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  • Sur l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme et l’échéance à respecter pour retirer une autorisation d’urbanisme

    Les trois mois prévus par l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme pour procéder au retrait des permis doivent être compris comme le délai ouvert à l’administration non pas seulement pour prendre mais également pour notifier l’arrêté de retrait au bénéficiaire de l’autorisation retirée. C’est également la seule notification de la décision portant retrait qui doit être prise en compte s’agissant des déclarations préalables. Partant, une demande de pièce complémentaire signée avant le délai ouvert à cet effet à l’administration mais notifiée après cette échéance au déclarant est nécessairement illégale.

    CE. 13 février 2012, Association Protectrice des Animaux des Vannes, req. n°315.657/TA Amiens, 3 novembre 2011, req. n°10-02538

    Dans cette affaire, l’association pétitionnaire avait acquis un permis de construire tacite qui devait toutefois lui être ultérieurement retiré. En conséquence, celle-ci décida d’exercer une requête aux fins de référé suspension à l’encontre de cette décision de retrait en invoquant l’illégalité de cette décision au regard de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme dès lors qu’elle lui avait été notifiée plus de trois mois après la formation de l’autorisation tacite ultérieurement retirée.

    Il reste que ce moyen devait être rejeté par le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes au motif que la décision de retrait avait bien été signée avant l’échéance dudit délai de trois mois. Le Conseil d’Etat devait toutefois censuré cette analyse au motif suivant :

    « Considérant, d'autre part, qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision ; que, compte tenu de l'objectif de sécurité juridique poursuivi par le législateur, qui ressort des travaux préparatoires de la loi du 13 juillet 2006 dont ces dispositions sont issues, l'autorité compétente ne peut rapporter un permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, que si la décision de retrait est notifiée au bénéficiaire du permis avant l'expiration du délai de trois mois suivant la date à laquelle ce permis a été accordé ;
    Considérant qu'à l'appui de sa demande de suspension de l'exécution de l'arrêté signé le 7 mars 2011 par lequel le maire de Theix a retiré le permis de construire tacite qui lui avait été accordé, l'association requérante faisait valoir que ce retrait était illégal, faute de lui avoir été notifié avant l'expiration du délai fixé par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme ; que, pour juger que ce moyen n'était pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a relevé que la signature de cet arrêté était antérieure à l'expiration de ce délai et que la date de sa notification était sans incidence sur sa légalité ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'il a, ce faisant, commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'association est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée
    ».


    Pour tout dire la solution n’est pas franchement surprenante. En effet, la solution n’est finalement pas nouvelle s’agissant d’une décision de retrait, c’est-à-dire d’une décision individuelle défavorable qui ne devient exécutoire et ne produit donc ses effets juridiques à l’égard de son destinataire qu’à compter de sa notification. Or, sur ce point, l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme est finalement parfaitement rédigé et explicite : « le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que (…) ».

    Il ressort donc de la lettre même de cet article que ce n’est pas seulement la décision de retrait qui doit être prise dans le délai de trois mois. C’est le retrait (effectif) du permis (illégal) qui doit s’opérer avant cette échéance. Et dès lors que l’intervention de ce retrait implique que l’arrêté le décidant devienne exécutoire, il est donc normal que ce soit la notification de cette décision qui doive intervenir avant l’expiration du délai de trois mois prévu par l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme.

    Il faut cependant mesurer les conséquences concrètes de cette décision pour l’administration puisque ce délai court à son égard à compter de la signature du permis ou de la date de formation du permis tacite, et non pas donc à compter de l’affichage par le pétitionnaire de son autorisation sur le terrain des opérations. En outre, il faut rappeler que d’un point de vue procédural la légalité d’un retrait de permis de construire implique la mise en œuvre préalable de la procédure contradictoire prévue par l’article 24 de la loi n°2000-321 et dont l’administration ne peut s’affranchir au seul motif de l’échéance prochaine du délai lui étant offert pour procéder au retrait du permis en cause.

    D’ailleurs, on se souvient que le Conseil d’Etat avait déjà rendu une décision équivalente s’agissant des décisions de refus, et en l’occurrence d’une décision d’opposition à déclaration préalable, qui lorsqu’elles sont notifiées après l’expiration du délai ouvert à l’administration pour statuer sur la demande, et donc après la formation le plus souvent d’une autorisation tacite, sont requalifiées par le juge en décision de retrait de l’autorisation tacite et s’en trouve de ce fait illégale car entachées d’une méconnaissance de l’article 24 précité :

    « Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (… )» ; qu'il résulte de ces dispositions que les décisions qui retirent une décision créatrice de droits doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et les personnes intéressées doivent avoir au préalable été invitées à présenter leurs observations ; Considérant que si le maire a pris, dès le 28 mai 2001, avant l'expiration du délai de deux mois, une décision d'opposition à la déclaration, cette décision n'a été notifiée à la SCI requérante que le 5 juin 2001 ; qu'ainsi, le 30 mai, celle-ci était bénéficiaire d'une décision implicite de non-opposition aux travaux décrits dans sa déclaration ; que cette décision implicite avait créé des droits ; que, par suite, la décision expresse notifiée le 5 juin suivant ne peut s'analyser que comme une décision de retrait de la précédente décision implicite créatrice de droits ; qu'il suit de là que la cour administrative d'appel a entaché sa décision d'erreur de droit en rejetant le moyen tiré de ce que la décision de retrait aurait été prise selon une procédure irrégulière, faute pour le maire d'avoir invité la SCI AGYR à présenter des observations écrites ;
    Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI AGYR est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 30 juin 2005 ; Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de statuer sur l'appel formé par la SCI AGYR
    » (CE. 30 mai 2007, SCI AGYR, req. n°288.519).


