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  • Le requérant ne peut utilement se borner à exciper de l’illégalité d’un règlement local d’urbanisme en vigueur à sa date de délivrance pour conclure à l’annulation d’un permis de construire

    Dès lors que l’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un document local d’urbanisme a pour effet de remettre en vigueur le document qui lui est immédiatement antérieur, le requérant ne peut utilement se borner à exciper de l’illégalité d’un règlement d’urbanisme local pour conclure à l’annulation d’un permis de construire mais doit également invoquer l’illégalité de cette autorisation au regard des prescriptions du document antérieur ayant vocation à être remis en vigueur.

    CE. 7 février 2008, Cne de Courbevoie, req. n° 297.227


    Voici une décision dont on ne sait si elle a vocation à être publiée au Recueil mais qui, en toute hypothèse, a bien plus d’importance qu’elle n’y paraît ; bien qu’elle appelle peu de commentaires.

    Dans cette affaire, le permis de construire en litige était contesté au motif tiré, notamment, de l’illégalité du POS communal en vigueur à la date de délivrance de cette autorisation.

    Il reste qu’en elle-même, la simple illégalité du document local d’urbanisme alors en vigueur ne saurait emporter l’annulation d’un permis de construire délivré au vu de ce document puisqu’une telle autorisation n’est pas un acte d’application de ce document ; et pour cause puisque si, lors qu’il existe, cette autorisation doit respecter ce document, l’existence d’un tel document n’est évidemment pas une condition sine qua none à la délivrance d’une telle autorisation.

    On sait, en effet, qu’il est de jurisprudence bien établie que l’illégalité et l’annulation éventuelle d’un document local d’urbanisme entache d’illégalité les autorisations d’urbanisme délivrées sur son fondement uniquement lorsque ce document a eu « pour objet de rendre possible l’octroi » (CE. 12 décembre 1986, GEPRO, Rec., p.292) de l’autorisation litigieuse. A titre d’exemple, le Conseil d’Etat a en effet jugé que :

    « Considérant que, si le permis de construire ne peut être délivré que pour un projet de construction respectant la réglementation d'urbanisme applicable, il ne constitue pas un acte d'application de cette réglementation ; qu'il suit de là que l'annulation d'un plan d'occupation des sols n'entraîne pas de plein droit celle d'un permis de construire délivré sous l'empire de ce plan, à l'exception du cas où cette annulation aurait été prononcée en raison de l'illégalité d'une disposition ayant pour objet de rendre possible l'octroi du permis litigieux ; qu'en dehors de ce cas, il appartient au juge, s'il est saisi de moyens en ce sens par la partie qui critique le permis de rechercher si le projet de construction autorisé est ou non compatible avec les dispositions d'urbanisme redevenues applicables à la suite de l'annulation du plan » (CE. 28 janvier 1987, Comité de défense des espaces verts, req. n° 39146).

    En résumé, selon la jurisprudence susvisée, soit le règlement local d’urbanisme a eu « pour objet de rendre possible l’octroi » du permis de construire contesté et dès lors l’illégalité de ce règlement emporter ipso facto l’annulation du permis, soit tel n’est pas et dés lors la légalité du permis de construire contesté doit être appréciée au regard du règlement local d’urbanisme immédiatement antérieur – ou, à défaut d’un tel règlement, de la carte communale ou du MARNU (CE. 30 décembre 2002, M. Jeandey, req. n°239.380) l’ayant précédé, voire du règlement national d’urbanisme (CE. 13 mars 2002, Heukeshoven, req. n°228.570) – l’article L.121-8 du Code de l’urbanisme disposant que « l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale, d'un schéma directeur ou d'un plan d'occupation des sols ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le schéma directeur ou le plan local d'urbanisme, la carte communale ou le plan d'occupation des sols ou le document d'urbanisme en tenant lieu immédiatement antérieur ».

    Il s’ensuit, donc, que le seul constat illégalité du document local d’urbanisme en vigueur ne saurait emporter l’annulation d’un permis de construire délivré au vu de ce document puisqu’il est encore nécessaire d’établir que la délivrance du permis de construire litigieux a été rendue possible du fait de ce document ou que ce permis méconnait les prescriptions du document d’urbanisme immédiatement antérieur.

    Or, à ce sujet, le Conseil d’Etat vient donc de juger que :

    « Considérant toutefois que, si le permis de construire ne peut être délivré que pour un projet qui respecte la réglementation d'urbanisme en vigueur, il ne constitue pas un acte d'application de cette réglementation ; que, par suite, un requérant demandant l'annulation d'un permis de construire ne saurait utilement se borner à soutenir qu'il a été délivré sous l'empire d'un document d'urbanisme illégal, quelle que soit la nature de l'illégalité dont il se prévaut ; que, cependant, il résulte de l'article L. 125-5 devenu L. 121-8 du code de l'urbanisme que la déclaration d’illégalité d’un document d’urbanisme a, au même titre que son annulation pour excès de pouvoir, pour effet de remettre en vigueur le document d’urbanisme immédiatement antérieur ; que, dès lors, il peut être utilement soutenu devant le juge qu’un permis de construire a été délivré sous l'empire d'un document d'urbanisme illégal - sous réserve, en ce qui concerne les vices de forme ou de procédure, des dispositions de l’article L. 600-1 du même code -, à la condition que le requérant fasse en outre valoir que ce permis méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur ;
    Considérant qu’aucun moyen de cette sorte n’a été invoqué par Mme Gaudin et autres, lesquels n’auraient au demeurant pas été recevables à excéder les limites du renvoi préjudiciel ; que, par suite, c’est à tort que le tribunal administratif de Paris s’est fondé sur l’illégalité du règlement du plan d’aménagement de zone de la ZAC « Jules Ferry » pour déclarer illégal l’arrêté du 23 décembre 1998 par lequel le maire de COURBEVOIE a délivré un permis de construire à M. Giacalone
    ».


    En substance, le requérant ne saurait donc se borner à soutenir que le permis de construire contesté est illégale par voie de conséquence de l’illégalité du document d’urbanisme au vu duquel il a été délivré puisque pour que son moyen d’annulation soit « recevable » il lui faut encore démontrer ou, à tout le moins, soutenir avec un degré suffisant de précision que ce permis méconnait les prescriptions du document d’urbanisme immédiatement antérieur et ayant vocation à être remis en vigueur du fait du fait de l’éventuel constat de l’illégalité de son successeur.

    Si cette décision apparaît difficilement contestable au regard du principe préexposé et de la règle selon laquelle le requérant a, à tout le moins, la charge de l’allégation, ce qui lui impose de procéder à un minimum de démonstration juridique sans que, sauf exception, le juge administratif ne puisse palier sa carence, il n’en demeure pas moins qu’elle s’avère pour le moins contraignante puisque le document immédiatement antérieur peut lui-même être illégal, ce qui impose alors de prendre en compte celui ayant précédé ce dernier (CAA. Nantes, 15 février 1998, CNe de Mozé-sur-Louet, req. n°97NT00370). Le cas échéant, il peut donc incomber au requérant d’établir, tout d’abord, que le PLU au vu duquel a été délivré le permis de construire contesté est illégal, ensuite, que le POS l’ayant précédé est tout autant illégal pour, enfin, démontrer que l’autorisation litigieuse méconnait le MARNU antérieur à ce POS…

    Mais pour conclure, c’est surtout le « considérant » de principe précité qui nous intrigue : pourquoi ce dernier ne traite pas (plus ?) du cas particulier où le document d’urbanisme dont illégalité est excipée a eu « pour objet de rendre possible l’octroi » du permis de construire contesté .. ?



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur la désignation et l’identification des membres de la commission départementale d’équipement commercial

    L'arrêté préfectoral fixant la composition de la commission départementale d'équipement commercial appelée à statuer sur une demande d'autorisation de création d'un équipement commercial doit permettre de connaître à l'avance l'identité des personnes susceptibles de siéger par la désignation des membres qui la composent, soit, en vertu de la qualité au nom de laquelle elles sont appelées à siéger, lorsque cette mention suffit à les identifier, soit, dans l'hypothèse où un membre peut se faire représenter par l'indication nominative de la personne qui pourra le représenter.

    CE. 16 janvier 2008, Sté Leroy Merlin, req. n°296.558


    Bien que nous en partagions pas totalement le sens et la portée, voici un arrêt qui a le mérite d’être le bienvenu - lequel sera, d’ailleurs, publié au Recueil – puisqu’il tend à trancher la question de la désignation des membres de la commission départementale d’équipement commercial par l’arrêté préfectoral en fixant la composition.

    On sait, en effet (cf : veille jurisprudence spéciale du 10/01/2008 & note du 23/08/2007), que cette question avait fait l’objet de réponses forts différentes de la part des Cours administratives d’appel ; à tel point, d’ailleurs, qu’il y avait presque autant de réponses distinctes que de Cours ayant été appelées à se prononcer sur cette question (comparer : CAA. Nancy, 8 novembre 2007, ATAC, req. n° 07NC00100 ; CAA. Bordeaux, 22 octobre 2007, SAS Immobilière Frey, req. n° 05BX02442 ; CAA. Lyon, 24 mai 2007, Ebt Pierre Fabre, req. n°04LY00261CAA ; CAA. Bordeaux, 21 mai 2007, req.n°04BX00374 ; CAA. Nantes, 19 décembre 2006, req. n°05NT01988 ; CAA Versailles, 8 juin 2006, req. n°04VE00164).

    Mais le Conseil d’Etat vient donc de remédier à ces divergences en jugeant que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article L. 720-8, devenu L. 751-2, du code de commerce : La commission départementale d'équipement commercial (…) est composée : / 1° Des trois élus suivants : / a) Le maire de la commune d'implantation ; / b) Le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'aménagement de l'espace et de développement dont est membre la commune d'implantation ou, à défaut, le conseiller général du canton d'implantation ; / c) Le maire de la commune la plus peuplée de l'arrondissement, autre que la commune d'implantation ; en dehors des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et des communes de l'Essonne, du Val-d'Oise, des Yvelines et de Seine-et-Marne appartenant à l'agglomération parisienne, dans le cas où la commune d'implantation appartient à une agglomération multicommunale comportant au moins cinq communes, le maire de la commune la plus peuplée est choisi parmi les maires des communes de ladite agglomération ; / 2° Des trois personnalités suivantes : / a) Le président de la chambre de commerce et d'industrie dont la circonscription territoriale comprend la commune d'implantation, ou son représentant ; / b) Le président de la chambre de métiers dont la circonscription territoriale comprend la commune d'implantation, ou son représentant ; / c) Un représentant des associations de consommateurs du département. / Lorsque le maire de la commune d'implantation ou le maire de la commune la plus peuplée visée ci-dessus est également le conseiller général du canton, le préfet désigne pour remplacer ce dernier un maire d'une commune située dans l'agglomération multicommunale ou l'arrondissement concernés ; qu'aux termes de l'article 10 du décret du 9 mars 1993, devenu R. 751-6 du code de commerce : Pour chaque demande d'autorisation, un arrêté préfectoral fixe la composition de la commission ; que l'article 22 du même texte, devenu R. 752-23 du code de commerce, dispose que : Dans le délai d'un mois à compter de la date d'enregistrement d'une demande d'autorisation, les membres de la commission départementale d'équipement commercial reçoivent, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, communication de cette demande accompagnée : - de l'arrêté préfectoral fixant la composition de la commission ; - de la lettre d'enregistrement de la demande prévue à l'article 21 ; - du formulaire visé à l'article 11 ; qu'enfin le formulaire visé à l'article 11 du même texte, devenu l'article R. 751-7 du code de commerce, est le document que chaque membre de la commission doit remettre dûment rempli au président de la commission pour pouvoir siéger et par lequel il déclare les intérêts qu'il détient et les fonctions qu'il exerce dans une activité économique ;
    (…)
    Considérant, en second lieu, qu'eu égard à l'objet et à la finalité des dispositions ci-dessus rappelées l'arrêté préfectoral fixant la composition de la commission départementale d'équipement commercial appelée à statuer sur une demande d'autorisation de création d'un équipement commercial doit permettre de connaître à l'avance l'identité des personnes susceptibles de siéger par la désignation des membres qui la composent, soit, en vertu de la qualité au nom de laquelle elles sont appelées à siéger, lorsque cette mention suffit à les identifier, soit, dans l'hypothèse où un membre peut se faire représenter par l'indication nominative de la personne qui pourra le représenter ; que, dès lors, en jugeant que cet arrêté préfectoral devait préciser l'identité des représentants éventuels des élus et autorités mentionnées par les dispositions de l'article L. 720-8 du code de commerce et en en déduisant qu'était illégal l'arrêté du préfet des Yvelines du 10 juillet 2001 fixant la composition de la commission départementale d'équipement commercial des Yvelines appelée à se prononcer sur la demande d'autorisation présentée par la SOCIETE LEROY MERLIN, au motif qu'il se bornait à désigner les élus locaux et les représentants des compagnies consulaires en précisant que les uns et les autres pourraient se faire représenter sans indiquer le nom de ce représentant éventuel, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit
    ».


    En résumé, l’arrêté fixant la composition de la commission départementale d’équipement commercial, peut, d’une part, se limiter à identifier le maire de la commune d'implantation, le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'aménagement de l'espace et de développement dont est membre la commune d'implantation ou, à défaut, le conseiller général du canton d'implantation, le maire de la commune la plus peuplée de l'arrondissement, autre que la commune d'implantation, le président de la chambre de commerce et d'industrie ainsi que le président de la chambre de métiers dont la circonscription territoriale comprend la commune d'implantation par la simple indication de ces qualités mais en revanche doit, d’autre part, identifier nominativement les représentants éventuels de ces derniers ainsi que cexux des associations départementales de consommateurs appelées à siéger.

    En cela, l’arrêt commenté contredit donc clairement la position de la doctrine administrative et, plus précisément, de l’article 127 de la circulaire ministérielle du 16 janvier 1997, portant application des dispositions de la loi d’orientation du commerce et de l’artisanat du 27 décembre 1973, lequel avait précisé que « l’arrêté décrit la composition de la commission, telle qu’elle figure à l’article 30 de la loi du 27 décembre 1973 modifiée. Seuls apparaissent nominativement les représentants, titulaire et suppléant, des associations de consommateurs ».

    Néanmoins, nous ne partageons pas le sens et la portée de l’arrêt commenté dans la mesure où :

    - tout d’abord et d’une façon générale, aucune disposition du Code de commerce ne prévoit cette désignation nominative des membres de la commission cependant que lorsque ses auteurs ont jugé utile une telle désignation, il n’ont pas manqué de le préciser expressément, notamment, dans le cadre de la procédure de vote pour laquelle les bulletins doivent être nominatifs en application de l’article R.752-30 du Code de commerce ;
    - ensuite et de façon plus spécifique, si cette désignation nominative tend à permettre le contrôle de l’impartialité des membres de la commission, le Code de commerce prévoit que ce contrôle a vocation à être assuré, après l’arrêté de fixation de la composition de la commission, par le Préfet à travers l’examen des formulaires de déclaration d’intérêts prescrits par l’article R.751-7 du Code de commerce ;
    - enfin et plus concrètement, cependant que les membres de la commission ont, à cet égard, pour seule obligation de transmettre leur formulaire de déclaration d’intérêt avant, mais sans délai particulier, que la commission ne délibère sur la demande d’autorisation, la désignation nominative de certains de ces membres dès l’édiction de l’arrêté en cause implique de « cristalliser » la composition de la commission au moins un mois avant qu’elle ne procède à cette délibération et, le cas échéant, de reprendre la procédure à ce stade lorsque les personnes nominativement désignées ne peuvent participer à la réunion, si bien que leur empêchement de dernière minute ne permet pas d’atteindre le quorum requis pour délibérer, alors que les délais pour ce faire sont strictement encadrés...



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés