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  • Sur la méthodologie applicable pour caractériser « une agglomération de plus de 100 000 habitants au sens du recensement général de la population » pour application de l’article R.111-48 du Code de l’urbanisme relatif à l'étude de sécurité publique

     

    Si la notion d’agglomération au sens de l’article R.111-48 du Code de l’urbanisme doit être comprise au sens de la notion d’unité urbaine telle que définie par l’INSEE, la circonstance que le zonage de la ville d’implantation du projet dans une telle unité n’ait pas été rendu publique à la date de délivrance de l’autorisation contestée est sans incidence ; l’autorité compétente devant néanmoins vérifier par une appréciation de fait fondée sur les données disponibles de l’INSEE si tel et ou non le cas.

    TA. Montpellier, 20 décembre 2012, Association « Tranquillité à Saint-Gely-du-Fesc », req. n°11-00363

    Bien qu’il appelle relativement peu de commentaires, voici un jugement intéressant en ce qu’il participe à définir le champ d’application de la procédure d’étude de sécurité publique instituée par l’article L.111-3-1 du Code de l’urbanisme et, plus généralement, les modalités d’appréciation de la notion d’agglomération au sens notamment dudit Code.


    Dans cette affaire, le Maire avait délivré un permis de construire un complexe cinématographique – constituant en l’espèce un « ERP » de 1er catégorie – mais dont la légalité devait être contestée au regard notamment des articles R.111-48 et R.431-16 du Code de l’urbanisme ; l’association requérante soutenant que l’étude de sécurité publique n’avait pas été réalisée et, en toute hypothèse, n’avait pas été jointe au dossier au vu duquel avait été délivrée cette autorisation alors que celle-ci était requise au titre de l’article R.111-48 (1°) précité en ce qu’il disposait, à la date de délivrance de l’autorisation contestée, que :

    « est soumise à l'étude de sécurité publique prévue par l'article L. 111-3-1 :
    1° Lorsqu'elle est située dans une agglomération de plus de 100 000 habitants au sens du recensement général de la population :
    a) L'opération d'aménagement qui, en une ou plusieurs phases, a pour effet de créer une surface hors oeuvre nette supérieure à 100 000 mètres carrés ;
    b) La création d'un établissement recevant du public de première catégorie, au sens de l'article R. 123-19 du code de la construction et de l'habitation
    ».


    Plus précisément, pour soutenir que la commune d’implantation du projet appartenait à une telle agglomération, en l’occurrence celle de Montpellier, l’association requérante faisait ainsi valoir que la notion « d’agglomération au sens du recensement général de la population » devait, selon l’annexe 4 de la circulaire du 1er octobre 2007 relative aux études de sécurité publique, être comprise « au sens des unités urbaines de l’INSEE » ; lequel institut définit comme suit cette notion : « la notion d'unité urbaine repose sur la continuité de l'habitat : est considérée comme telle un ensemble d'une ou plusieurs communes présentant une continuité du tissu bâti (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) et comptant au moins 2 000 habitants. La condition est que chaque commune de l'unité urbaine possède plus de la moitié de sa population dans cette zone bâtie. Les unités urbaines sont redéfinies à l'occasion de chaque recensement de la population. Elles peuvent s'étendre sur plusieurs départements ».

    Et s’il est vrai que cette circulaire n’a en elle-même aucune valeur réglementaire ;

    • d’une part, l’article R.111-48 du Code de l‘urbanisme vise la notion d’agglomération « au sens du recensement général de la population », lequel a été confié par le législateur à l’INSEE ;
    • d’une part, il ressort de la jurisprudence rendue en la matière lorsqu’une norme considérée utilise la notion d’agglomération sans la définir le juge administratif se réfère le plus souvent à la notion d’unité urbaine au sens de l’INSEE (pour un exemple relatif en droit à l’article L.302-5 du Code de l’urbanisme et, en fait, comme en l’espèce, à l’agglomération de Montpellier : CAA. Marseille, 7 avril 2011, Cne de Juvignac, req. n°09MA00490) ; notion à laquelle l’autorité administrative est elle-même autorisée à se référer en l’absence de disposition législative ou règlementaire contraire pour ce qui concerne la norme en cause (CAA. Marseille, 2 juin 2006, Ministre de l’Intérieur, req. n°04MA00725).

    Il reste que pour leur part, les parties défenderesses devaient faire valoir que le classement de la commune d’implantation du projet dans l’unité urbaine de Montpellier n’avait été rendu public par l’INSEE que postérieurement à la date de délivrance du permis de construire contesté. Mais cet argument devait donc être écarté par le Tribunal de Montpellier aux motifs de droit et de fait suivants :

    « Considérant, d'une part, que le document établi par l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) réactualisant pour l'année 2010 les unités urbaines, terminologie qui recouvre la notion d'agglomération, ne constitue, alors même que les dispositions précitées s'y réfèrent, qu'une étude à caractère scientifique, dépourvue de toute portée juridique ; que pour vérifier si le dossier de demande de permis qui lui était soumis devait ou non comprendre l'étude de sécurité publique prévue à l'article L. 111-3-1, il appartenait au maire de Saint-Gély du Fesc de déterminer si sa commune présentait une continuité du tissu bâti avec d'autres communes la situant dans une agglomération entendue au sens du recensement de la population comme une unité urbaine, laquelle repose notamment, sur la continuité de l'habitat de plusieurs communes, sans coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions ; que si le zonage a été rendu public par sa publication sur le site internet de l'INSEE, en 2011, il résulte des pièces du dossier et notamment d'une publication issue du même site internet de l'INSEE relative à la notion d'unité urbaine que : « L'actuel zonage daté de 2010 a été établi en référence à la population connue au recensement de 2007 et sur la géographie du territoire au 1er janvier 2010 » ; que dès lors, alors même que l'information relative au passage de la commune de Saint-¬Gély du Fesc de la catégorie « ville isolée» à ta catégorie « unité urbaine de Montpellier» n'a été tendu accessible au public qu'au coins de l'année 2011, les données de l'institut recueillies antérieurement au 18 août 2010, date de la décision attaquée, que le maire de Saint-Gély du Fesc ne pouvait ignorer, lui permettaient de connaître la situation de sa commune, entrée au plus tard le 1er janvier 2010 dans une agglomération de plus de 100 000 habitants au sens du recensement général de la population ; que, d'autre part, il est constant que le projet en litige, dont l'effectif public total est de 1755 personnes, relève de la première catégorie d'établissement recevant du public au sens de l'article R. 123-19 du code de la construction et de l’habitation précité , que dès lors le projet de multiplexe devait faire l'objet d'une étude préalable de sécurité publique, en conformité avec les dispositions précitées de l'article R 111- 48 du code de l'urbanisme, que l'association requérante est donc fondée à soutenir qu'en J' absence de production pat le pétitionnaire d'une telle étude, le maire ne pouvait délivrer le permis de construire attaqué ».

    En résumé, la circonstance qu’une ville n’ait pas encore été « officiellement » classée par l’INSEE au sein d’une unité urbaine à la date de délivrance du permis de construire n’a pas d’incidence dès lors qu’à cette date, il résulte des données géographiques et démographiques s’y rapportant qu’elle appartient néanmoins de fait à une agglomération au sens du recensement général de la population ; ce qu’il incombe à l’autorité compétente pour délivrer cette autorisation d’apprécier au regard de la définition d’unité urbaine fixée par cet institut.

    D’une façon générale, et comme l’a en effet rappelé ce jugement, et que l’avait précédemment jugé le Conseil d’Etat, le document par lequel l’INSEE procède au zonage des unités urbaines n’est « qu'une étude à caractère scientifique, dépourvue de toute portée juridique » (Conseil d’Etat, 18 décembre 1996, Comité de défense des intérêts des habitants de la commune d’Aumontzey, req. n°165061). D’ailleurs, si à défaut de définition proposée par la norme législative ou réglementaire en cause se référant à la notion d’agglomération, le juge administratif se réfère systématiquement à la notion d’unité urbaine définie par l’INSEE, il pu être jugé qu’il s’agissait ainsi « d'assurer le plus de sécurité juridique à l'application de ces dispositions », en donnant « toute leur portée aux périmètres des agglomérations tels qu'ils sont établis par l'INSEE » mais ce, « sauf à ce qu'il soit démontré leur absence manifeste de bien fondé » (CAA. Marseille, 13 juillet 2010, Préfet du Vaucluse, req. n°10MA02140).

    Plus spécifiquement, pour ce que qui concerne le champ d’application de la procédure d’étude de sécurité publique, l’article R.111-48 du Code de l’urbanisme se borne à viser « les agglomérations », du moins celles de plus de 100.000 habitants, « au sens du recensement général de la population » et non pas le document de l’INSEE procédant au zonage des unités urbaines, ni a fortiori sa publication.

    Or, précisément, selon le guide des méthodes employées par l’INSEE, le zonage des unités urbaines est établi au vue des résultats de ce recensement et de la géographie du territoire de référence précédemment arrêtée: la formation et la reconnaissance de ces agglomérations résultent donc d’un constat de fait opéré au regard d’éléments de référence démographiques et géographiques antérieurs au zonage des unités urbaines.

    Cela étant, ce jugement présente une double difficulté. En effet, non seulement le Maire se doit d’apprécier lui-même si la commune concernée fait partie d’une agglomération – ce qui en soit n’est pas problématique – mais en outre, il doit le cas échéant procéder à cette appréciation au regard de données simplement disponibles sur le « site internet de l'INSEE » qui n’ont certes aucune portée juridique mais que pour autant ce maire « ne peut ignorer ».

    En outre, si l’article R.111-48 du Code de l’urbanisme notamment vise bien la notion d’agglomération « au sens du recensement général de la population », lequel incombe effectivement à l’INSEE, il reste que pour caractériser cette agglomération, c’est donc la notion d’unité urbaine tel que définie par cet institut qu’il convient de prendre en compte, de sorte que cette notion à l’utilité statistique et définie à cette fin par ce qui n’est qu’une direction générale du Ministère de l’économie accède quasiment au statut de norme légale…

    (un grand merci à mon confrère Xavier HEMEURY, du cabinet SVA, pour m’avoir communiqué ce jugement)

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associée