    Mais s’agissant précisément des décisions de non-opposition à déclaration préalable la problématique se pose quelque peu différemment puisqu’aux termes de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme une telle décision par principe tacite ne peut pas être légalement retirée.

    C’est l’objet du jugement du Tribunal administratif d’Amiens commenté ce-jour. Dans cette affaire le requérant avait formulé une déclaration dont l’administration avait accusé réception. Ce faisant, cette dernière avait alors un mois pour solliciter du déclarant les pièces éventuellement manquantes à son dossier et/ou pour s’opposer à son projet.

    En l’occurrence les services instructeurs de la déclaration en cause devait édicter une décision portant demande de pièces complémentaires qui pour avoir été signée et envoyée au déclarant dans ce délai d’un mois devait cependant être reçu par le déclarant après l’échéance de ce délai.

    Le déclarant devait ainsi attaquer cette décision en raison de son illégalité procédant du fait que cette décision était illégale non seulement en tant que demande de pièces complémentaires intervenue après le délai d’un mois ouvert à cet effet mais également en tant qu’elle valait retrait de la décision de non-opposition tacite formée à l’expiration de ce même délai dès lors qu’il avait reçu la décision contestée après cette échéance. Et cette analyse devait donc être suivie par le Tribunal administratif d’Amiens.

    Ce jugement est intéressant à deux égards. D’une part, il confirme qu’une décision de demandes de pièces complémentaires intervenant après le délai ouvert à cet effet et/ou de retrait d’une décision de non-opposition tacite à une déclaration est certes illégale mais constitue néanmoins un acte existant, lequel produit donc ses effets juridiques tant que cette illégalité n’a pas été sanctionnée par le juge administratif. Il faut dire que :

    • une décision de demande de pièces complémentaires formulée après le délai d’un mois ouvert après ce délai n’est pas illégale de ce seul chef puisque sa « tardiveté » a pour seul effet de ne pas remettre en cause le délai d’instruction de la demande ;
    • le retrait d’une décision de non-opposition reste possible lorsqu’il est motivé par la fraude du déclarant.

    De telles décisions ne sont donc pas totalement étrangères aux pouvoirs dont dispose l’autorité administrative compétente en la matière.

    D’autre part, ce jugement présente l’intérêt de rappeler ce qu’est la date de notification : ce n’est ni la date de signature de la décision, ni sa date d’envoi, ni même nécessairement sa date de présentation mais en principe la date à laquelle la décision en cause est effectivement reçue par son destinataire.

    Cette règle vaut évidemment en toute matière et, à titre d’exemple pour ce qui concerne le droit de l’urbanisme et en l’occurrence les décisions de notification des décisions de préemption, on relèvera qu’il vient d’être jugé que :

    « Considérant qu'il résulte des dispositions mentionnées ci-dessus de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption doivent savoir de façon certaine, au terme du délai de deux mois imparti au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise ; que, dans le cas où le titulaire du droit de préemption décide de l'exercer, les mêmes dispositions imposent que la décision de préemption soit, au terme du délai de deux mois, non seulement prise mais également notifiée, au propriétaire intéressé ; que la réception de la décision par le propriétaire intéressé dans le délai de deux mois, à la suite de sa notification, constitue, par suite, une condition de la légalité de la décision de préemption ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le délai de deux mois dont disposait la COMMUNE DE MONT-DE-MARSAN pour exercer le droit de préemption sur l'immeuble appartenant à la SCI du Bord de l'Eau expirait le 5 février 2009 ; que si le pli contenant la décision de préemption a été posté par lettre recommandé avec demande d'avis de réception le 30 janvier 2009, ce pli a été retiré par le mandataire de la SCI du Bord de l'Eau au bureau de poste le 6 février 2009 ; que seule cette date, et non celle de la présentation du pli, doit être regardée comme celle de la réception de la décision de préemption ; que cette date étant postérieure à l'expiration du délai d'exercice de ce droit, la commune doit être réputée avoir renoncé à l'exercer
    » (CAA. Bordeaux, 7 février 2012, Cne de Mont-de-Marsan, req. n°11BX00761).


    Pour conclure, sur l’arrêt du Conseil d’Etat, on peut toutefois regretter que « l'objectif de sécurité juridique poursuivi par le législateur, qui ressort des travaux préparatoires de la loi du 13 juillet 2006 » auquel il s’est référé ne l’ait pas amené à conclure qu’en pareil cas, il y avait nécessairement urgence à suspendre l’exécution d’un tel retrait.

    On espère que cet objectif sera mieux pris en compte pour ce qui concerne l’article L.425-5 du Code de l’urbanisme en ce qu’il dispose que « passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».

     

     
    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés