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Dès lors que les travaux portent sur SHON supérieure à 170 mètres carrés, le permis ayant pour objet d'autoriser de tels travaux ne peut être délivré qu'au vu d'un projet établi par un architecte

Il résulte des dispositions des articles L.421-2 et R.421-1-2 du Code de l’urbanisme que dès lors que les travaux qui font l'objet du permis de construire portent sur une surface totale de plancher hors oeuvre nette supérieure à 170 mètres carrés, le permis ayant pour objet d'autoriser de tels travaux ne peut être délivré qu'au vu d'un projet établi par un architecte, y compris si la surface créée à leur occasion ne dépasse pas en eux-mêmes ce seuil.

CE. 30 mai 2007, M. X…, req. n°292.741


La solution proposée par l’arrêt commenté (lequel sera mentionné aux Tables du Recueil) apporte une précision importante sur l’obligation de recourir à un architecte pour l’établissement du projet architectural d’une demande de permis de construire, laquelle, à notre connaissance, n’avait jusqu’à présent donné lieu qu’à peu de jurisprudence significative (pour exemple : CAA. Marseille, 30 septembre 1999, Cne de Villefranche, req. n°97MA00634).

On sait, en effet, qu’aux termes de l’article L.421-2 du Code de l’urbanisme et « conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi nº 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, la demande de permis de construire ne peut être instruite que si la personne qui désire entreprendre des travaux soumis à une autorisation de construire a fait appel à un architecte pour établir le projet architectural faisant l'objet de la demande de permis de construire » ; l’article R.421-1-2, a) précisant cependant que « conformément à l'article 1er du décret nº 77-190 du 3 mars 1977 modifié, ne sont pas tenues de recourir à un architecte pour établir le projet architectural à joindre à la demande d'autorisation de construire les personnes physiques qui déclarent vouloir édifier ou modifier pour elles-mêmes (…) une construction à usage autre qu'agricole dont la surface de plancher hors oeuvre nette n'excède pas 170 mètres carrés ».

Il s’ensuit, sous réserve des autres dérogations possibles, que tous les travaux portant sur un immeuble existant emportant la création de plus de 170 mètres carrés de SHON supplémentaire doivent relever d’un permis de construire dont le projet architectural doit avoir été établi par un architecte. Et à ce titre, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de jugé que cette obligation est opposable dès lors que les travaux projetés ont pour effet de porter la SHON l’immeuble au dessus de ce seuil, y compris si le bâtiment existant avant travaux d’extension développe une SHON inférieure à 170 mètres carrés et alors même que les travaux d’extension projeté emportent une création de SHON nouvelle inférieure à ce seuil :

« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Hugnu, afin de transformer un hangar en maison d'habitation, a présenté une demande de permis de construire, sans avoir eu recours à un architecte pour établir le projet architectural, en vue, d'une part, d'aménager le bâtiment existant dont la surface hors oeuvre nette totale était de 62 m2 et, d'autre part, d'agrandir ledit bâtiment en créant une surface hors oeuvre nette nouvelle de 152 m2 ; qu'ainsi les travaux envisagés portaient sur une surface hors oeuvre nette totale de 214 m2 qui excédait la surface maximale fixée par l'article R. 412-1-2 précité ;
Considérant que la COMMUNE DE LORMONT invoque la circulaire du ministre de l'équipement et de l'aménagement du territoire du 23 mai 1977 et les réponses ministérielles en date du 25 février 1980 et du 12 juillet 1982 en vertu desquelles : en cas d'agrandissement, le recours à l'architecte n'est pas obligatoire si l'immeuble existant a une surface inférieure à 170 m2, alors même que la surface additionnée de l'immeuble existant et de l'extension dépasse 170 m2 ; que le ministre n'a pas entendu, par la circulaire et les réponses ministérielles précitées, dispenser du recours à un architecte les travaux consistant à la fois à aménager un immeuble existant et à l'agrandir lorsque la surface hors oeuvre nette qui fait l'objet de l'ensemble de ces travaux est supérieure à 170 m2 ; que, par suite, l'arrêté par lequel le maire de Lormont a délivré un permis de construire à M. Hugnu est entaché d'excès de pouvoir
» (CE. 19 janvier 1994, Cne de Lormont, req. n°118.334. Dans le même sens s’agissant du seuil de 250 m² de SHOB anciennement fixé par le décret n°77-772 du 7 juillet 1977 : CE. 4 juillet 1984. Favre-Lorraine, req. n°40392).

En revanche, la Haute Cour n’avait par encore eu l’occasion de statuer « clairement » sur l’obligation du recourir à un architecte lorsque les travaux projetés portent sur un immeuble existant d’une SHON supérieure à 170 mètres carrés mais ne créent pas en eux-mêmes une SHON nouvelle supérieure à ce seuil ; ce qui est dorénavant fait :

« Considérant qu'il résulte de ces dispositions que dès lors que les travaux qui font l'objet du permis de construire portent sur une surface totale de plancher hors oeuvre nette supérieure à 170 m², le permis ayant pour objet d'autoriser de tels travaux ne peut être délivré qu'au vu d'un projet établi par un architecte ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la surface de plancher initiale du bâtiment dont la transformation a été autorisée par le permis attaqué était de 201 m² ; qu'ainsi, nonobstant la circonstance que l'extension sollicitée, d'une superficie de 128 m², soit inférieure au seuil de 170 m², le dossier de demande de permis de construire de transformation et d'extension devait comporter un projet architectural établi par un architecte ; qu'en l'absence d'un tel projet, le permis attaqué a été délivré en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 421-2 et R. 421-1-2 du code de l'urbanisme
»

Ce faisant, le Conseil d’Etat a ainsi confirmé clairement – et par un considérant de principe – la solution implicite qui se dégageait d’un de ses précédents arrêts rendu dans une affaire plus particulière :

« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire présentée par M. Lemaire portait sur la modification d'une partie d'un bâtiment d'habitation sis au 2 bis et au 4 rue des Vivants à Bordeaux, en vue d'édifier au n° 4, après démolition de 120 m2, une partie neuve de 168 m2 ; qu'il n'est pas contesté que l'immeuble sis au 2 bis et au 4 rue des Vivants couvre une superficie de 335 m2 ; que la circonstance que l'extension projetée par la demande de permis de construire ne portait que sur la partie de l'immeuble d'habitation sis au n° 4, alors que les deux bâtiments ne sont pas distincts et constituent ensemble un bâtiment d'habitation, ne permet pas à elle seule d'avoir le bénéfice de la dérogation prévue par les textes précités à l'obligation de recourir à un architecte ; qu'ainsi c'est par une exacte inexacte application desdites dispositions que le tribunal administratif de Bordeaux a regardé la demande présentée par M. Lemaire comme entrant dans le champ d'application de la dérogation prévue au a) de l'article R. 421-1-2 du code de l'urbanisme ; que la VILLE DE BORDEAUX est, dès lors, fondée à soutenir que les premiers juges se sont à tort fondés sur ce motif pour annuler la décision attaquée par laquelle le maire avait rejeté la demande de permis présentée par M. Lemaire » (CE. 8 novembre 1995, Ville de Bordeaux, req. n°121.099).

Mais par recoupement avec ce dernier, c’est précisément la généralité de ce considérant de principe qui suscite certaines interrogations puisque si l’obligation de recourir à un architecte s’impose « dès lors que les travaux qui font l'objet du permis de construire portent sur une surface totale de plancher hors oeuvre nette supérieure à 170 m² », il semble donc qu’il faille tenir compte de la SHON existante à la date de délivrance du permis de construire autorisant l’extension du bâtiment, indépendamment, le cas échéant, de toute considération liée au permis de démolir dont il pourrait également faire l’objet si, à cette date, ce dernier n’a pas été exécutée.

Il semble s’ensuivre, à titre d’exemple, qu’un permis de construire autorisant l’extension à hauteur de 25 mètres carrés d’un bâtiment existant d’une SHON initiale de 175 mètres carrés mais faisant également l’objet d’un permis de démolir portant sur une SHON de 30 mètres devra nécessairement – si à sa date de délivrance, ce permis de démolir n’a pas été exécuté – être délivré au vu d’un projet architectural établi par un architecte, bien que prise dans son ensemble cette opération de « démolition/extension » ait pour effet de porter la SHON du bâtiment après travaux en deçà du seuil de 170 mètres carrés prévu par l’article R.421-1-2 du Code de l’urbanisme.


Patrick E . DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

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