Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Passé, présent et avenir de la jurisprudence dite « Vicquenau »

    La délivrance d’un second permis de construire sur un même terrain, à un même titulaire et pour un même projet rapporte le premier nonobstant la circonstance que ce deuxième permis de construire ait, contrairement au premier, mentionné l'ensemble des parcelles dont la société pétitionnaire était propriétaire, et non pas les seules parcelles concernées par le projet.

    CAA. Nancy, 21 juin 2007, Sté Bricorama France, req. n°06NC00965


    Voici un arrêt qui s’il appelle peu de commentaires n’en est pas moins intéressant dans la mesure où, d’une part, il précise les modalités d’application de la jurisprudence dite « Vicquenerau » et, d’autre part, nous permet d’aborder la question du devenir de cette jurisprudence en considération du nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme relatif au délai de retrait des principales d’autorisations d’urbanisme.

    On sait, en effet, que par l’arrêt « Vicqueneau » (CE. 31 mars 1999, Vicqueneau, BJDU, 2/1999, p.156) , le Conseil d’Etat a posé le principe selon lequel la délivrance d’un second permis de construire peut emporter implicitement le retrait définitif du premier ; ce dont il résulte, d’une part, qu’il n’y a pu lieu de statuer sur le recours exercé à l’encontre de ce dernier et, d’autre part, que dans l’hypothèse où le second est annulé, cette circonstance n’a pas pour effet de faire revivre le premier, sauf à ce que le second ait été contesté en tant qu’il valait retrait du premier.

    Il reste que l’application de ce principe est subordonné à trois conditions cumulatives.

    Tout d’abord, il est nécessaire que le second permis de construire soit délivré au même titulaire que le premier (CE. 16 janvier 2002, Portelli, Juris-Data, n° 2002-063443).

    Ensuite, il semble que le projet autorisé par le second permis de construire doive être similaire à celui visé par le premier ou, à tout le moins, que les deux permis de construire successivement délivrés aient le « même objet » (CE. 7 juillet 1999, Michelland, req. 181.312) ou poursuivent « le même but » (CAA. Versailles,18 novembre 2004, M. Bruno Y., req n°02VE02508).

    Enfin, les deux permis de construire doivent porter sur le même terrain ; ce qui constitue, d’ailleurs, la condition de base dès lors que c’est le terrain qui constitue l’assiette du droit de l’urbanisme et, notamment, du droit des autorisations d’occupation ou d’utilisation des sols.

    Précisément, c’est la portée de cette condition que précise l’arrêt commenté.

    Dans cette affaire, un premier permis de construire conjoint avait été délivré à deux sociétés, lesquelles, après que ce permis eu été frappé d’un recours, en obtinrent un second.

    Par voie de conséquence, le Tribunal administratif de Besançon devait juger que le recours exercé à l’encontre du premier permis de construire était devenu ainsi dépourvu d’objet du fait de la délivrance du second et qu’il n’y avait donc pas lieu de statuer dessus.

    Mais la société requérante devait faire appel de ce jugement en faisant valoir que les deux permis de construire en cause n’étaient pas strictement identiques puisque, s’ils portaient sur la même unité foncière, il reste que le premier ne portait que sur les parcelles directement concernées par le projet alors que le second incluait l’ensemble des parcelles constituant cette unité foncière. Mais la Cour administrative d’appel de Nancy devait également juger que :

    « Considérant que le maire de la commune de Bessoncourt a accordé le 14 janvier 2004 aux sociétés Auchan et Immochan un permis de construire portant sur l'extension et la restructuration de l'hypermarché qu'elles exploitent dans la zone industrielle et commerciale de ladite commune ; que, postérieurement au recours formé par la SOCIETE BRICORAMA France devant le Tribunal administratif de Besançon, le maire de la commune a, sur la nouvelle demande de permis de construire déposé le 27 juillet 2004, accordé le 20 septembre 2004 aux sociétés Auchan et Immochan, un nouveau permis de construire sur le même terrain, qui a implicitement mais nécessairement rapporté le permis initial du 14 janvier 2004, nonobstant la circonstance que ce deuxième permis de construire ait, contrairement au premier, mentionné l'ensemble des parcelles dont la société pétitionnaire était propriétaire, et non pas les seules parcelles concernées par le projet ; que, par suite, la SOCIETE BRICORAMA France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé un non-lieu sur la demande d'annulation du permis initial et que l'existence de ce permis initial aurait rendu illégale la délivrance d'un nouveau permis de construire ».

    En résumé, la délivrance d’un second permis de construire sur un même terrain, à un même titulaire et pour un même projet rapporte le premier nonobstant la circonstance que ce deuxième permis de construire ait, contrairement au premier, mentionné l'ensemble des parcelles dont la société pétitionnaire était propriétaire, et non pas les seules parcelles concernées par le projet.

    La solution retenue est difficilement contestable dès lors, tout d’abord, que quelle que soit l’assiette foncière visée dans les demandes de permis de construire, toujours est-il que les deux permis de construire portaient sur la même unité foncière, ensuite, que les deux projets étaient sis au même endroit, enfin et plus spécifiquement, qu’elle empêche de contourner la jurisprudence « Vicqueneau » par un artifice n’ayant, par principe, aucune incidence sur la consistance réelle du projet. Dans le même sens, force est de considérer que la circonstance que terrain d’assiette de l’opération projetée ait changé de propriétaire entre la délivrance du premier permis de construire et celle du second ne s’opposerait pas à l’application de cette jurisprudence.

    Précisément, l’élément déterminant nous semble être que les deux projets autorisés avaient vocation à être implantés au même endroit puisqu’à notre sens, la jurisprudence « Vicqueneau » ne s’oppose pas à ce qu’une même personne obtiennent deux permis de construire portant sur des constructions identiques mais projetées à des endroits différents de la même l’unité foncière, pour autant que l’exécution de l’un ne s’oppose pas à l’exécution conforme du second.

    Il faut maintenant trancher la question de l’avenir de la jurisprudence « Vicqueneau » au regard du nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme limitant le délais de retrait des permis à trois mois en ce qu’il précise que « passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».

    En première analyse, on pourrait considérer que le nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme n’est pas de nature à remettre en cause la portée de cette jurisprudence dès lors que la jurisprudence dite « Ternon » ne s’est pas elle-même opposée à la formation et au maintien de la jurisprudence dite « Vicqueneau ».

    Il reste que la première se bornait à préciser que le délai de retrait de quatre moins ainsi imposé valaient « hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire » – sans plus de précision – et que la seconde considérait que la demande de second permis valait demande implicite de retrait du premier (CE. avis du 6 juillet 2005, n° 277.276). Telle étant la raison de la condition selon laquelle les deux permis de construire doivent avoir été délivrés à un même titulaire puisque la demande de permis de construire présentée par un tiers ne saurait s’analyser comme une demande de retrait du premier émanant de son bénéficiaire.

    Or, précisément, l’alinéa 2 du nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme précise expressément que « passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».

    En l’état, il semble donc que ce n’est que dans le cas où le pétitionnaire aura expressément précisé que sa demande tendant à la délivrance d’un second permis de construire vaut demande de retrait du premier que la délivrance éventuelle du second vaudra retrait de ce dernier. A défaut d’une telle précision et passé le délai de trois mois prévu par le nouvel article L.424-5 du code de l’urbanisme, cette seconde autorisation ne pourra donc valoir, a priori, retrait de la première.

    Mais bien entendu, il incombera à la jurisprudence administrative de confirmer cette analyse mais également de préciser si, forte de la demande explicite formulée par le pétitionnaire, l’administration pourra retirer le premier permis sans pour autant délivrer le second.

    Dans cette attente, on conseillera ainsi aux pétitionnaires de préciser expressément que leur demande d’un second permis de construire ne vaut pas expressément demande de retrait du premier ou, le cas échéant, de conditionner leur demande de retrait portant sur la première autorisation à la délivrance de la seconde (sur cette possibilité : TA. Strasbourg, 2 mai 1996, SCI Diffusion, BJDU, n°2/96, p.125).

    Quoi qu’il en soit, le nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme n’apparaît pas, en lui-même, de nature à remettre en cause la jurisprudence « Vicqueneau » pour le cas où la délivrance du second permis interviendrait avant l’expiration du délai de trois mois pendant lequel l’administration peut procéder au retrait du premier. En pareil cas et sauf infléchissement de la jurisprudence, la délivrance de cette seconde autorisation pourra donc valoir retrait implicite de la première alors même que son titulaire ne l’aurait pas explicitement demandé.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • VEILLE ADMINISTRATIVE : Application dans le temps du décret n°2006-958 du 31 juillet 2006 sur le délai de validité du permis de construire (anc. art. R.421-32 ; C.urb)

    La réponse ministérielle n°1174 confirme que le décret du 31 juillet 2006 portant modification du délai de validité des permis de construire assujettis à l’ancien article R.421-32 du Code de l’urbanisme s’applique à l’ensemble des permis de construire encore valides à sa date de publication, le 2 août 2006, y compris donc à ceux frappés d’un recours avant cette échéance.


    TEXTE DE LA QUESTION :

    « M. Nicolas Dupont-Aignan appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, sur l'interprétation du décret n° 2006-958 du 31 juillet 2006 relatif aux règles de caducité du permis de construire et modifiant le code de l'urbanisme. Ce décret dispose que : « Article 1er : Lorsque le permis de construire a fait l'objet d'un recours en annulation devant la juridiction administrative ou d'un recours devant la juridiction civile en application de l'article L. 480-13, le délai de validité de ce permis est suspendu jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle irrévocable. Article 2 : Le présent article s'applique aux permis de construire en cours de validité à la date de sa publication ». Il lui demande si ce décret est applicable à un permis de construire en cours de validité au moment de la publication du décret mais faisant l'objet d'une instance introduite devant la juridiction administrative, antérieurement à la publication dudit décret. Il lui demande également, au cas où ce décret trouverait à s'appliquer, à quelle date la publication du permis de construire prend alors effet ».

    TEXTE DE LA REPONSE :

    « Aux termes des dispositions introduites par le décret n° 2006-958 du 31 juillet 2006 relatif aux règles du permis de construire et modifiant l'article R. 421-32, alinéa 4, du code de l'urbanisme, lorsque le permis de construire fait l'objet d'un recours devant une juridiction administrative ou judiciaire, le délai de validité de cette autorisation est suspendu jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle irrévocable. Il est en outre précisé à l'article 2 dudit décret que cette suspension du délai de validité du permis de construire est applicable à tous les permis de construire en cours de validité à la date de publication du décret (Journal officiel du 2 août 2006). Cette règle s'applique donc à tous les permis de construire en cours de validité au 2 août 2006, y compris à ceux concernés par une instance en cours à la date du 2 août 2006. Elle s'applique également à ceux pour lesquels une décision juridictionnelle irrévocable serait intervenue antérieurement au 2 août 2006, dès lors qu'ils n'étaient pas caducs à cette date. Dans tous les cas, le délai de validité du permis de construire est suspendu depuis la date de la notification du recours au pétitionnaire jusqu'à la date de la notification de la décision juridictionnelle irrévocable à ce même pétitionnaire. La notification de la décision juridictionnelle irrévocable fait de nouveau courir le délai de validité du permis de construire pour la durée restant à courir ; celle-ci étant déterminée en ôtant du délai de validité du permis de construire (deux ans) le délai qui s'est écoulé depuis la notification de la décision accordant le permis de construire jusqu'à la notification du recours en annulation ».

    On relèvera que le sens de cette réponse est conforme à l’analyse faite par la Cour administrative d’appel de Bordeaux (CAA. Bordeaux, 5 juillet 2007, Richard & Bougerolle, req. n°05BX00191 ; cf : notre note in AJDA n° 36/2007, p.1995 et ici).

    On émettra cependant une réserve sur la précision selon laquelle « le délai de validité du permis de construire est suspendu depuis la date de la notification du recours au pétitionnaire » puisque dès lors que l’article R.421-32 du Code de l’urbanisme se borne à disposer que « lorsque le permis de construire fait l'objet d'un recours devant une juridiction administrative ou judiciaire, le délai de validité de cette autorisation est suspendu jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle irrévocable », il nous semble que cette suspension intervient à la date d’enregistrement de la requête par le Tribunal, lequel peut, d’ailleurs, mettre plusieurs jours, voire plusieurs semaines avant de la notifier au pétitionnaire.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés