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  • Quelques précisions sur les modalités d’application de la jurisprudence « Sekler »

    Un simple changement de destination peut participer à rendre un immeuble plus conforme à la règle d’urbanisme méconnue, y compris si ce changement n’intéresse qu’une partie de l’immeuble considéré.

    CAA. Paris, 15 octobre 2009, Cne de Cachan, req. n°08PA02411

    Voici un arrêt proposant une solution n’ayant à notre sens rien de réellement surprenant ni d’original mais qui présente l’intérêt de permettre de traiter d'autres points spécifiques des modalités d’application de la jurisprudence « Sekler ».

    Dans cette faire, le pétitionnaire avait solliciter un permis de construire ayant pour objet de modifier l’aménagement intérieur d’un ensemble immobilier à destination d’ateliers et de bureaux aux fins d’en affecter une partie à destination de logements. Il reste que cet ensemble ne répondait pas aux prescriptions de l’article 12 du POS communal en vigueur dans la mesure où il ne comportait que 14 places de stationnement alors que les dispositions de cet article en imposaient 22.

    TSE.jpgMais comme le sait, il résulte de la jurisprudence « Sekler » la circonstance qu'une construction existante n'est pas conforme à une ou plusieurs dispositions d'un plan d'occupation des sols régulièrement approuvé ne s'oppose pas, en l'absence de dispositions de ce plan spécialement applicables à la modification des immeubles existants, à la délivrance ultérieure d'un permis de construire s'il s'agit de travaux qui, ou bien doivent rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues, ou bien sont étrangers à ces dispositions.

    Toutefois, le Maire de Cachan devait rejeter la demande de permis de construire aux motifs que le changement de destination impliquait de respecter strictement les prescriptions de l’article 12 applicable et non pas seulement d’en atténuer la méconnaissance. Mais ce motif devait être censuré et le refus de permis de construire contesté annulé aux motifs suivants :

    « Considérant que la SCI Le Grenier Lavandière a demandé l'autorisation au maire de Cachan de changer en partie la destination de deux immeubles à usage d'ateliers et de bureaux situés 46-48 rue Etienne Dolet à Cachan en y créant 9 logements ; qu'il est constant que ces immeubles ne sont pas conformes aux dispositions précitées du plan d'occupation des sols ; qu'en effet, ils comportent 14 places de stationnement alors qu'en application de ces dispositions et compte tenu d'une surface hors oeuvre nette de 446 m² à usage de bureaux et d'une surface hors oeuvres nette de 367 m² d'ateliers, 22 places seraient nécessaires ; qu'en diminuant la surface à usage d'ateliers et de bureaux et en affectant une partie de ces locaux à la création de 9 logements, le projet conduit toutefois à diminuer de 22 à 20 le nombre de places de stationnement nécessaire ; que le tribunal administratif a donc estimé que ces travaux auraient pour effet de rendre les immeubles existants plus conformes aux dispositions méconnues du plan d'occupation des sols ;
    Considérant que la COMMUNE DE CACHAN, qui conteste cette analyse, fait valoir, en premier lieu, que le projet litigieux prévoit de créer à l'intérieur des bâtiments existants un espace à usage d'habitation qui n'existait pas auparavant et que la conformité aux dispositions du plan d'occupation des sols des logements ainsi créés n'est pas améliorée ; que, toutefois, cette circonstance est sans incidence sur l'application qui doit être faite des dispositions précitées, le respect de celles-ci devant s'apprécier non pas pour chaque destination existante ou à créer, mais sur la totalité de l'immeuble considéré ;
    Considérant, en second lieu, que la COMMUNE DE CACHAN soutient que du fait d'une sous-estimation de la surface hors oeuvre nette de la construction existante, cette construction ne nécessitait, pour être conforme au plan d'occupation des sols, que l'aménagement de 20 places de stationnement et non de 22 ; que, toutefois, si, dans une première demande de permis de construire présentée pour la SCI Le Grenier Lavandière, le caractère aménageable d'une surface de combles n'avait effectivement pas été indiqué, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces combles auraient fait l'objet, antérieurement à cette demande, d'un quelconque changement d'affectation ; que l'existence d'une erreur dans la surface hors oeuvre nette indiquée dans la demande litigieuse n'est donc pas établie de ce fait ; qu'à supposer, d'autre part, que les travaux envisagés, en ce qu'ils prévoient la transformation de ces combles en studios, ait pour effet d'augmenter la surface future des locaux à usage d'habitation, cette circonstance est sans incidence sur le nombre de places de stationnement requis au regard de l'affectation et de l'étendue de la surface hors oeuvre nette existante
    »


    Cette solution confirme que les règles applicables à des travaux emportant un changement de destination d’un bâtiment doté d’une existence légale au regard du droit de l’urbanisme sont celles concernant les travaux sur existant au sens de la jurisprudence « Sekler » et non pas celles applicables aux constructions nouvelles, y compris s’agissant de dispositions édictées en considération de la destination de la construction considérée et donc y compris si ces travaux ont pour effet de placer le bâtiment sous l’empire de dispositions autres que celles applicables au bâtiment existant.

    Mais cette solution n’est pas nouvelle puisque le Conseil d’Etat a déjà jugé que l’atténuation de la non-conformité au regard de l’article 14 du règlement local d’urbanisme pouvait résulter de travaux ayant pour objet de changer la destination d’un immeuble en lui conférant une destination bénéficiant d’un coefficient d’occupation au sol plus élevé (CE. 31 juillet 1992, Epoux Dupuy, req. n°118.733).

    Ce qui est le plus notable sur ce point tient à ce que la Cour a considéré que le respect de l’article 12 et l’atténuation de sa méconnaissance devait « s'apprécier non pas pour chaque destination existante ou à créer, mais sur la totalité de l'immeuble considéré ».

    Toutefois, cette analyse nous semble pouvoir être rapprochée de la décision par laquelle le Conseil d’Etat a jugé que :

    « Considérant que, lorsqu'une construction existante n'est pas conforme à une disposition d'un plan d'occupation des sols régulièrement approuvé, cette circonstance ne s'oppose pas à la délivrance ultérieure d'un permis de construire s'il s'agit de travaux qui doivent rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues ; que, dans l'hypothèse où le permis de construire est relatif à une partie d'un ouvrage indivisible, il y a lieu d'apprécier cette meilleure conformité en tenant compte de l'ensemble de l'ouvrage » (CE, 9 juillet. 2008, Min. Équipement c/ Cne Montigny-le-Bretonneux, req. n° n° 284831).

    et, en d’autres termes, que de deux choses l’une : soit les travaux projetés porte sur l’un des éléments d’une construction formant un ensemble indivisible et l’appréciation des conditions posées par la jurisprudence « Sekler » devra être appréciée à l’échelle de cet ensemble ; soit les travaux portent sur un élément divisible de la construction et c’est à l’échelon de ce seul élément qu’il conviendra d’établir s’ils améliorent ou non la non-conformité de l’ouvrage (pour exemple : CAA. Marseille, 11 décembre 2008, SCI ELFA, req. n°06MA02026).

    Ainsi dès lors que l’immeuble considéré formait par nature un ouvrage indivisible, il n’y avait pas lieu de distinguer la destination propre de chacun des locaux mais, par voie de conséquence, qu’il convenait d’apprécier l’atténuation de la méconnaissance de règle méconnue en prenant l’immeuble dans sa globalité.

    Enfin, force est de relever que l’atténuation de la non-conformité de l’immeuble à la règle méconnue était mince puisque les travaux projetés et le changement de destination subséquent avait pour seul effet de rendre 20 places exigibles là au 22 places étaient initialement requise.

    Mais comme on le sait, si la circonstance que les travaux projetés n’emportent qu’une aggravation minime de la non-conformité du bâtiment existant au regard de la règle méconnue ne saurait permettre de les autoriser (CE. 7 février 1994, SARL Rypp, req. n°93.259), même par le recours aux autorisations d’adaptations mineures prévues par l’article L.123-1 du Code de l’urbanisme (CE. 10 juillet 1995, M. Timsit, req. n°97.462), il reste qu’a contrario, le principe posé pas la jurisprudence « Sekler » est respecté dès lors qu’ils améliorent la conformité de la construction existante à cette règle et ce, quelle que soit l’importance de cette amélioration ou le procédé permettant de l’opérer. Ainsi, s’agissant d’une construction existante en surdensité au regard du coefficient d’occupation au sol fixé par l’article 14 du règlement local d’urbanisme, il a pu être jugé que des travaux ayant pour effet de ramener de 115 mètres carrés à 108 mètres carrés la SHON de cette construction amélioraient la non-conformité de cette dernière au regard de la règle méconnue (CE. 22 juillet 1994, Ville de Cannes, req. n°133.673).

    Dans cette mesure, la solution retenue en l’espèce par la Cour administrative d’appel de Paris nous paraît donc en tous points incontestable.

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Veille administrative : 1 réponse ministérielle

    Texte de la question (publiée au JO le :  04/08/2009  page :  7607) : "Mme Geneviève Gaillard attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les inquiétudes des associations de protection de l'environnement relatives à la proposition de loi de Monsieur Roland Blum visant à interdire l'accès à la justice des associations en matière d'urbanisme. Sous couvert de limiter les recours abusifs contre les autorisations de construire, le député Roland Blum a déposé le 4 mars 2009 une proposition de loi portant création d'un nouveau régime d'agrément pour restreindre l'accès à la justice des associations et imposer le dépôt d'une consignation d'un montant ne pouvant être inférieur à 1 000 € auprès du tribunal administratif. L'argument de l'existence de recours abusifs est avancé, alors que ces recours seraient très peu nombreux en réalité. Les associations de protection de l'environnement proposent comme solutions, pour éviter les recours contentieux, l'assistance et le conseil des élus sur le droit en vigueur ainsi qu'une large concertation en amont des projets afin de prendre en compte en temps utile les critiques et propositions des personnes concernées. Grâce au recours des associations, des espaces remarquables et fragiles ont pu être sauvés. Aussi, elle lui demande si elle entend faire en sorte que l'accès à la justice des associations ne soit pas interdit, ou même limité, mais qu'il soit pleinement garanti et effectif."

    Texte la réponse (publiée au JO le :  24/11/2009  page :  11188) : "Des règles spécifiques ont été introduites pour responsabiliser les requérants dans la présentation des recours dirigés contre un document d'urbanisme ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols. Ceux-ci sont tenus de notifier, par lettre recommandée avec accusé de réception, leur recours au bénéficiaire de l'acte ainsi qu'à l'auteur de la décision dans un délai contraint de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours, à peine d'irrecevabilité de la requête. Cette mesure, prévue à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme et reprise à l'article R. 411-7 du code de justice administrative, a pour objectif de renforcer la sécurité juridique des bénéficiaires d'autorisations d'urbanisme. En outre, en application de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme, une association n'est recevable à agir en justice à l'encontre d'une décision relative à l'utilisation ou à l'occupation des sols que si le dépôt des statuts en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. Enfin, l'article R. 741-12 du code de la justice administrative permet au juge d'infliger une amende, dont le montant peut aller jusqu'à 3 000 euros, à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive. Ces mesures semblent suffisantes pour prévenir les procédures qui auraient un caractère abusif. Le Gouvernement est par suite très réservé quant à la proposition évoquée de créer un régime spécifique d'agrément des associations de protection de l'environnement et d'imposer aux requérants de consigner une somme fixée par le juge pour tout recours dirigé contre un permis de construire. De telles mesures, au surplus, iraient à l'encontre des objectifs du droit communautaire qui prévoient, pour la mise en oeuvre de la convention d'Arthur du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, qu'un large accès à la justice soit assuré aux organisations non gouvernementales qui oeuvrent en faveur de l'environnement".

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés