbanisme local.

    Dans la seconde, en revanche, la revente de la bande de terrain permettait certes d’amener la limite séparative jusqu’à la construction litigieuse de sorte à ce qu’elles soient jointives mais, en fait, ne modifier strictement rien à l’implantation de cette construction et à sa distance par rapport à la construction voisine, laquelle, au surplus, était ainsi rendue irrégulière puisqu’initialement implantée en limite séparative, elle s’en trouvait implantée à 70 centimètres de la nouvelle limite séparative, ce que ne permettait pas l’article 7 du POS communal.

    En ce sens, on peut également relever que le Tribunal administratif de Versailles a jugé que l’acquisition et l’adjonction d’une parcelle au terrain d’assiette d’un projet de construction aux fins d’augmenter la densité de ce dernier au regard des possibilités de construction liées à l’article 14 du règlement de POS applicable (TA. Versailles, 5 juin 2007, SCI Balzac, req. n°0501083-3) alors que que la Cour administrative d’appel de Paris a pour sa part jugé l’adjonction d’une bande de terrain de 6,50 mètres sur 0,70 mètre à l’accès au terrain à construire d’une largeur de 3,50 mètres ne permet que d'obtenir artificiellement une largeur de terrain en bordure de voie de 10 mètres et ne permet donc pas de caractériser cette configuration des lieux comme une façade sur voie au sens l’article 5 (CAA. Paris, 23 novembre 2006, Cne de Chaville, req. n° 05PA04096).

    Précisément, la principale problématique posée à notre sens par l’arrêt commenté de la Cour administrative d’appel de Marseille tient à la finalité reconnue à l’article 5 du du POS communal.

    Il faut en effet relever que la Cour a souligné que l’acquisition de la bande séparative, la réunion subséquente des deux unités foncières d’origine et la formation d’un seul et même tènement d’une superficie supérieure à 4.000 mètres carrés ne permettait pas pour autant de sauvegarder « les exigences du plan d'occupation des sols relatives à la densité de l'occupation du sol et la densité des constructions ».

    Ce faisant, la Cour administrative d’appel a ainsi attribué à l’article 5 du règlement de POS en cause une finalité que ne lui conférait pas expressément les textes en vigueur à la date d’approbation de ce POS puisqu’à cette époque, l’article R.123-21 du Code de l’urbanisme se bornait à disposer que ces règlement pouvait « édicter les prescriptions relatives à l'accès, à la desserte, à l'équipement en réseaux divers et, le cas échéant, aux dimensions et à la surface des terrains » ; et ce, sans autre précision donc.

    Mais il faut surtout souligner que la Cour a mis en exergue le fait que cette opération « d’acquisition-réunion » s’était « réalisée après l'entrée en vigueur du plan d'occupation des sols approuvé en 1984 ».

    Selon la Cour administrative d’appel de Marseille, l’article 5 d’un règlement de POS constitue donc une norme ayant pour principale, voire pour unique finalité de cristalliser les possibilités de construction dans une zone en considération de son parcellaire et ce, sans aucune autre évolution possible que la modification de la règle elle-même, au bon vouloir de ses auteurs.

    On connait les dérives d’une telle conception…

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés