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  • Les documents d’urbanisme locaux (POS/PLU) peuvent ils interdire les lotissements ?

    Un règlement local d’urbanisme peut légalement interdire les lotissements dès lors qu’ils constituent un type d’occupation et d’utilisation du sol et non pas une règle de procédure.

    CAA. Versailles, 6 novembre 2008, Sté Foncière de l’Ouest, req. n°07VE01713

    Voici un arrêt dont le sens n’est selon nous guère surprenant mais qui mérite d’être mis en exergue dans la mesure où il s’agit, à notre connaissance, d’un des premiers répondant aussi clairement à une question ayant généré de nombreux échanges sur ce blog avec l’un de ses plus fidèles lecteurs et commentateurs.

    On sait que par de nombreuses réponses ministérielles, l’administration a souvent précisé qu’un POS ou un PLU ne pouvait légalement interdire les lotissements dans la mesure où ces documents ne peuvent édicter que des règles de fond. Et il est tout a fait exact qu’ils ne sauraient édicter une règle de procédure, c’est à dire conditionner l’exécution de travaux et la délivrance de l’autorisation d’urbanisme s’y rapportant à une formalité (autorisation, avis, production de documents) que ne prévoit pas le Code de l’urbanisme.

    Selon l’administration, la notion de lotissement ne serait donc pas une notion de « fond » mais une procédure.

    Pourtant de nombreux arrêts ont fait application de règlements d’urbanisme locaux interdisant les lotissements. Parmi les plus significatifs, on peut relever celui par lequel la Cour administrative d’appel de Lyon a jugé que :

    « Considérant, ensuite, qu'aux termes de l'article NA-1 du règlement annexé au plan d'occupation des sols de Vitrolles, "Les occupations et utilisations du sol non mentionnées à l'article NA-2 sont interdites" ; qu'aux termes de l'article NA-2 de ce même règlement, "Sont autorisés sous conditions : -les opérations sous forme de ZAC exclusivement en secteur 1 NA, ...-les opérations d'ensemble sous forme de permis groupé ou de lotissement d'habitations, de commerces, d'artisanat ou de stationnement ouvert au public à condition d'être situées en secteur 2NA, ..." ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que dans les zones NA, définies comme des zones non équipées à vocation principale d'habitation où l'urbanisation future ne peut être autorisée que sous la forme d'opérations d'ensemble, les lotissements sont interdits dans les secteurs 1NA où seules sont autorisées les zones d'aménagement concerté ;
    Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces versées au dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué le terrain litigieux était classé par le plan d'occupation des sols de Vitrolles, dans ses modalités résultant de la révision n° 1 approuvée par le conseil municipal le 22 septembre 1988, en secteur 1NA où, conformément aux dispositions précitées, les lotissements étaient interdits ; que dès lors, sous l'empire de ces dispositions, le maire de Vitrolles était tenu de rejeter la demande présentée par la SCI ;
    Considérant, en second lieu, que si la société entend exciper de l'illégalité du reclassement de son terrain intervenu lors de l'approbation de la révision n° 1, elle ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de sa contestation des dispositions réglementaires résultant de cette révision, de droits acquis qu'elle aurait tenus d'engagements contractuels antérieurs ; que par ailleurs, à supposer même, comme elle le soutient, que ledit reclassement serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et qu'ainsi l'arrêté attaqué ne pourrait trouver de base légale dans les dispositions de l'article 1NA-2, il ressort des pièces versées au dossier qu'en vertu des dispositions combinées des articles NAE 1 et NAE 2 du plan d'occupation des sols immédiatement antérieur, lequel redeviendrait applicable conformément aux dispositions de l'article L.125-5 du code de l'urbanisme, n'étaient autorisées en secteur NAE, au sein duquel le terrain était classé sous l'empire de ce plan, que les "opérations individuelles" au nombre desquelles n'entraient pas davantage les lotissements ; qu'ainsi le maire aurait été tout autant tenu de rejeter sa demande ; qu'elle ne peut davantage soutenir, en raison de cette interdiction antérieure des lotissements sur le terrain en cause, que ce reclassement aurait eu pour unique objet d'interdire l'opération projetée et qu'il serait ainsi entaché d'un détournement de pouvoir
    » (CAA. Lyon, 22 octobre 1996, SCI Grande Garrigue, req. n°94LY00367).


    puisque ce faisant, elle a d’elle-même déduit d’une règle réservant la zone à un seul type d’occupation des sols – les « opérations individuelles » – l’interdiction implicite d’y aménager des lotissements.

    Mais l’analyse de l’administration sur ce point est infirmée encore plus clairement par la décision objet de la note de ce jour.

    Dans cette affaire, le requérant entendait contester un refus d’autorisation de lotir lui ayant été opposé au motif tiré de l’article 1er du règlement de POS applicable au sein de la zone de l’aménagement projeté, lequel interdisait expressément les lotissements. Et pour ce faire, le requérant devait exciper de l’illégalité de cette disposition en soutenant, précisément, que les auteurs d’un POS n’étaient pas compétents pour édicter une telle interdiction. Mais ce moyen devait donc être rejeté au motif suivant :

    « Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, applicable aux plans d'occupation des sols approuvés avant l'entrée en vigueur de la loi du 13 décembre 2000 susvisée et non révisés depuis lors : « Les plans locaux d'urbanisme (...) fixent les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions. (...) » ; qu'aux termes de l'article R. 123-21 du même code : « Le règlement fixe les règles applicables aux terrains compris dans les diverses zones du territoire couvert par le plan. 1° A cette fin, il doit : a) Déterminer l'affectation dominante des sols par zones selon les catégories prévues à l'article R. 123-18 en précisant l'usage principal qui peut en être fait, et s'il y a lieu, la nature des activités qui peuvent y être interdites ou soumises à des conditions particulières, telles que l'ouverture ou l'extension d'établissements industriels, l'exploitation de carrières, les opérations d'affouillement ou d'exhaussement des sols, les défrichements, coupes et abattages d'arbres ainsi que les divers modes d'occupation du sol qui font l'objet d'une réglementation (...). Et qu'aux termes de l'article R. 315-1 de ce code, en vigueur à la date de la décision attaquée : « Constitue un lotissement au sens du présent chapitre toute division d'une propriété foncière en vue de l'implantation de bâtiments qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de ladite propriété. (...). Dans tous les cas, l'autorisation de lotir peut également être refusée, ou n'être accordée que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales, sur le fondement des dispositions mentionnées à l'article R. 111-1, lorsque, notamment, par la situation, la forme ou la dimension des lots, l'opération est de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites ou aux paysages naturels ou urbains, ou à compromettre la conservation ou la mise en valeur d'un site ou de vestiges archéologiques » ;
    Considérant, d'une part, qu'en raison de sa date d'adoption et à défaut d'avoir été révisé à la date de la décision attaquée, le plan d'occupation des sols de la commune de Montainville est régi par la combinaison des dispositions précitées du code de l'urbanisme ; qu'au sens de ces dispositions, un lotissement constitue un type d'occupation et d'utilisation des sols ; que, par suite, les auteurs de ce plan tenaient de ces mêmes dispositions compétence pour interdire ce type d'occupation des sols ; que, dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité, pour incompétence, de l'article NB1 du règlement de ce plan qui interdit « les lotissements de toute nature et les groupes d'habitation » dans la zone où était projetée l'opération immobilière dont s'agit
    ».


    et, en d’autres termes, en raison du fait, d’une part, qu’il résultait de l’article R.123-21 du Code de l’urbanisme alors applicable qu’un POS pouvait régir les types d’occupation et d’utilisation du sol et, d’autre part, qu’à la date d’approbation de ce document, le lotissement constituait bien un mode d’occupation et d’utilisation du sol.

    Mais il va sans dire que la solution n’est pas, en l’état de la réglementation, différente pour un PLU dès lors que l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme dispose que « le règlement peut comprendre tout ou partie des règles suivantes : occupations et utilisations du sol interdites (&) occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières » et qu’à titre d’exemple, son article L123-5 précise que « le règlement et ses documents graphiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, pour la création de lotissements et l'ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan » ; étant d’ailleurs relevé que l’arrêt commenté expose par ailleurs que « la circonstance que le jugement entrepris mentionne l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme, et non son article R. 123-21, qui régit le plan d'occupation des sols de la commune de Montainville, approuvé le 16 juin 1989, et sur le fondement duquel les décisions attaquées ont été prises, est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de ce jugement ». :

    D’ailleurs, il ressort selon nous nettement des dispositions issues de la réforme des autorisations d’urbanisme que le lotissement est bien une notion de « fond » et non pas une procédure dès lors que les articles L.442-1 et L.442-2 du Code de l’urbanisme disposent respectivement :

    « Constitue un lotissement l'opération d'aménagement qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet la division, qu'elle soit en propriété ou en jouissance, qu'elle résulte de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de locations, d'une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments ».

    et :

    « Un décret en Conseil d'Etat précise, en fonction du nombre de terrains issus de la division, de la création de voies et d'équipements communs et de la localisation de l'opération, les cas dans lesquels la réalisation d'un lotissement doit être précédée d'un permis d'aménager ».

    C’est deux articles dissocient donc nettement la définition du lotissement en tant qu’opération d’aménagement des règles de procédure applicables s’agissant des autorisations requises pour leur réalisation. Or, comme on le sait, il y a deux procédures d’autorisation possibles (permis d’aménager ou déclaration d’aménagement) pour une seule et même définition de ce type d’opération : c’est donc bien que le lotissement n’est pas une procédure.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés