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  • Quand l’annulation partielle d’un permis de construire aboutit à la formation d’une autorisation « ITD », voire d’une autorisation superfétatoire

    Dès lors que l’aménagement projeté est divisible des constructions irrégulièrement autorisées par le permis de construire en cause, celui-ci peut faire l’objet d’une annulation partielle en tant qu’il autorise ces dernières et, par voie de conséquence, ne subsister qu’en ce qu’il prévoit cet aménagement, y compris si ce dernier ne relève pas du champ d’application de cette autorisation.

    CAA Nantes, 6 mai 2008, Ministère de l’équipement, req. n°07NT02215



    Voici un arrêt plus original que réellement intéressant bien qu’il touche à deux de nos « dadas ». Dans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire un hangar à fourrage, la couverture d’une aire d’alimentation pour génisses et une fosse à lisier ; le hangar et la couverture projetés devant prendre appui sur des hangars existants.

    Mais précisément, la légalité de ce permis de construire devait être contestée au motif tiré de l’illégalité des hangars existants dont il n’était pas établi qu’ils aient été construits en exécution et conformément aux permis de construire allégués par le constructeur puisque l’on sait qu’à défaut de procéder à sa régularisation, et sous réserve de l’article L.111-12 du Code de l’urbanisme (inapplicable à la date de la décision attaquée), un permis de construire portant sur une construction illégale s’en trouve ipso facto affecté d’illégalité. Et ce motif devait donc être retenu par la Cour administrative d’appel de Nantes :

    « Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment, du plan de masse joint à la demande de permis de construire présentée par le GAEC “Mac Mahon”, d'une part, que le hangar à fourrage projeté prend appui, par son côté nord, sur un hangar existant couvrant un couloir d'alimentation pour bétail, d'autre part, que la couverture projetée d'une aire d'alimentation pour génisses prend appui, par ses côtés est et sud, sur des hangars existants ; que pour soutenir que ces hangars préexistants avaient été régulièrement édifiés, le GAEC “Mac Mahon” ne peut utilement se prévaloir de deux permis de construire qui lui ont été délivrés le 27 janvier 1993 et le 22 avril 1994 pour l'édification de deux hangars et la couverture d'une aire d'exercice, en un autre lieu distant d'au moins cinquante mètres de celui d'implantation des deux constructions autorisées par l'arrêté contesté du 19 juillet 2005, modifié le 27 octobre 2005 ; qu'ainsi, le bâtiment à usage de hangar à fourrage et la couverture d'une aire d'alimentation pour génisses prenant appui sur des hangars construits sans autorisation, ne pouvaient être regardés comme ayant été légalement autorisés ; qu'il suit de là que les dispositions de l'arrêté contesté sont illégales en ce qu'elles autorisent ces deux constructions ».

    Il reste qu’en première instance, le Tribunal administratif de Rennes avait annulé l’ensemble du permis de construire contesté ; ce que devait donc censurer la Cour administrative d’appel de Nantes au motif suivant ;

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le maire de Mernel a, par l'arrêté contesté du 19 juillet 2005, modifié par arrêté du 27 octobre suivant, délivré au GAEC “Mac Mahon” un permis de construire dont les dispositions, bien qu'elles autorisent à la fois la couverture d'une aire d'alimentation pour génisses, l'édification d'un hangar à fourrage et le creusement d'une fosse à lisier de 1 500 m3, portent sur des travaux distincts et présentent un caractère divisible ; que, dès lors, le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES est fondé à soutenir que le tribunal, bien qu'ayant estimé que le permis de construire litigieux n'était illégal qu'en tant qu'il autorisait la construction du hangar à fourrage, a commis une erreur de droit en prononçant pour ce seul motif, l'annulation dudit permis dans sa totalité » ;

    et, en d’autres termes, a considéré que le projet présentait les caractéristiques permettant de ne prononcer que l’annulation partielle de l’autorisation s’y rapportant.

    Mais il faut relever qu’alors que le jugement de première instance était postérieur à l’entrée en vigueur de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, la Cour a caractérisé la possibilité d’une annulation partielle de l’autorisation litigieuse non pas en application de ce dispositif mais, comme précédemment, en considération de la divisibilité du projet et, notamment, de la dissociabilité de la fosse à lisier des deux autres composantes du projet : cette décision est donc à classer parmi celles tendant à relativiser la portée et l’utilité de l’article L.600-5 par rapport à la jurisprudence précédemment rendue en la matière.

    Il semble clair en effet que la fosse à lisier, d’une part, et le hangar à fourrage et la couverture de l’aire d’alimentation pour génisse, d’autre part, étaient divisibles tant d’un point de vue juridique, puisque rien ne laisse apparaître que la réalisation de cette fosse n’était permise qu’en considération de celle de l’un et/ou l’autre des deux autres équipements projetés, que d’un point de vue technique dès lors qu’elle ne prenait pas appui sur l’un et/ou l’autre de ces derniers. Mais il semble également falloir en déduire que la réalisation de cette fosse n’était pas, d’un point de vue fonctionnel, le complément indispensable des deux autres équipement puisqu’elle n’aurait pu alors être considérée comme divisible puisqu’à titre d’exemple, il a en ce sens été jugé que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les travaux autorisés par le permis de construire en litige ont pour objet tant la rénovation des bâtiments abritant la porcherie que la construction d'une fosse à lisier, d'une capacité de 2 300 m3 et d'une hauteur de 4,15 m ; que ces derniers travaux, qui se rattachent directement à l'installation classée soumise à autorisation et qui ne peuvent être regardés comme constituant de simples travaux d'entretien ou de grosses réparations au sens du a) de l'article 3 du décret du 12 octobre 1977, étaient, dès lors, soumis à l'étude d'impact prévue par lesdites dispositions ; qu'il est constant que ladite étude d'impact n'a pas été réalisée et ne figurait donc pas dans la demande de permis de construire sollicitée par la SCEA Nojarède ; qu'ainsi, l'absence de l'étude d'impact dans le dossier de la demande de permis de construire, en violation des dispositions susrappelées de l'article R. 421-2 8° du code de l'urbanisme est de nature à entraîner l'annulation du permis de construire en litige » (CAA. Marseille, 27 février 2007, Association nationale pour la protection des eaux et rivières, req. n°03MA00068) ;

    ou :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande déposée par la Société "MINES D'OR DE SALSIGNE" le 22 décembre 1992 à la préfecture de l'Aude en vue d'être autorisée à exploiter une usine de traitement par cyanuration et un stockage de résidus traités n'était pas accompagnée du justificatif de dépôt d'une demande de permis de construire en méconnaissance des dispositions susrappelées, alors qu'un tel permis était nécessaire à la construction d'une partie de ces installations ; que la Société requérante ne saurait se prévaloir de la demande de permis de construire qu'elle a déposée le 3 mai 1993, laquelle ne concernait que des constructions annexes aux installations pour lesquelles l'autorisation d'exploitation avait été sollicitée et non les constructions principales ; qu'elle ne saurait davantage invoquer la demande de permis de construire portant sur un ensemble industriel de 3.138 m5 de surface hors oeuvre nette déposée le 19 juillet 1993 qui, intervenue après l'arrêté en litige et quels que soient les raisons de ce retard, ne saurait par suite tenir lieu de la formalité exigée à l'article 2 précité du décret du 21 septembre 1977 ; que l'absence de justification de demande de permis de construire à l'appui de la demande d'autorisation au titre des installations classées constitue un vice substantiel de nature à justifier l'annulation de l'arrêté litigieux en tant qu'il concerne les installations dont l'édification est soumise à permis de construire ; qu'eu égard aux liens étroits existant entre l'usine de traitement de minerais, d'une part, et les bassins de stockage, d'autre part, lesquels ne nécessitent pas la délivrance d'un tel permis, l'arrêté contesté n'est pas divisible ; que par suite, l'irrégularité susmentionnée est de nature à justifier l'annulation de l'arrêté litigieux dans sa totalité » (CAA. Marseille, 8 novembre 2001, Sté Mines d’Or de Salsigne, req. n°97MA11230).

    Mais il est vrai qu’en l’espèce, le permis de construire attaqué a été partiellement annulé en tant qu’il portait sur le hangar et l’aire d’alimentation en cause au titre du principe dégagé par la jurisprudence « Thalamy » pour application de laquelle la notion d’indivisibilité des constructions semble s’entendre d’un point de vue technique et, en toute hypothèse, ne semble revêtir aucune dimension fonctionnelle.

    Partant, il n’y avait donc pas lieu d’annuler le permis de construire en tant qu’il autorisait cette fosse à lisier dans la mesure où le seul fait qu’elle soit projetée sur un terrain accueillant une construction illégale ne pouvait suffire à lui rendre opposable la règle dégagée par la jurisprudence « Thalamy »

    Mais quoi qu’il en soit, l’annulation partielle de l’autorisation litigieuse a donc abouti en l’espèce à la formation d’un permis de construire n’autorisant que le creusement d’une fosse à lisier, c’est-à-dire sur un aménagement ne constituant pas une construction et ne relevant donc pas du champ d’application de cette autorisation puisque soumis alors, sous réserve en outre de la sectorisation des travaux, à autorisation « ITD » (laquelle a depuis été absorbée par le permis d’aménager) au titre de l’ancien article R.442-2 du Code de l’urbanisme.

    De deux choses l’une dès lors et en première analyse :

    - soit, cette fosse était effectivement soumise à autorisation « ITD » et il aurait pu être considéré le permis de construire ne portant que sur celle-ci, du fait de son annulation partielle, s’en trouvait illégal à ce titre puisqu’une autorisation d’urbanisme délivrée à la place de celle effectivement requise est illégale, y compris si celle délivrée consiste en un permis de construire, c’est-à-dire en la « reine » des autorisations (pour l’exemple d’un permis de construire délivré pour une construction relevant du régime déclaratif : TA. Nice, 18 novembre 1999, M. Carl c/ Cne de Menton, req. n°95-3794) ;

    - soit, cette fosse n’était soumise à aucune autorisation d’urbanisme et le permis de construire s’y rapportant était un acte superfétatoire à l’encontre de laquelle l’association requérante n’aurait pas eu intérêt à agir (pour exemple : notre note : « Le retrait d’un premier permis de construire et la délivrance d’un nouveau sont des actes superfétatoires lorsqu’ils sont destinés à opérer une régularisation qui n’a pas lieu d’être », CAA. Bordeaux, 6 novembre 2006, Association des Belles Dames, Environnement et Patrimoine, AJDA, n°2/2007).

    Il reste qu’en jugeant que :

    « Considérant, en premier lieu, que les juges du fond n'ont pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que les autorisations dont ils ont prononcé l'annulation étaient divisibles des autres autorisations accordées par les permis contestés ; que les moyens tirés par les requérants de ce que l'atteinte portée à l'ensemble du projet par l'annulation partielle prononcée par la cour serait de nature à remettre en cause la régularité de la procédure d'octroi des permis, notamment en dénaturant l'avis favorable donné par les communes intéressées qui était fondé sur le bilan positif de l'ensemble de l'opération, sont inopérants dès lors qu'ils tendent à contester la régularité d'une autorisation administrative à raison de l'effet sur celle-ci de la décision prise par le juge quant à sa légalité » (CE. 11 novembre 2006, Association de Défense du Mezenc, req. n°281.072);

    le Conseil d’Etat a précisé que la régularité procédurale d’une autorisation d’urbanisme n’avait pas lieu d’être appréciée « rétrospectivement » en conséquence de son annulation partielle : bien que ne subsistant plus que pour une fosse à lisier, l’autorisation partiellement annulée n’en demeurait donc pas moins un permis de construire.

    En toute hypothèse, quel que soit l’objet d’un permis de construire au terme de son annulation partielle, il sera toujours possible de mettre en œuvre l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme en ce qu’il précise que « lL'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive ».



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés