Extension et restriction du champ d’application de la notification des recours prescrite par l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme
L’arrêté préfectoral portant déclaration de Projet d’Intérêt Général (« PIG ») constitue une décision relative à l’occupation et l’utilisation du sol. Par voie de conséquence, le recours en annulation à l’encontre d’un tel arrêté est assujetti à l’obligation de notification prescrite par l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme.
CAA. Lyon, 5 juillet 2007, Communauté de communes du Senonais, req. n°04LY00564
L’arrêt ici commenté est intéressant dans la mesure où, d’une part, il précise la nature juridique d’un arrêté de « PIG » au regard de l‘article R.600-1 du Code de l’urbanisme – ce qui, à notre connaissance, n’avait donné lieu à ce jour qu’à un jugement du Tribunal administratif de Nice allant dans le même sens (TA. Nice, 5 mai 1998, Association Equilibre, req. n°97-04214) – et où, d’autre part, il nous permettra d’appréhender la restriction du champ de l’obligation de notification des recours régie pas cet article, telle qu’elle résulte du décret du 5 janvier 2007 relatif à la réforme des autorisations d’urbanisme, laquelle nous semble assez « symptomatique » de l’esprit de cette réforme (dont, pour ma part et sous réserve de rares exceptions, je recherche encore l’aspect simplificateur et sa dimension sécurisante pour les constructeurs …).
Dans le but et au prétexte de responsabiliser les requérants et de sécuriser les constructeurs, la loi n°94-112 du 9 février 1994 a institué à la charge des requérants – par l’article L.600-3 du Code de l’urbanisme, ultérieurement transféré à l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme par le décret n°2000-389 du 4 mai 2000 – l’obligation de notifier les recours administratifs et les recours en annulation exercés à l’encontre d'un « document d’urbanisme » ou d'une « décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol » dont la méconnaissance reste encore aujourd’hui une cause d’irrecevabilité de très nombreuses requêtes.
Mais au delà de cet aspect strictement contentieux, l’application de l’actuel article R.600-1 du Code de l’urbanisme a participé à la définition et la circonscription des notions :
- de documents d’urbanisme, d’une part, définis comme « les documents élaborés à l’initiative d’une collectivité publique ayant pour objet de déterminer les prévisions et règles touchant à l’affectation et à l’occupation des sols, opposables aux personnes publiques et privées » (CE. avis, 17 janvier 1997, Association de défense du site de Galluis, req. n°183.072) ;
- de décisions relatives à l’utilisation ou l’occupation du sol, d’autre part, définies, du moins pour application de l’article précité, comme « les décisions valant autorisation d’occupation ou d’utilisation du sol qui sont régies par le code de l’urbanisme » (CE. avis, 6 mai 1996, SARL Nicolas-Hill Immobilier, req. n°178.426).
Il reste qu’un certain nombre d’actes institués et régis par le Code de l’urbanisme se trouvent à la croisée des chemins de ces deux notions.
Tel est le cas de l’autorisation de création d’unité touristique nouvelle (« UTN ») qui, d’une part, entérine la faisabilité d’un projet d’aménagement en montagne sans pour autant constituer un document d’urbanisme puisqu’il est nécessaire que la commune intéressée dispose d’un document local d’urbanisme permettant la réalisation de ce projet (CE. 22 janvier 2003, Cne de Saint-Ours-les Roches, req. n°212.522) et qui, d’autre part, bien qu’elle porte le terme d’autorisation n’a pas pour effet d’autoriser des travaux et ne dispense évidemment pas d’obtenir les permis de construire et/ou les autorisations d’installation de remontées mécaniques requis.
Pour autant, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que le recours exercé contre une telle autorisation était assujetti à l’obligation de notification prescrite par l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme (CAA. Bordeaux, 28 décembre 1995, Association de défense du lac, req. n°95BX00521) ; la Cour administrative d’appel de Marseille ayant plus récemment précisé que cet assujettissement valait en tant que cette autorisation constitue une décision relative à l’utilisation du sol (CAA. Marseille, 8 décembre 2005, Association pour la protection du lac de Sainte-Croix, req.n°02MA00707). Pourquoi pas dès lors qu’une autorisation « UTN » répond bien à une demande formulée par la commune intéressée, laquelle s’en trouve ainsi bénéficiaire pour la réalisation d’un projet déterminé.
Quant à l’arrêté portant déclaration de « PIG », il est bien évident que celui-ci ne constitue pas un document d’urbanisme dès lors qu’il a pour objet, d’une part, de qualifier d’intérêt général un projet déjà inscrit (art. R.121-3 ; C.urb) soit dans la délibération ou la décision d’une personne ayant la capacité d’exproprier et ayant arrêté le principe et les conditions de réalisation du projet, soit dans un document de planification prévus par les lois et règlements (sur ce point : CE. 28 juillet 1995, SA Plâtres Lambert-Productions, AJDA, 1995, p.696) et a pour effet, d’autre part, d’imposer à la commune concernée de réviser son document d’urbanisme local aux fins de permettre la réalisation du projet (art. L.123-14 ; C.urb). En cela, un arrêté portant déclaration de « PIG » n’est pas un document d’urbanisme mais « se situe à la charnière de deux séries de règles juridiques : celles qui sont liées à la décisions à la décision initiale qui l’a constitué en tant que projet et celles qui sont liées aux documents d’urbanisme qui doivent le prendre en compte » (F. Moderne, « Les projets d’intérêt général dans le droit de l’urbanisme », CJEG, 1986, p.301).
Mais en revanche, la Cour administrative d’appel de Lyon vient donc de juger qu’un recours à l’encontre d’un arrêté portant déclaration de « PIG » devait être notifié au titre de l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme en tant que cette déclaration constitue « une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par les dispositions du Code de l’urbanisme » :
« Considérant que la décision qualifiant un projet de projet d'intérêt général en application de l'article R. 121-4 du code de l'urbanisme est une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol qui est régie par les dispositions du code de l'urbanisme ; qu'il est constant que la commune de Saint-Denis-Les-Sens n'a pas effectué les formalités de notification de sa demande de 1ère instance ; qu'ainsi la demande de la commune présentée devant le Tribunal administratif était irrecevable ; qu'il y a lieu dès lors d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Dijon en date du 17 février 2004, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur sa régularité, et de rejeter la demande de première instance de la commune de Saint-Denis-Les-Sens ».
Une telle solution de manque pas de surprendre au regard de la position du Conseil d’Etat qui, rappelons-le, considère qu’il faut entendre par décisions relatives à l’occupation ou l’utilisation du sol au sens de l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme « les décisions valant autorisation d’occupation ou d’utilisation du sol qui sont régies par le code de l’urbanisme » (CE. avis, 6 mai 1996, SARL Nicolas-Hill Immobilier, req. n°178.426) et ce, de façon stricte puisque la Haute Cour a ainsi précisé que sont exclus du champ d’application de l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme les recours dirigés contre un certificat d’urbanisme positif puisque si ce dernier est créateur de droit, il ne vaut cependant pas, même lorsqu’il est d’ordre opérationnel, autorisation dès lors qu’il n’a pas pour objet de permettre une construction ou la réalisation d’une opération d’urbanisme (CE. avis 13 octobre 2000, Procarione, req. n°223.297) ; étant relevé que, pour sa part, la Cour lyonnaise avait précédemment jugé le contraire (CAA. Lyon, 10 juin 1997, Sté MGM, req. n°96LY00389)…
Or, non seulement un arrêté portant déclaration de « PIG » n’autorise pas la réalisation d’un projet mais, en outre et à la différence d’un certificat d’urbanisme positif, il n’a pas de titulaire et, a fortiori, pas de bénéficiaire.
Il faut, en effet, préciser que, bien que cela soit souvent le cas, un arrêté portant déclaration de « PIG » n’est pas réputé intervenir sur une demande ; telle étant, d’ailleurs, la raison pour laquelle un refus de déclaration de « PIG » n’a pas à être motivé au titre de la loi du 11 juillet 1979 (CE. 7 février 2007, Sté Sagace, req. n°287.252).
En outre, un tel arrêté a pour seul et unique destinataire la commune concernée par l’implantation du projet (art. R.121-4 ; C.urb) et ne produit ses effets propres qu’à l’encontre de cette dernière en l’obligeant à diligenter ou à subir une révision d’office de ce document d’urbanisme. A son égard, l’arrêté portant déclaration de « PIG » constitue donc une décision faisant grief dont elle ne saurait être raisonnablement être reconnue comme bénéficiaire…
Mais à compter du 1er octobre 2007 ou, plus précisément, pour ce qui concerne les recours introduits après cette date, cette jurisprudence sera obsolète puisque si le décret du 5 janvier 2007 a conservé l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme et l’obligation de notification subséquente, il a en revanche exclu de son champ d’application les recours dirigés à l’encontre des documents d’urbanisme pour n’y assujettir expressément que ceux exercés à l’encontre d’un certificat d’urbanisme, d’une décision de non-opposition à déclaration préalable et d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir. Cette restriction ne nous apparaissant pas choquante puisqu’elle ramène le champ d’application de l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme à ce qui est nécessaire pour sécuriser les constructeurs, bien qu’à la marge, l’on puisse regretter que semblent s’en trouver exclus les recours à l’encontre d’autorisations d’installation de remontées mécaniques, lesquelles valent permis de construire mais ne constituent pas, à proprement parler, des permis de construire.
Mais il faut, surtout, rappeler que l’idée de la loi du 9 février 1994 « était d’assurer une meilleures protection d’autorisation contre des recours intempestifs qui ont tendance à se multiplier » (Concl. Bonichot sur : CE. avis, 6 mai 1996, SARL Nicolas-Hill Immobilier, req. n°178.426). Et force est d’admettre que l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme a, parfaitement, rempli son office à cet égard en participant au rejet pour irrecevabilité de nombreux recours dont les auteurs n’avaient pas toujours connaissance ou souvenance de cette obligation.
Or, il n’est pas si certain qu’il conservera cette capacité puisque tout en maintenant l’obligation notification des recours à l’encontre des principales autorisations d’urbanisme, le décret du 5 janvier 2007 a prévu un dispositif de nature à informer les requérants de l’obligation mise à leur charge par l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme puisque le nouvel article R.424-15 du Code de l’urbanisme prescrit que l’affichage de l’autorisation sur le terrain des opérations « mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable » ; le nouvel article A.424-17, issu des arrêtés des 11 et 13 septembre 2007, précisant pour sa part que « le panneau d'affichage comprend la mention suivante (…) "Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l'urbanisme)"»…
Mais précisément, toute la question est de savoir quelles seront les conséquences d’un affichage ne mentionnant pas avec les précisions requises l’obligation prévue par l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme (voir : CAA. Lyon, 25 mars 2008, M et Mme X., req. n°07LY02820 ; 16e décision signalée).
Mais pour notre part, il nous semble exclu qu’en pareil cas, la méconnaissance de cette obligation par le requérant n’affecte pas la recevabilité de son recours puisque l’article R.600-1 ne prévoit lui-même aucune exception au principe d’irrecevabilité qu’il institue en cas d’absence de notification du recours dans les conditions qu’il prévoit.
Tout au plus, on pourrait imaginer que l’absence de cette mention s’opposerait au déclenchement du délai de recours contentieux à l’encontre de la décision en cause. Mais même si tel devait être le cas, les perspectives pour les requérants n’en seraient pas moins réduites puisque par l’exercice d’un recours ils manifestent leur connaissance acquise de la décision attaquée, laquelle suffit à déclencher le délai de recours contentieux à son encontre, y compris lorsqu’elle est irrecevable au regard des prescriptions de l’article R.600-1 du code de l’urbanisme.
Ce n’est donc que dans le cas où ils s’apercevraient spontanément de leur erreur ou qu’ils en seraient avertis par le greffe de la juridiction saisie avant l’expiration du délai contentieux déclenché par l’exercice d’un recours à l’encontre de la décision attaquée qu’ils pourraient régulariser leur situation par l’exercice d’un nouveau recours cette fois-ci dûment notifié.
Or, compte tenu de la pratique de la plupart des greffes des tribunaux administratifs qui, le plus souvent, attendent consciencieusement l’expiration du délai de quinze jours à compter du dépôt de la requête pour demander aux requérants de justifier de l’accomplissement de la notification, il n’est pas si certain que les requérants puissent profiter de leur concours puisque, pour les juridictions administratives, l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme a pour principal intérêt de leur permettre d’évacuer rapidement, le cas échéant, par ordonnances de tri, les recours affectés d’une irrecevabilité manifeste…
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés